Thierry Denoël

SNCB Le grand cafouillage

Thierry Denoël Journaliste au Vif

Une nouvelle ministre qui bégaie. Des cheminots qui débrayent au quart de tour. Des navetteurs qui râlent. Le patron du chemin de fer qui se fâche et annonce des sanctions. La bataille du rail ne fait que commencer. Le dossier SNCB promet quelques sueurs froides au gouvernement Michel.

La Louvière vendredi, Charleroi lundi, Liège mardi… Et demain ? Les membres du gouvernement suédois ont à peine chauffé leurs nouveaux fauteuils ministériels que les syndicats du rail ont lancé l’assaut. Des grèves sauvages en veux-tu en voilà ! Ancien patron d’Alcatel et d’Agfa, Jo Cornu, qui a repris les rênes la SNCB depuis à peine un an, est un habitué des tempêtes sociales. Mais hier, il a failli avaler sa cravate, lorsque le train inaugurant une nouvelle ligne ETCS (système de sécurité européen), dans lequel il se trouvait avec Jacqueline Galant, la nouvelle ministre de la SNCB, a été stoppé net par des pétards de manifestants. Cornu a juré de sanctionner les grévistes. Paf, paf ! On se serait presque cru dans un western de Sergio Leone.

Dans le dossier SNCB, l’erreur de Jacqueline Galant est grossière. Dans une boîte privée, pas sûr que l’employé en période d’essai y survive

Plutôt ardu comme entrée en matière pour la dame de fer de Jurbise. Mais Galant l’a un peu cherché, elle qui a cafouillé grave sur les chiffres des économies que le groupe SNCB devra réaliser, au cours de la législature. Annoncer 2,1 milliards d’euros d’économie un jour, 663 millions le lendemain, en s’emmêlant encore les pinceaux face aux caméras du JT de la Une, puis se faire moucher par l’opposition qui démontre que ce sera bien 2,1 milliards. On a déjà vu mieux et rarement pire, en termes de communication. Dans une boîte privée, pas sûr que l’employé en période d’essai y survive…

Car, comme l’a expliqué Marcel Cheron, qui reprend le dossier SNCB à la chambre pour Ecolo, c’est bien 2,1 milliards d’économie que fera la SNCB sur cinq ans, si on cumule le manque à gagner du groupe par rapport à ce qu’il aurait reçu s’il gardait sa dotation annuelle de 3,1 milliards. Les 663 millions correspondent à la diminution que la dotation aura atteinte en 2019 par rapport à 2014. Mais le manque à gagner cumulé sur les cinq ans sera bien de 2,1 milliards. Y a pas photo ! Là où Jacqueline Galant s’est trompée, c’est dans la pratique du sport éternel qui, en politique, consiste à maquiller les chiffres qui fâchent. Les 2,1 milliards, c’était sans le maquillage. En voulant rattraper la boulette, la ministre n’a rien arrangé.

Erreur de rodage ? Sans doute. Mais erreur grossière. Il n’en fallait pas plus pour mettre le feu aux poudres, surtout à l’heure où les mesures d’austérité passent très mal auprès de syndicats plutôt rangés aux côtés des partis de l’opposition. La concertation annoncée pour jeudi semble avoir déjà du plomb dans l’aile. Et puis, si toutes ces économies sont nécessaires (la dette du groupe dans son ensemble approche les 5 milliards), il faudra bien aller les chercher quelque part. Sûrement pas dans les investissements en sécurité – la tragédie de Buizingen est encore vive dans les mémoires -, ni dans le personnel – visiblement trop à cran -, vraisemblablement alors dans les prix du ticket de train, plutôt légers en Belgique par rapport au reste de l’Europe. Cette fois, ce sont les navetteurs qu’il faudra affronter. D’ici là, Madame Galant veillera à soigner sa communication. Sinon, le western risque de virer au cauchemar.

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