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Rentrée 2020: l’école retrouve tous ses droits et fait face à de nombreux défis

Le Vif

Après une année scolaire 2019-2020 sérieusement chamboulée par la pandémie de Covid-19, les quelque 900.000 élèves de la Fédération Wallonie-Bruxelles retrouveront la semaine prochaine le chemin de l’école pour une rentrée des classes hors du commun vu la persistance du virus chez nous.

A la lumière d’une situation épidémiologique plutôt sous contrôle, les autorités ont décidé d’organiser cette rentrée en code « jaune », soit un retour sur les bancs à temps plein pour l’ensemble des élèves, et ce de la maternelle jusqu’à la sixième secondaire.

Quelques mesures de précaution seront toutefois d’application. Ainsi, le port du masque sera obligatoire pour tous les élèves du secondaire, ainsi que les enseignants. Les mains devront être lavées régulièrement et les locaux désinfectés efficacement. Pour réduire les risques, toutes les activités extra-scolaires ont aussi été suspendues jusqu’à nouvel ordre pour les secondaires.

Avec ces mesures, les autorités entendent bien sûr limiter les risques de contaminations mais aussi rassurer les parents, dont beaucoup redoutent encore de renvoyer leur progéniture vers l’école. Ceux-ci n’ont toutefois pas le choix, sauf s’ils peuvent faire valoir un certificat médical.

En effet, la ministre de l’Education Caroline Désir (PS) l’a répété encore la semaine dernière. L’obligation scolaire sera à nouveau « pleine et entière » à partir de ce 1er septembre. Fini donc la tolérance observée après les vacances de Pâques lorsque beaucoup de parents avaient gardé leur enfant à la maison, malgré le déconfinement progressif des écoles. Avec des classes parfois à moitié remplies seulement, et des travaux à domicile qui n’ont pas toujours été suivis, les niveaux d’apprentissage ont été très hétérogènes depuis la mi-mars. On estime même que 25% des élèves ont complètement décroché de l’école pendant le confinement, et ce souvent dans les milieux les plus défavorisés.

Pour les équipes éducatives, le gros défi de cette rentrée sera dès lors d’identifier les lacunes, et surtout de remettre tout le monde à niveau en menant un important effort de remédiation. Pour ce faire, le gouvernement de la Fédération Wallonie-Bruxelles a décidé au début de l’été déjà de mobiliser une enveloppe extraordinaire de 17 millions d’euros pour aider les écoles défavorisées à accompagner les élèves en retard ou en difficultés. Avec cet argent, les pouvoirs organisateurs concernés pourront engager du personnel supplémentaire, comme des assistants sociaux, des psychologues, mais aussi des enseignants pour assurer cet accompagnement, sur une période allant de 3 à 10 mois.

Mais dans un contexte pré-existant de pénurie d’enseignants, d’aucuns se demandent si cet objectif louable pourra être pleinement atteint. Où trouver ces pédagogues supplémentaires alors que ceux-ci manquent déjà en temps normal? D’autant que pas mal d’enseignants à risques (âgés, diabétiques…) seront probablement écartés des classes, ce qui risque d’aggraver la pénurie actuelle. « Dans certaines matières, comme les maths, les langues ou les sciences, c’est clair que ce sera plus compliqué », reconnaît un acteur de l’enseignement. « Les profs qu’on trouvera seront peut-être moins titrés (dépourvus du diplôme requis, ndlr), mais je pense qu’on pourra toujours trouver quelqu’un pour aider ces élèves… ».

