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Reynders-Kabila : notre ami le raïs

Les signes de connivence entre Bruxelles et le régime de Kabila suscitent la controverse, alors que Didier Reynders entame ses rencontres à Kinshasa.

Kinshasa n’est pas Hanoï, Tunis ou Beyrouth, capitales récemment visitées par Didier Reynders. Au Congo, où le ministre MR des Affaires étrangères est arrivé lundi soir, il lui faut marcher sur des oeufs. Le chef de la diplomatie belge rencontrera non seulement Joseph Kabila, le « raïs » réélu à l’issue d’une élection présidentielle contestée, mais aussi l’opposition. Ses gestes et propos seront scrutés, analysés, commentés. Car les signes de connivence entre Bruxelles et le pouvoir kabiliste suscitent la controverse.

Côté congolais, l’opposition reproche au gouvernement belge d’apporter son appui à un régime « totalitaire et tricheur » et la diaspora a manifesté contre le voyage de Reynders en RDC. Côté belge, la N-VA a exprimé son « incompréhension » à l’annonce du déplacement au Congo, reprochant au ministre de « légitimer » ainsi le président Kabila. Les nationalistes flamands estiment que ce voyage en RDC, le premier d’un dirigeant occidental depuis les scrutins présidentiel et législatif, « nous isole sur le plan européen ». Ils dénoncent aussi ce qu’ils appellent « les intérêts personnels » et « les motifs économiques » sous-jacents à cette visite.

La politique congolaise du gouvernement Di Rupo suscite des interrogations jusque sur les bancs du CDH et d’Ecolo. Ainsi, les lettres de félicitations du Premier ministre et du président de la Chambre au président réélu et à la commission électorale « indépendante » congolaise (Ceni) ont provoqué un certain malaise. « Je reste à vos côtés », a écrit Elio Di Rupo à Joseph Kabila, tandis qu’André Flahaut a « salué de tout coeur le travail remarquable effectué par la Ceni afin de garantir un processus électoral digne d’une démocratie moderne » (sic). Moins médiatisé, le refus de visa et d’accueil en Belgique de la veuve de Floribert Chebeya après l’assassinat du défenseur des droits de l’homme a surpris ou indigné des diplomates étrangers.

Un ambassadeur « complaisant » ?

Plus récemment, on retiendra la présence remarquée de l’ambassadeur belge à Kinshasa, Dominique Struye de Swielande – suivi comme son ombre par Kathryn Brahy, déléguée Wallonie-Bruxelles dans la capitale congolaise – à la séance d’installation de la nouvelle Assemblée nationale. Les autres ambassadeurs occidentaux avaient, eux, décidé de boycotter cette séance, vu le caractère peu crédible des législatives. De plus, ce jour-là, le pouvoir interdisait et réprimait brutalement une manifestation pacifique appelée la « marche des chrétiens ».

Ecolo, par la voix du sénateur Jacky Morael, a demandé un changement d’attitude de la diplomatie belge à l’égard de la RDC. Les verts francophones souhaitent que l’ambassadeur de Belgique, pour qui les relations belgo-congolaises sont « au beau fixe » et ont « atteint la maturité », cesse « son attitude complaisante envers des autorités congolaises contestées. » En tout état de cause, Struye quittera son poste d’ici août prochain. Reynders a prévu de le remplacer par l’actuel ambassadeur en Afghanistan, Michel Latschenko, un diplomate étiqueté MR.

« L’attitude complaisante de la Belgique à l’égard du pouvoir congolais ne peut qu’encourager Kinshasa à faire encore moins cas, à l’avenir, des règles démocratiques, estime Dallemagne, député CDH. La RDC est le premier bénéficiaire de notre coopération bilatérale et multilatérale. Il est peut-être temps de se poser des questions sur la manière de mener cette coopération, alors que tous les indicateurs sont au rouge en RDC. Les Nations Unies indiquent que le pays arrive à la 187ème place sur 187 en termes de développement humain. Difficile de faire pire ! »

Olivier Rogeau

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