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Trahison : Bruno Colmant prêt à trucider « ses » intérêts notionnels !

Officiant à l’époque comme chef de cabinet de Didier Reynders, Bruno Colmant est considéré par d’aucuns comme le père fondateur des intérêts notionnels. Il en revient…

Avec une intelligence hors pair, un CV impressionnant, un excellent sens du relationnel et de multiples casquettes, Bruno Colmant est incontestablement un des économistes les mieux introduits et les plus écoutés de Belgique. Il est peut-être aussi le plus controversé par la frange gauche de l’échiquier sociétal, tant il a pu louer les vertus des marchés et, surtout, défendre bec et ongles la mesure fiscale qui a fait couler le plus d’encre durant ces dernières années et dont il est le véritable inspirateur : les intérêts notionnels.

Sur le plan du principe, le mécanisme des intérêts notionnels était, à la base, une superbe réponse à l’injonction faite par l’Europe à la Belgique de mettre fin au régime fiscal propre aux centres de coordination, celui-là même qui avait drainé chez nous tant de QG de multinationales. Concrètement, considérant que le financement par la dette est par nature plus avantageux (les intérêts sont déductibles de la base taxable) que via les fonds propres (les dividendes ne sont pas déductibles de la base imposable), la Belgique avait alors lancé une révolution copernicienne de sa fiscalité en permettant, dès 2006, aux sociétés de déduire de leur base taxable l’équivalent d’un certain pourcentage des fonds injectés (capital) ou laissés (bénéfices non distribués) par les actionnaires. Comme les centres de coordination étaient généralement des structures bien dotées en fonds propres (capital et bénéfices non distribués), la Belgique avait trouvé là, sur le conseil de Bruno Colmant, la parade face au risque de délocalisation de « ses » centres de coordination. En raison de l’implantation de cette technique, on vit aussi nombre de sociétés à travers le pays procéder à des augmentations, parfois massives, de capital, l’objectif étant alors de créer là une base tangible de déductions fiscales, au point parfois de ne, pour ainsi dire, plus payer du tout d’impôt des sociétés… !

Comme chaque euro de fonds propres supplémentaire est un euro qu’il ne faut pas aller chercher à l’extérieur, un des effets positifs les plus significatifs de l’instauration des intérêts notionnels fut sans conteste de voir la solvabilité des entreprises belges renforcée ; ce qui est bien à propos dans un contexte où l’obtention de crédits est devenue plus difficile…

Controverse

Reste que le coût budgétaire de la mesure est tout sauf anodin. Un point qui, en ces temps de disette budgétaire, n’a pas manqué d’être pointé par les détracteurs (surtout à la FGTB et chez Ecolo) de cette technique fiscale. Au-delà des mesures prises de plafonner d’abord, de diminuer ensuite le taux d’intérêt des « notionnels » pour limiter certains abus, les détracteurs de la mesure soulignent que ce cadeau fiscal n’est assorti d’aucune réelle condition avec effet multiplicateur en termes d’investissements et/ou de création d’emplois. Un argument auquel Bruno Colmant s’est finalement lui-même rangé fin septembre 2012. La publication, dans L’Echo, de sa tribune portant un titre un tantinet provocateur, « Les intérêts notionnels pourraient être enterrés en 2012 », avait alors fait grand bruit. En résumé, Bruno Colmant s’y faisait l’apôtre de déductions accélérées des amortissements, comme dans les années 1970, en lieu et place des « notionnels ». Selon lui, au-delà d’une forme de protection des entreprises contre les aléas de l’inflation escomptée pour les années à venir, l’implantation de cette mesure aurait pour corollaire de susciter des investissements « amortissables » dans le chef des sociétés, bref, de faire tourner « l’économie réelle ». Bruno Colmant n’a pas été suivi par le gouvernement, le mécanisme des intérêts notionnels ne devant finalement subir cette fois qu’une adaptation (tangible ?) à l’échelon du taux d’intérêt de référence. Il reviendra certainement à la charge, le moment venu. C’était déjà le cas pour les « notionnels » : l’idée avait germé chez lui en 1999 ; elle fut appliquée à partir de 2006…

J.-M. D.

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