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Steve Stevaert : la sombre chute de l’ancien numéro un flamand

Olivier Mouton
Olivier Mouton Journaliste

Steve Stevaert fut adulé pendant dix ans en Flandre. Un De Wever avant la lettre, mais le coeur à gauche. L’homme fort des socialistes était surnommé  » Steve Stunt « , tant ses idées pleines de bon sens et un rien démagogiques faisaient mouche. Il y a cinq ans, son destin a basculé vers une face très sombre. Irrémédiablement…

Steve Stevaert fut pendant dix ans le responsable politique le plus populaire de Flandre. Depuis cinq ans, c’était un homme seul, accablé par les drames familiaux, les accusations en tous genres et les reliques de son passé glorieux. Renvoyé devant le tribunal correctionnel suite à une accusation de viol, l’ancien président du SP.A a fui ce jeudi 2 avril l’ombre de sa destinée. Porté disparu.

Patron de café, homme populaire au bon sens ancré à fleur de peau, Stevaert débute sa carrière politique sur un mode mineur aux élections communales de 1982 : sur la liste socialiste, il n’est alors « que » le poulain de Willy Claes, ancien vice-Premier ministre fédéral et secrétaire de l’OTAN. En 1995, la météorite prend son envol : il devient bourgmestre de sa ville chérie d’Hasselt, après un règne ininterrompu des catholiques pendant 165 ans. Très vite – trop vite ? – il fait de sa ville un tremplin vers les sommets de la popularité en Flandre. Tout le monde retient avant tout son idée de rendre les transports gratuits pour les jeunes et les seniors mais en terme de créativité, l’homme est un ogre. On le surnomme « Steve Stunt », Steve « prouesse » tant il multiplie les effets d’annonce et les bons mots.

Avec son phrasé atypique, légèrement hésitant, et son sourire bonhomme, Stevaert devient rapidement une « marque » unique en son genre. Il cartonne au sommet de la popularité et annonce cette ère des « bekende Vlamingen » affolant les baromètres d’opinion, de Verhofstadt à Leterme pour arriver à De Wever. Avec lui, on songe en fait surtout à De Wever : comme lui, Stevaert maîtrise une forme de démagogie et de proximité avec la Vox Populi, il dit tout haut ce que les gens pensent tout bas. Très flamand, aussi : sauf que lui, il a le coeur à gauche.

« Steve Stunt » est propulsé vice-ministre-président flamand en 1999, on le plébiscite comme président du SP.A en 2003, il fait la pluie et le beau temps sur tous les plateaux de télévision du nord du pays. L’homme a compris la nécessité d’allier les socialistes et les écologistes au sein d’un grand pôle alternatif de gauche – un débat qui est toujours en cours aujourd’hui. Il n’hésite pas non plus à affirmer que le socialisme n’est pas contraire au nationalisme, qu’il peut donner la priorité aux intérêts de la Flandre – le Vlaams Belang, alors, est encore au sommet de sa forme. Il sait, aussi, ce qu’est le charisme, l’ouverture à la société civile, il fait du Pukkelpop, le célèbre festival rock d’Hasselt, un écran populaire. Organisateur du festival, son ami Chokri Mahassine le rejoint d’ailleurs au SP.A dès 1999..

La météorite Stevaert monte si haut dans le ciel qu’elle brûle ses ailes. En 2005, las sans doute, le numéro un socialiste devient à la surprise générale gouverneur de la province du Limbourg. C’est le premier socialiste à ce poste de toute l’histoire, mais la fonction a moins de relief politique que ses postes précédents. En juin 2009, il démissionne, le jour des élections régionales flamandes, et prend du recul, dégoûté, comme De Wever affirme qu’il pourrait le faire un jour. Lui qui était friand des médias se fait désirer, il ne prend plus la parole, refuse des interviews et prend une autre orientation.

En 2011, il retrouve le secteur horeca de son coeur en devenant… président du conseil d’administration des guides gastronomiques Gault & Millau. Construit par les médias comme une bulle, il est démoli par eux de la même façon. On dénonce son appétit vorace pour l’argent. On affirme qu’il a construit un réseau de relations affairistes dans le Limbourg à son profit : un réseautage passant par l’immobilier, l’énergie verte, la culture et qui aurait joué fort à propos sur son « truc » : les partenariats public-privé.

Sur le terrain politique, il perd son dernier vrai relais au SP.A, Caroline Gennez, la présidente qui le rejoignait dans bien des combats. Mais c’est sur le plan privé que sa descente est la plus amère. Il perd son père, son frère se suicide et, aussi, il est déjà impliqué dans un première affaire sexuelle « louche », une jeune Bruxelloise d’origine marocaine menaçant de dévoiler des « sex tapes » embarrassantes. L’affaire judiciaire est close depuis 2012, mais elle a laissé des traces.

Après avoir été au firmament, Stevaert abandonne tous ses mandats politiques et se retire sous sa tente. Contacté à plusieurs reprises, il nous disait ne plus vouloir s’exprimer. Le phrasé toujours atypique, saccadé, un rien rieur aussi. Le patron de café jovial avait désormais les traits tirés, blessé par la célébrité autant que par lui-même.

La rencontre sur un plateau de télévision en septembre 2010 avec la porte-parole d’une entreprise publique, un huis-clos sordide peut-être, une plainte en janvier 2013 et une enquête en toute discrétion du parquet sont aussi passées par là. Non loin des pavés pour les cyclistes d’Hasselt qu’il regardait fièrement en tant que bourgmestre, c’est le long du canal Albert que la météorite a prolongé son vol par des points de suspension…

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