Didier Reynders (MR) et son ex-confrère des Finances Johan Van Overtveldt (N-VA) n'ont guère aidé à faire la lumière. © Daina Le Lardic/belgaimage

Rétro 2018: Dans le secret des fonds libyens

Thierry Denoël
Thierry Denoël Journaliste au Vif

Où sont les milliards de Kadhafi gelés en Belgique et que la justice veut saisir? Qui a décidé de libérer les intérêts produits par ces fonds bloqués? Après le Kazakhgate, le Libyagate! Ces deux affaires ont un point commun: l’opacité.

Ce constat d’hermétisme se vérifiait dès 2011, peu après le gel par l’ONU des avoirs libyens partout dans le monde à la suite de la chute du colonel Kadhafi. En novembre de cette année-là, le député MR Richard Miller qualifiait déjà le mutisme du SPF Finances sur les fonds bloqués dans quatre banques belges d' »inacceptable aux yeux de la démocratie », alors que Didier Reynders (MR) était aux commandes du ministère chapeautant cette administration. Six ans plus tard, rien n’a changé. Même opacité, même déni de démocratie.

En février 2015, il subsistait, chez Euroclear Bank, 14,9 milliards d’euros d’avoirs gelés appartenant à la Libyan Investment Authority (LIA), le fonds souverain créé par Kadhafi pour gérer les revenus du pétrole. Comme l’a révélé Le Vif/L’Express en février dernier, le juge bruxellois Michel Claise a procédé, en octobre 2017, à la saisie des milliards gelés qu’il suspecte de blanchiment. Mais Euroclear Bank s’y est opposé en brandissant une loi de 1999 et surtout n’a déclaré, en tant que tiers-saisi, que 5 milliards d’euros sur ses comptes. Où est passé le reste? A part certifier que les fonds étaient toujours chez Euroclear, l’actuel ministre des Affaires étrangères, Didier Reynders, et son confrère des Finances jusqu’au 8 décembre, Johan Van Overtveldt (N-VA), n’ont donné aucune explication.

Autre zone d’ombre: malgré l’embargo onusien et le chaos en Libye, la Belgique a libéré, entre 2012 et 2017, les intérêts et dividendes produits par les avoirs gelés, soit au moins 1,5 milliard d’euros. C’est le seul pays européen à l’avoir fait, et très discrètement. Des experts de l’ONU ont mené l’enquête cet été et conclu que ce dégel constituait une violation des sanctions décrétées par les Nations unies. Une gifle pour la Belgique qui venait d’obtenir un siège au Conseil de sécurité…

Qui a décidé ce dégel? Quel ministre? Didier Reynders, qui était aux Finances jusqu’en décembre 2011? Steven Vanackere (CD&V), qui lui a succédé? Pour l’instant, l’ex-patron de la Trésorerie, Marc Monbaliu, aujourd’hui retraité, a prétendu aux députés avoir pris seul la décision en se basant sur une interprétation juridique informelle du groupe de conseillers pour les relations extérieures de l’Union européenne (Relex). Guère convaincant. Parallèlement, une délégation officielle libyenne, venue s’informer à Bruxelles, a été snobée par les ministres concernés. Sale histoire.

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