Claude Demelenne

« Si l’extrême droite arrive au pouvoir en Flandre, je fais mes valises »

Claude Demelenne essayiste, auteur de plusieurs ouvrages sur la gauche

Les marchands de haine prospèrent au Nord du pays. Liégeois habitant en Flandre, je crains le pire. Si le Vlaams Belang et la NV-A se marient, c’est décidé : je fais mes valises.

La Flandre est malade. Une des régions les plus riches d’Europe est également une des régions les plus atteintes par la vague brune. L’extrême droite devient la seconde force politique, au Nord. Bart De Wever n’exclut pas de casser le cordon sanitaire autour du Vlaams Belang, un parti qu’il va recevoir au lendemain du scrutin de ce 26 mai. C’est tout sauf étonnant, car au cours de la législature écoulée, la NV-A s’est souvent comportée comme un Vlaams Belang à peine un peu plus light.

« Bye bye Vlaanderen ! »

Si l’on additionne les scores de la NV-A et du Vlaams Belang, en Flandre, le constat est effarant : ensemble, ces deux partis rassemblent pas loin d’un électeur flamand sur deux. Pire encore, le Vlaams Belang, l’une des extrêmes droites les plus hideuses d’Europe, séduit particulièrement les jeunes. Comme wallon vivant de longue date en périphérie flamande de Bruxelles, je me sens de moins en moins en sécurité dans cette Flandre-là. Une Flandre qui déroule le tapis noir pour les marchands de haine. Une Flandre qui a perdu tous ses repères . Une Flandre où Bart De Wever banalise depuis des années le discours de l’extrême droite, en faisant de Théo Francken le premier porte-drapeau de son parti. Si le cordon sanitaire est rompu, c’est décidé, je fais mes valises, je quitte la Flandre pour une région plus tolérante, plus conviviale, plus fraternelle, la Wallonie ou Bruxelles.

Je dis « bye bye Vlaanderen », car je suis sans illusion. Le jour où le Vlaams Belang et la NV-A s’accoupleront, la haine montera encore d’un cran. Après la chasse aux migrants viendra la chasse aux chômeurs, aux pauvres, aux exclus. Puis la chasse aux francophones. Le scénario est toujours le même lorsque les nationalistes montent au front. Ils stigmatisent tous ceux qui sont « différents ».

L’exception wallonne

Circonstance aggravante aux yeux des marchands de haine hyper-flamingants, je ne suis pas seulement francophone, je suis aussi Liégeois. J’ai habité plus de trente ans dans la Cité ardente. Comme Charleroi et le Hainaut en général, la région liégeoise réalise une performance démocratique qu’il convient de saluer. Malgré la crise, le chômage et parfois une réelle désespérance sociale, Charleroi, Liège et d’ailleurs l’ensemble de la Wallonie, restent totalement imperméables aux thèses de l’extrême droite et de ceux qui la banalisent. Bart De Wever aime diaboliser cette Wallonie trop rouge, trop accueillante, trop sociale à son goût.

Cette Wallonie sympathique, je suis fier qu’elle résiste aux discours intolérants qui montent un peu partout en Europe. Je me réjouis qu’elle soit une exception heureuse sur le vieux continent, l’un des trop rares pays – en fait, un demi-pays – où l’extrême droite ne perce pas. Ce n’est pas un hasard si la Wallonie est le punching-ball favori de Bart De Wever. Elle symbolise tout ce qu’il déteste : la chaleur humaine, l’ouverture aux autres, le refus des simplismes nationalistes et identitaires.

Bruxelles, ma belle

Il n’y a pas que la Wallonie qui sauve l’honneur des démocrates. Bruxelles est également un exemple, une ville-région où l’extrême droite n’a pas droit de cité. Une ville-région où ceux qui, à la droite de la droite francophone, comme le Parti populaire de Modrikamen, reprennent certains de ses slogans n’obtiennent aucun élu. Bruxelles-la-cosmopolite vote massivement pour les partisans d’une vision sociale et tolérante de la vie en société. Les Flamands de Bruxelles sont également remarquables. Dans la capitale, ils ont voté non pas pour le Vlaams Belang et la NV-A, mais plutôt pour Groen, qui devient le premier parti flamand, à Bruxelles.

Solidarité avec mes amis flamands

Si l’extrême droite arrive au pouvoir en association avec la NV-A, je quitterai donc la Flandre. Mais je resterai solidaire avec mes amis flamands qui résistent à la peste brune. La Flandre mérite mieux que ce rictus nationaliste qui défigure son visage, ces derniers temps. La Wallonie rouge restera accueillante pour tous les démocrates flamands. Peut-être des dissidents politiques, pourchassés par l’extrême droite, y trouveront-ils refuge.

Peut-être que le pire ne se produira pas. Peut-être la Flandre se réveillera-t-elle, ouvrant les yeux sur la catastrophe qui la guette : être placée sur la liste noire des régions européennes à la fois dégoulinantes de richesse et de haine. Finalement, j’espère ne pas devoir faire mes valises. Je me refuse à désespérer totalement de la Flandre, une belle région quand elle n’est pas le terrain de jeu de l’extrême droite et de la droite – très – radicale.

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