Anne-Sophie Bailly

Trafic de cocaïne: puisque la guerre contre la drogue ne peut être gagnée, si on essayait autre chose

Anne-Sophie Bailly Rédactrice en chef

Depuis le décès d’une fillette à Merksem, les annonces de mesures destinées à renforcer la lutte contre le trafic de drogue et sa consommation se sont multipliées. Pourtant, on sait que la guerre contre les narcotrafiquants n’a jamais été gagnée.  

Un marché, c’est toujours la rencontre d’une offre et d’une demande. Pour la cocaïne, celle entre narco- trafiquants et consommateurs. Un marché tellement important, avec un taux de croissance tellement élevé, qu’il engendre une explosion des faits de violence qui pousse les Etats à intensifier leur lutte contre le trafic de drogue. Depuis la fusillade ayant causé le décès d’une enfant à Merksem, les annonces en ce sens se sont multipliées en Belgique.

Celles qui visent à perturber l’offre, d’abord: faire descendre les militaires dans le port et les rues d’ Anvers, allouer davantage de ressources aux services douaniers, instaurer un corps de police portuaire, nommer un commissaire national «drogue»… Celles censées dissuader la demande, ensuite: culpabiliser les consommateurs en matraquant qu’ils ont «du sang sur les mains», qu’ils «contribuent à alimenter un système», les faire payer davantage et plus souvent, en renforçant les contrôles et en augmentant le tarif des amendes. Des moyens supplémentaires qui peuvent sembler nécessaires, mais qui n’ont jamais, jusqu’à preuve du contraire, ni freiné le trafic, ni limité l’usage, ni empêché la mutation ou le renforcement des cartels, ni instillé le doute dans le sentiment d’impunité, ni instauré un semblant de proportionnalité entre les moyens des acteurs en présence.

Pourquoi ne pas tenter de casser la logique de marché du trafic de cocaïne, en y faisant entrer un acteur supplémentaire, les Etats, en tant que fournisseurs?

Devant ce constat d’échec, pourquoi ne pas tenter de rendre ce marché inopérant, de casser sa logique, en y faisant entrer un acteur supplémentaire, les Etats, en tant que fournisseurs? C’est la proposition avancée par la maire d’ Amsterdam, Femke Halsema, comme par le président colombien Gustavo Petro. L’idée: attaquer le problème par son volet économique en supprimant la source de revenus des narcotrafiquants et en fournissant aux consommateurs un produit contrôlé, légalement distribué et lourdement taxé. Bref, en régulant et dépénalisant le commerce de la cocaïne.

L’ idée peut sembler contraire aux valeurs morales. Comment un Etat pourrait-il devenir fournisseur officiel d’un produit addictif, nocif, potentiellement mortel? Aujourd’hui, en Belgique, aucun parti ne se risquerait à mettre une telle proposition à son programme. La société n’est probablement pas prête non plus à appréhender une telle évolution dans son rapport avec la drogue.

Il faudra encore beaucoup de containers fruitiers, de grenades explosées, de violences, de règlements de comptes, de morts avant d’accepter cette évidence: aucune guerre contre les mafias de la drogue n’a jamais été gagnée.

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