Ive Marx © Debby Termonia

Rétro 2018 : « Les flexi-jobs sont nés de l’opportunisme électoral »

« Les flexi-jobs sont fiscalement injustes « , déclare l’économiste Ive Marx de l’Université d’Anvers. Il n’hésite pas à les qualifier « de mesures perfides ».

Les personnes qui travaillent au moins à quatre cinquièmes temps, qui sont indépendantes ou retraitées peuvent gagner jusqu’à 500 euros supplémentaires par mois sans être imposées, dans le travail associatif, l’économie de partage ou les services de citoyen à citoyen.

Ive Marx : Le fait que vous puissiez gagner 500 euros sans payer d’impôts est une mesure compensatoire pour l’introduction de la caisse blanche, qui doit permettre au gouvernement de lutter contre le travail en noir dans l’hôtellerie et la restauration. À cela s’ajoute que chaque parti gouvernemental veut des cacahuètes pour son électorat : c’est le trophée que l’Open VLD voulait remporter. Les libéraux étaient donc les grands défenseurs. Et dans le contexte de la caisse blanche, il y avait aussi une base de soutien plus large.

Est-ce une bonne mesure?

Il n’y a pas d’argument sensé. Il est légitime pour le gouvernement d’essayer d’aider les secteurs, surtout lorsque l’emploi est précaire. Dans le secteur de la restauration, c’est le cas : en haute saison, le week-end et le soir, il y a beaucoup de travail ; en dehors de la saison, la semaine et la journée beaucoup moins. Il ne fait aucun doute que des emplois flexibles sont nécessaires dans un tel secteur. Mais pas tels qu’ils ont été introduits aujourd’hui.

Pourquoi pas ?

Par principe, je m’oppose à ce qu’une personne soit autorisée à gagner 500 euros supplémentaires sans payer d’impôts. Expliquez-moi pourquoi quelqu’un qui gagne 500 euros de plus après une promotion, un dur labeur ou de longues études, doit payer des impôts sur cette somme. Quelle est la différence ? Pourquoi une personne doit-elle payer 0 % au fisc et l’autre 50 % ? Tout le monde sent bien quelque chose ne va pas. Mais ce n’est pas tout.

C’est-à-dire ?

La mesure s’applique aux personnes qui sont déjà actives ou retraitées. Mais dans notre pays, il existe de nombreux groupes qui ont beaucoup de difficultés à trouver un emploi, par exemple les personnes issues de l’immigration et les personnes peu qualifiées. La Belgique a l’un des pourcentages les plus élevés de ménages en Europe où personne n’a d’emploi. Le gouvernement aurait dû prendre des mesures pour que ces groupes se mettent au travail, pas pour les gens qui ont déjà un emploi. La mesure n’est donc pas seulement injuste sur le plan fiscal, elle va à l’encontre de l’objectif majeur du gouvernement Michel : « jobs, jobs, jobs ». Je trouve ça perfide.

S’agit-il aussi de concurrence déloyale ? Si votre voisin taille votre haie, le vrai jardinier a moins de travail, non?

Selon les promoteurs, il n’y a pas de concurrence, mais ils se complètent. Ce qui est également possible, bien sûr, c’est qu’une personne ayant un emploi de jardinier à plein temps travaille à quatre cinquièmes du temps pour pouvoir faire 500 euros de travail supplémentaire sans payer d’impôts.

Comment pourrait-on améliorer la situation?

Le marché du travail belge dans son ensemble doit devenir plus flexible, mais rien ne se produit. C’est pourquoi on élabore de très coûteuses mesures de compensation. Il n’y a pas de flexi-jobs aux Pays-Bas, mais il y a beaucoup plus d’emplois flexibles. Les gens travaillent à temps partiel, avec des contrats temporaires, comme travailleurs temporaires, etc. Ils paient tous des impôts proportionnels. Je vous mets au défi de trouver ailleurs en Europe un pays qui a créé un segment spécial du marché du travail où l’on ne paie aucun impôt.

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