Philippe Maystadt

« There is no euro crisis ! »

Philippe Maystadt Ex-président de la BEI

Depuis des années, des oracles anglo-saxons prédisent la fin de l’euro. En mai dernier encore, Paul Krugman annonçait l’Eurodämmerung, faisant référence à l’opéra de Wagner, le Götterdämmerung (le crépuscule des dieux). En particulier, il prédisait la sortie de la Grèce dans le mois. Comme quoi, même un Prix Nobel peut se tromper…

Invité à parler de la crise de l’euro devant un groupe d’investisseurs américains, j’ai pris un malin plaisir à débuter par la phrase : « There is no euro crisis ! » L’euro reste une monnaie (trop ?) forte. Autour de 1,30 pour un dollar, l’euro se situe à un niveau nettement plus élevé que celui qui était envisagé au moment de son lancement. L’euro reste la deuxième monnaie de réserve ; les dernières statistiques disponibles ne montrent pas de réduction significative de la part de l’euro dans les réserves des banques centrales du monde entier.

Il n’y a pas de crise de l’euro mais il y a des crises dans la zone euro, des crises dont l’origine est diverse mais qui se renforcent mutuellement avec des conséquences dramatiques pour l’activité économique et l’emploi. Il y a une crise bancaire dont l’origine se trouve aux Etats-Unis mais qui perdure en Europe parce que l’on a trop tardé à en prendre la pleine mesure. Il y a une crise de l’endettement public qui trouve son origine dans le déficit excessif de plusieurs Etats pendant les bonnes années mais qui a été aggravée par le soutien apporté au secteur bancaire et par les mesures de relance prises sur les conseils du FMI. Il y a une crise de la productivité résultant de la faiblesse de l’investissement en recherche-développement et d’un manque de personnel qualifié. Il y a enfin une crise de la convergence : lors de l’introduction de l’euro, on s’attendait à ce que les économies des pays participants convergent ; c’est l’inverse qui s’est produit, en raison d’une gouvernance économique trop faible. Pour qu’une union monétaire fonctionne bien, il faut disposer de signaux avertisseurs et de mécanismes correcteurs des déséquilibres qui, par définition, ne peuvent plus être corrigés par une dévaluation. C’est ce qui manquait dans la construction du traité de Maastricht.

Les signaux avertisseurs ont été améliorés. On a élargi la surveillance multilatérale en l’étendant à d’autres indicateurs que le déficit public et on l’a renforcée en instaurant des procédures plus efficaces. Au cours du « semestre européen », chaque Etat doit soumettre un programme national de réformes à la Commission qui peut lui adresser des « recommandations ».

Faute d’un budget européen crédible, il a fallu inventer d’autres mécanismes pour aider les pays à procéder aux corrections nécessaires. Ce fut hier l’engagement déterminant de la BCE de tout mettre en oeuvre pour éliminer la prime de risque liée aux spéculations sur l’éclatement de la zone euro. C’est aujourd’hui la mise en place du Mécanisme européen de stabilité (MES) qui apporte une assistance financière aux pays sous programme d’ajustement. Ce sera demain, lorsque la BCE sera opérationnelle comme superviseur bancaire, la possibilité pour le MES de soutenir directement des banques en difficulté. Ce sera après-demain, espérons-le, ce mécanisme de support financier proposé par Herman Van Rompuy pour les pays qui concluraient avec la Commission des accords sur des réformes structurelles. Autrement dit, des « carottes » et pas seulement des « bâtons ».

La route vers la cohésion économique et sociale sera encore longue, les obstacles, nombreux, et les tensions, inévitables. Mais, n’en déplaise aux oracles anglo-saxons, l’euro restera au coeur du processus.

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