Sophie Wilmès © Belga

Sophie Wilmès : capable de parler le néerlandais, mais anti-flamande?

Walter Pauli
Walter Pauli Walter Pauli est journaliste au Knack.

Depuis dimanche, Sophie Wilmès (MR) est la première femme Première ministre de Belgique. Les réactions à sa nomination sont mitigées en Flandre.

Sophie Wilmès a reçu de chaleureuses félicitations de l’étranger. En Belgique, sa nomination a été accueillie avec réserve et scepticisme. Même pour les féministes, la promotion de la ministre du Budget de 44 ans a quelque chose de paradoxal. Elle pourrait être un motif de joie : quelques mois après que Liesbeth Homans (N-VA) soit devenue la première femme ministre-présidente de Flandre, Wilmès prend la direction du gouvernement belge. Cependant, dès le premier jour, il était clair pour Homans qu’il s’agissait d’un prix de consolation temporaire : en tant que ministre-présidente, elle n’a pas été repêchée par le nouveau gouvernement flamand. Sophie Wilmès aussi peut diriger un gouvernement fédéral éteint depuis longtemps jusqu’au jour où un autre « vrai » Premier ministre prendra la relève. Comme si les femmes n’étaient autorisées à diriger un gouvernement que lorsque cela n’a plus d’importance et que leur position est limitée dans le temps.

C’est à Wilmès elle-même de donner tort aux critiques et aux sceptiques. La fonction fait l’homme, et cela vaut aussi pour les femmes. L’histoire politique de notre pays nous enseigne que même les Premiers ministres temporaires peuvent devenir des Premiers ministres estimés, même dans les circonstances les plus difficiles. Pendant la crise gouvernementale record de 541 jours en 2010-2011, Yves Leterme (CD&V) a fait mieux en tant que Premier ministre de ce cabinet intérimaire que lorsque, en mars 2008, il est devenu le Premier ministre, après avoir été plébiscité aux élections de 2007.

Dix ans plus tôt, en 1992, Jean-Luc Dehaene, au lendemain du dimanche noir, s’est vu confier la tâche de diriger un gouvernement d’urgence, « limité dans le temps et en mission ». Il a accompli cette tâche à sa manière : il est resté près de huit ans et presque deux législatures complètes. À cette époque, il est devenu l’un des principaux Premiers ministres de l’après-guerre.

D’autres Premiers ministres intérimaires, par contre, sont restés une note de bas de page dans l’histoire. Herman Van Rompuy (CD&V) est devenu Premier ministre en décembre 2008 après que Wilfried Martens l’ait convaincu de le faire. Moins d’un an plus tard, à l’automne 2009, Van Rompuy a accepté la présidence du Conseil européen. De son court passage au 16 rue de la Loi, seul le slogan « calme et fermeté » mérite d’être retenu : peu de choses se sont passées. Cela rappelle Mark Eyskens (CVP), qui a vu sa chance au printemps 1981 après la chute de quatre gouvernements de Wilfried Martens en trois ans. Cinq mois plus tard, le même Eyskens disait : « Nous sommes le 21 septembre, le premier jour de l’automne, quand les feuilles tombent. Eh bien, mon gouvernement aussi est tombé. »

Flou artistique

Si Van Rompuy, Eyskens, Leterme, et certainement Dehaene ont donné leur nom à des gouvernements éphémères, c’était également grâce à leur personnalité. Si les deux derniers ont été acceptés comme les leaders politiques de leur génération par l’ensemble de la politique belge, les deux premiers ne l’ont pas été. Van Rompuy honorait sa réputation de vieil homme sage, une allure qu’il cultivait déjà à la fin de la vingtaine. Eyskens a utilisé son nom de famille (son père Gaston était un Premier ministre très important) et a compté sur le charmant flou artistique qu’il a mis dans sa performance.

On peut se demander si Sophie Wilmès possède même cette qualité-là. Tout comme Eyskens, elle a son nom de famille pour elle. Jusqu’à son décès en 2010, son père, Philippe Wilmès, était l’un des économistes publics francophones les plus influents. Ces dernières années, elle a bénéficié d’une dynamique que Charles Michel et Didier Reynders, leaders du MR, ont également pu utiliser à leur profit. Le MR est un parti qui compte un nombre limité de hauts responsables politiques et qui s’est vu attribuer trop de postes de direction dans la coalition suédoise déséquilibrée, par rapport à son poids réel.

En conséquence, même la personne de la Première ministre fait l’objet de critiques. Theo Francken (N-VA) a donné l’impulsion dimanche. Wilmès maîtrise parfaitement le néerlandais, mais de 2007 à 2015, elle a été la première échevine de l’Union des francophones (UF), un parti de tradition anti-flamande, à la commune de Rhode-Saint-Genèse. Geertrui Windels, l’épouse d’Herman Van Rompuy, peut en parler. Outre Wilmès, elle était l’échevine néerlandophone réglementaire de cette commune. La brutalité avec laquelle Wilmès et ses collègues l’ont rabaissée et ridiculisée pendant des années est encore très présente dans son esprit. Windels résume la situation à une seule phrase : « Il est clair que dans les communes à facilités, Madame Wilmès considère les échevins flamands comme des ennemis ».

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