Roberto Martinez, entraîneur des Diables rouges. © Belga

Six raisons pour lesquelles l’Euro de football ne suscite pas (encore) la passion

Olivier Mouton
Olivier Mouton Journaliste

La sélection belge est connue en vue d’une compétition paneuropéenne pour laquelle on ne perçoit pas encore de ferveur populaire. La faute à la pandémie et à un contexte inédit. Mais le feu d’artifice arrive.

Robert Martinez, sélectionneur officiel des Diables rouges, a présenté ce lundi midi sa liste des vingt-six (une liste élargie pour cause de pandémie) pour l’Euro qui débute le vendredi 11juin. Sans surprise majeure, si ce n’est le remplacement du troisième gardien, le blessé Koen Casteels, par Matz Sels, ou l’absence de Marouane Fellaini, resté trop longtemps éloigné du groupe depuis qu’il est parti en Chine. La Belgique, toujours numéro un au classement mondial de la FIFA, fait partie des favoris du tournoi, aux côtés de la France, de l’Angleterre, de l’Allemagne ou de l’Espagne, selon les bookmakers.

Pour autant, la fièvre n’est pas encore au rendez-vous pour cette compétition singulière à plus d’un titre. Dans les grandes surfaces, le matériel promotionnel commence à se faire une place, à trois semaines de l’ouverture, et les campagnes de publicité des équipes et des sponsors tournent. Ce n’est sans doute qu’une question d’une ou deux semaines, le temps que les différents championnats nationaux délivrent leur verdict, avant que la fièvre ne monte. Mais le contexte de cette compétition n’est sans doute pas étranger à ce calme relatif.

1 L’Euro 2020… en 2021

L’appellation officielle reste l’Euro 2020, bien qu’il se joue finalement en 2021, du 11 juin au 11 juillet. La pandémie est passée par là, avec son cortège de drames et un report contraint et forcé de cette compétition qui se joue, outre, dans douze villes européennes situées sur onze territoires nationaux (Londres et Glasgow font encore partie du même pays). L’année est d’ailleurs définitivement étrange sur le plan sportif et footbalistique: les qualifications pour le Mondial 202 ont débuté et le « Final 4 » de la Nations league aura lieu en fin d’année. De là à faire de cet Euro un pétard mouillé? Nul doute que quand l’échéance sera là, l’euphorie se fera une place. Mais rarement l’organisation d’un rendez-vous sportif aura été à ce point perturbée, au même titre que ces JO de Tokyo dont la tenue reste incertaine.

2 Pas de Bruxelles, des villes bousculées

Michel Platini, alors président de l’UEFA, rêvait en 2012 de faire ce ce tournoi une vitrine de l’Europe à l’occasion du soixantième anniversaire du tournoi. A ses yeux, il s’agissait également d’n engagement pro-européen quasiment politique. Dix-neuf villes ont soumis une candidature, treize ont été retenues. La fièvre eut été plus intense en Belgique si… Bruxelles avait été de la partie: faut-il rappeler son piteux retrait après la désastreuse saga du Stade national. La pandémie a également imposé des choix de dernière minute: Séville a remplacé Bilbao et Dublin a été écartée de la liste, faute de garanties suffisantes. En plein pandémie, même si la situation s’améliore grâce à la vaccination, il reste un doute quant à l’organisation d’une tel tournoi paneuropéen en plein pandémie, dans autant de villes.

3 Des supporters en attente

Les supporters sont revenus dans les stades au Royaume-Uni. L’Espagne suivra bientôt le mouvement, après que Valenceait salué leur retour, le week-end dernier. La France vise le 24 mai et la Belgique reste prudente. Inutile de dire que les supporters des équipes nationales ne savent pas encore à quelle sauce ils seront mangés: pour ceux qui avaient acheté des tickets pour l’Euro, l’incertitude reste complète, à trois semaines du début du tournoi. Le public sera-t-il autorisé? En quelle proportion? Des tirages au sort sont prévus s’il y a davantage de tickets vendus que de place disponibles. A cela s’ajoute l’incertitude des conditions de voyage. En Belgique même, l’heure de fermeture des terrasses a été repoussé à 23h, avec l’Euro en ligne de mire, mais les autorités communales sont chargées de mettre en place l’organisation: des écrans géants sont peu probables, des écrans peut-être installés dans des quartiers, en lien avec l’Horeca. A priori, la fête devra rester raisonnable… à moins que cela ne tourne au défouloir.

4 Un contexte foot bousculé

Cela n’a peut-être pas un impact direct sur cette compétition réunissant des équipes nationales, mais le projet de Super League, imaginé par treize clubs du top européen, a singulièrement écorné l’image de ce sport dont l’orientation ‘business’ est de plus en plus forte. Ce projet de compétition réservée aux riches, très politique, se retrouve d’ailleurs devant les tribunaux européens. Le sursaut des partisans d’un football populaire l’a emporté, temporairement, mais personne n’est vraiment sorti grandi de l’aventure, et personne n’est vraiment dupe quant à l’avenir. La Nations League, compétition créée pour remplacer les matchs amicaux des équipes nationales, avait déjà semé le doute. Désormais omniprésent sur les écrans de télévision, le football ne prend-il pas le risque de lasser les plus passionnés?

5 Une Europe décriée

Le football européen reste le sommet de ce sport globalisé et ses vedettes sont des stars en Asie ou en Amérique, autant que chez nous. Son pouvoir d’attraction reste réel. Par contre, l’Europe « politique et économique » est perçue comme un géant sur le déclin – et la gestion de la pandémie n’a pas amélioré cette image. On l’a dit: Michel Platini, quaned il était patron de l’UEFA, a voulu faire de ce rendez-vous un ôde au continent, mais le pari est loin d’être gagné. Sur le terrain, des rivalités risquent d’avoir des relents de tensions extra-sportives entre certains pays. En outre, concrètement, la dispersion de la compétition sur une dizaine de pays minimise l’impact populaire.

6 Un réalisme belge forcé

Enfin, sportivement, chez nous, la prudence est demise au sujet d’un éventuel succès des Diables rouges. Tout le monde espère un premier titre d’envergure pour cette « génération dorée », mais les deux expériences précédentes ont quelque peu douché les ardeurs. En 2016, la route était toute tracée vers la finale de l’Euro, mais une défaite cuisante devant le Pays de Galle a ruiné les espoirs. Lors de la Coupe du monde 2018, comment ne pas oublier la défaite en demi-finale face à des Français bien plus réalistes? Et l’on ne parle même pas de l’humilation face à la Suisse en Nations League. Si l’espoir reste de mise, les Belges sont peut-être moins enclins à mettre les couleurs nationales à leurs rétroviseurs.

Tout cela vaut en ce mi-mai pluvieux. Lorsque les festivités débuteront, le 12 juin pour le premier match des Diables rouges face à la Russie, la plupart de ces appréhensions se seront sans doute envolées.

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