Sophie Wilmès © Belga

Sophie Wilmès: « On a tous envie de revoir nos proches, mais nous n’avons pas le choix »

Olivia Lepropre
Olivia Lepropre Journaliste au Vif

La stratégie de déconfinement est au coeur de la séance plénière de la Chambre, ce jeudi. Le plan et la communication du gouvernement sont vivement critiqués par l’opposition.

La Belgique débutera bel et bien son déconfinement à partir du lundi 4 mai, a confirmé la Première ministre Sophie Wilmès (MR). Cela signifie que l’évolution de la crise sanitaire due à la propagation du coronavirus est jugée suffisamment sous contrôle. Cette première phase – phase 1A – vise une lente reprise de l’économie. Les experts ont par ailleurs insisté pour que les mesures de protection, de testing et de tracing soient opérationnelles le plus rapidement possible. Mais les critiques à l’égard du gouvernement sont nombreuses : gestion générale de la crise, saga des masques et de tests Covid-19, et aujourd’hui, la stratégie de déconfinement. C’est en ce sens qu’une dizaine de questions ont été adressées à la Première ministre ce jeudi à la Chambre. Facteur humain au second plan, confusion de la communication, conditions pré-confinement non remplies, protection des travailleurs, tracing… les interrogations ne manquent pas.

Le bon timing pour déconfiner ?

Il est notamment question du timing du déconfinement. « Les conditions qui entourent le déconfinement ne sont toujours pas présentes », indique Sophie Rohonyi (DéFI). Elle demande notamment à la Première ministre pourquoi le délai entre les différentes étapes est si court, alors que les spécialistes recommandent deux semaines entre chaque phase. La Première ministre a confirmé pour sa part que les chiffres (occupation des hôpitaux et unités de soins intensifs, courbe de propagation, décès, taux de reproduction…) montraient que les mesures mises en place fonctionnent. C’est dans cette optique que le feu vert a été donné hier, en concertation avec les experts, pour démarrer le déconfinement, a-t-elle précisé. La protection personnelle, le testing et le tracing, points importants du déconfinement, doivent encore être affinés. « En fonction de l’évolution de la situation sanitaire, il est toujours possible de reporter une phase« , a-t-elle encore ajouté.

La communication et le timing de la conférence de presse ont fait l’objet de nombreuses critiques. « Il faut accepter les critiques et en tenir compte pour l’avenir », a reconnu Sophie Wilmès. « Mais la stratégie de déconfinement est complexe, il faut repenser toute notre société en garantissant la santé de la population. Nous n’avions jamais donné d’heure pour la conférence de presse », a répondu Sophie Wilmès. En outre, il n’y avait pas de Conseil nationale de Sécurité prévu cette semaine, il n’a donc pas fait l’objet d’une annulation, a-t-elle précisé.

L’économie au détriment de l’humain?

Certains regrettent que la stratégie de déconfinement ne rencontre pas d’équilibre entre l’économie et le social. C’est le cas de Georges Gilkinet (Ecolo), mais aussi de Raoul Hedebouw (PTB), « en colère », qui a fustigé la communication de vendredi dernier, son timing et son contenu. Il déplore que le social, l’humain ait été mis au second plan. « Où est l’être humain ? », se demande également Peter Mertens (pvda). Il rappelle notamment la proposition des experts de revoir quelques proches dès le 4 mai, point qui n’a pas été retenu par le Conseil national de Sécurité. « La vision binaire économique/humain est caricaturale », a répondu la Première ministre. « Derrière les commerces, il y a des hommes et des femmes qui souhaitent gagner leur vie, reprendre une activité. Le travail peut aussi être un facteur d’épanouissement, même dans des situations difficiles. »

« On a tous envie de revoir nos proches. Moi aussi. Et on en tient compte », indique-t-elle. Elle rappelle que le texte des experts, qui avait fuité dans la presse début de semaine dernière, était provisoire. « Le GEES (groupe d’experts chargé de l’exit strategy) a changé d’avis, et c’est son droit. Il a estimé que dix personnes, cela ne garantissait pas la sécurité de la population. Cette fuite a donné de faux espoir et je le regrette. » Elle rappelle qu’il y a, pour l’instant, d’autres manières de voir ses proches (rendre visite à une personne isolée ou qui a besoin de d’aide, à un parent en maison de repos avec mesures de sécurité, se promener avec une personne toujours la même,…): « Je sais que ce n’est pas suffisant, mais ce n’est pas un choix. Est-ce que ça suffit ? Probablement pas, mais le Covid-19 ne prend pas de gants avec nous. Nos parents nous manquent, mais on n’est pas tous égaux devant ce virus: il faut être attentif à la génération au-dessus, qui est plus fragile. C’est aussi notre responsabilité de les protéger. »

Suite aux mesures de déconfinement annoncées vendredi dernier, beaucoup de travailleurs étaient inquiets des modalités de retour au travail. La Première ministre s’est voulue rassurante: « Le groupe des 10 a fait un guide de bonne pratique pour garantir la sécurité des travailleurs lors du retour au travail ».

Tests PCR, tests sérologiques et tracking

Sophie Wilmès a confirme que la Belgique réalise plus de 15.000 tests PCR Covid-19 par jour et indique que la capacité quotidienne s’élève à 25.000. Les tests sérologiques font également partie de la stratégie. Ils doivent permettre de déterminer qui a déjà été en présence du virus et si cette personne a développé des anticorps. « On a pu sécuriser 50.000 tests rapides au cours du moins d’avril, ce qui signifie que les laboratoires ont accès à ce volume d’achat. » L’objectif est de disposer de 900.000 tests sécurisés en mai et 3 millions en juin, a-t-elle précisé. Ces derniers seront distribués en fonction des recommandations de Sciensano.

Le testing est également lié au tracking. Il doit permettre d’identifier des porteurs potentiels, qui sans cela ne se seraient pas présenté spontanément, ou tardivement pour faire un test, « pour prévenir les chaines de transmissions éventuelles du virus. » Le suivi des contacts sera lancé le 4 mai, les call centers sont en cours d’installation et les personnes en charge du suivi sont formées. En ce qui concerne le développement d’une application, un projet de loi encadrant son utilisation sera prochainement déposée à la Chambre. Ce sont les Régions qui ont la main sur ce sujet, même s’il y a concertation avec le fédéral.

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