Hendrik Vuye et Veerle Wouters

« Sire, qui a encore besoin de votre discours de Noël ? »

Hendrik Vuye et Veerle Wouters Députés indépendants

Les parlementaires Veerle Wouters et Hendrik Vuye de la N-VA se demandent à quoi peut encore servir le message de Noël du Roi et reviennent sur l’historique de ces discours.

Le roi Baudouin tient son premier discours de Noël en 1961. Mais il n’en fera un rendez-vous annuel qu’à partir de 1975. Les discours d’Albert II sont relativement longs puisqu’ils peuvent durer jusqu’à 12 minutes. Ils étaient aussi régulièrement sujets à polémique. Philippe, lui, se tient à des sujets généraux. Son discours de Noël de 2014 était d’ailleurs particulièrement court : 5 minutes et sans s’épancher sur la situation politique.

Qui écrit le discours ?

Qui se trouve derrière le discours du Roi ? André Molitor, l’ancien chef de cabinet de Baudouin, écrit que les rois de Belgique estiment que la rédaction du discours est une prérogative personnelle. En cela, la maison royale belge se distingue des autres cours d’Europe.

Une responsabilité ministérielle

Le discours de Noël tombe sous la responsabilité ministérielle. Dans la pratique c’est la responsabilité du Premier ministre. On peut lui demander des comptes au Parlement. Sauf que dans les faits, cette responsabilité se réduit à peau de chagrin.

Dans ses mémoires, Jean-Luc Dehaene explique comment cela se passe de façon concrète: « il existe beaucoup de malentendus autour de ces discours. C’est le Palais qui détermine automatiquement les thèmes et écrit le texte de base. Je ne m’en suis jamais mêlé. On me présentait le texte lors d’une audience. Le contenu doit en effet être couvert politiquement. Je devais lire le texte sur place et pouvait suggérer quelques corrections, surtout parce que certaines formules pouvaient être sujettes à polémique. Dans les sept ans où j’ai été au pouvoir, il n’y a jamais rien eu de tel. »

Wilfried Martens, en 2012, relate dans la Libre Belgique une expérience sensiblement similaire avec le roi Baudouin. Ici aussi, on lui livre le texte en fin d’audience. Il doit lui aussi le lire sur place et faire des commentaires dans la foulée.

Quand Albert II met le feu aux poudres

Albert II a causé quelques remous politiques avec son discours de 2012. Quelques mots ont suffi. « En ces temps perturbés que nous vivons, soyons vigilants, et montrons-nous lucides face aux discours populistes. Ils s’efforcent toujours de trouver des boucs émissaires à la crise, qu’il s’agisse de l’étranger ou des habitants d’une autre partie de leur pays. Ces discours existent aujourd’hui dans de nombreux pays européens et aussi chez nous. La crise des années 30 et les réactions populistes de cette époque ne doivent pas être oubliées. On a vu le mal que cela fit à nos démocraties« .

La N-VA est clairement visée dans ce discours, bien que jamais citée. La presse flamande est alors féroce contre le Palais. Selon Elio Di Rupo (PS), le Premier ministre d’alors, le texte du discours n’est absolument pas politique et le défend bec et ongle au parlement. Francis Delpérée (cdH) n’y voit pas de mal non plus. Pour lui, c’est « un discours qui répond parfaitement à la fonction royale ». Albert II a, à ce moment, réussi à créer une dissension entre Wallons et Flamands.

Des discours plus incisifs, vraiment ?

Les professeurs Bart Maddens et Kristine Vanden Berghe ont analysé les discours d’Albert II. Il y a une grande continuité. Et contrairement à l’impression générale, ses discours ne sont pas plus tranchés à travers les années.

La référence aux années trente a fait beaucoup de bruit en 2012. Elle est pourtant présente dans son discours de 2002, où elle est passée inaperçue. Même le terme de « séparatisme feutré » a déjà été utilisé en 2003 et il renvoie vers Albert Ier. En 1932, ce dernier prévient le Premier ministre Jules Renkin de la possibilité d’une « séparation administrative plus ou moins larvée, lourde de périls pour l’avenir de la Belgique ».

Les discours royaux sont source de polarisation politique. Ces discours sont étudiés à la loupe par les éditorialistes. Avant c’était comme presque un fait divers qui passait inaperçu. Ce n’est plus le cas depuis 10 ans. Ils sont désormais minutieusement étudiés.

Un règne politiquement pertinent?

Philippe semble lui aussi vouloir rendre son règne politiquement pertinent. En juillet 2015, le journaliste Olivier Mouton écrit que le Roi a souhaité faire un discours aux Nations Unies, mais que le Premier ministre Charles Michel lui avait alors patiemment expliqué que cette tâche revenait au Premier ministre et pas au Roi.

Les réactions à certains discours de Noël montrent bien que si les rois veulent se montrer politiquement pertinents, ils entraînent souvent la réaction inverse. Au lieu d’unifier, ils polarisent. Un chef d’État non élu qui fait des discours politiques est condamné à l’échec.

Un roi doit être neutre, loin de la politique et des débats de société. Et c’est en ça que l’exercice est dangereux, puisque celui qui se contente de colorier entre les lignes risque de se limiter à des platitudes. Ce qui à son tour prête le flanc à la critique.

Du coup, on est en droit de se demander : à quoi peut bien encore servir le discours de Noël du Roi ? Est-ce que l’avis de quelqu’un qui n’est assis sur le trône que par le fait de sa naissance et non pas pour ses qualités morales a-t-il de l’intérêt ? Sire, il nous semble que ce discours de Noël n’est vraiment plus de notre temps.

Veerle Wouters et Hendrik Vuye (N-VA) vont publier début 2016 une étude sur la royauté. Et espèrent que cela va entraîner quelques réformes.

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