Si la crise du Covid a largement monopolisé les acteurs de l’école (pouvoirs organisateurs, syndicats, associations de parents) ces derniers mois, ceux-ci n’ont pas pour autant arrêté complètement les travaux du Pacte pour un enseignement d’excellence, ce vaste chantier entamé sous la législature précédente qui vise à réformer l’école francophone sur une quinzaine d’années. Plusieurs projets de textes sont ainsi actuellement en phase de discussion entre partenaires, notamment concernant le futur dossier d’accompagnement de l’élève durant tout son tronc commun, la formation continue des profs, ainsi qu’un projet de décret portant sur l’évaluation des enseignants. Ce dernier texte suscite d’ailleurs quelques craintes parmi les syndicats enseignants qui redoutent un affaiblissement du régime actuel de nominations des profs. Enfin, la réforme du décret Inscriptions, grande promesse coulée dans l’accord de gouvernement arc-en-ciel et que la ministre Désir espérait voir entrer en vigueur pour la rentrée de septembre 2021, sera très vraisemblablement reportée d’un an au mieux. Les réflexions autour de cette réforme sensible ont logiquement été freinées par la crise sanitaire. Il est désormais impossible que la projet de décret, encore à rédiger, soit approuvé en gouvernement, soumis à la concertation obligatoire des parties prenantes, au Conseil d’Etat, puis validé par le parlement avant la fin de cette année. Que les parents d’enfants entrant maintenant en 6e primaire se le tiennent donc pour dit: la rentrée de septembre 2021 en 1ère secondaire devrait logiquement encore être organisée sur base des critères et modalités actuellement en vigueur.

Les principales nouveautés de cette rentrée des classes

Outre son côté inédit en raison du contexte sanitaire, cette rentrée scolaire 2020 sera aussi marquée par l’application de nouvelles dispositions dans les écoles. Voici les principales nouveautés:

L’enseignement est maintenant obligatoire dès 5 ans

A partir de cette rentrée de septembre, l’école sera obligatoire pour tous les enfants dès l’âge de 5 ans, contre 6 précédemment. Cet abaissement de l’âge de scolarité obligatoire vise à lutter contre l’échec scolaire en primaire. Après la Flandre, la Fédération Wallonie-Bruxelles se conforme ainsi à une proposition de loi en ce sens adoptée l’an dernier par la Chambre, le fédéral étant compétent en matière de fixation de l’âge de la scolarité obligatoire. Le nouveau décret impose à tous les enfants ayant atteint l’âge de 5 ans de s’inscrire en 3e maternelle. Envisagé depuis une quinzaine d’années déjà, cet abaissement doit permettre de détecter plus rapidement les éventuelles difficultés d’apprentissage des enfants, leur permettre d’intégrer plus précocement les codes de l’école, mieux maîtriser la langue d’enseignement et ainsi augmenter leurs chances d’apprentissage et de réussite dans l’enseignement primaire. Jusqu’à présent, 97% des enfants âgés de 5 ans allaient à l’école en Fédération Wallonie-Bruxelles. L’enseignement devenant obligatoire dès la 3e maternelle, le nombre de demi-jours d’absence non-justifiée toléré sera ramené dès la rentrée prochaine au nombre de neuf, comme c’est déjà le cas actuellement dans l’enseignement primaire. La Belgique n’est pas isolée dans sa volonté d’abaisser l’âge d’obligation scolaire. L’an dernier, la France a décidé d’abaisser d’un coup celle-ci à 3 ans, contre 6 précédemment.

L’enseignement maternel désormais doté d’objectifs pédagogiques précis

C’est une première dans l’histoire de l’enseignement en Fédération Wallonie-Bruxelles. Les écoles maternelles doivent désormais suivre un référentiel, soit un texte contraignant qui formalise les compétences de base devant être maitrisées par tous les enfants à l’issue de leurs trois années de maternel. Ce nouveau cadre met la priorité sur le développement psychomoteur, intellectuel, artistique, social et affectif de l’élève, avec pour objectif de respecter le développement global de chaque enfant et assurer sa transition harmonieuse vers l’enseignement primaire. Le référentiel détaille notamment les apprentissages attendus en matière de développement de l’autonomie, de la créativité, de la pensée, mais aussi de maîtrise de la langue et de la culture scolaires, de lecture, d’expérimentation, de structuration et de catégorisation du monde. Pour assurer la bonne application de ce référentiel dans les classes dès la prochaine rentrée, un programme de formations continues (prodiguées parfois en ligne en raison de la pandémie de Covid) a été élaboré à destination des différents enseignants concernés. Ce référentiel pour les trois années du maternel constitue la première pierre du futur tronc commun prévu par le Pacte d’excellence. Ce continuum pédagogique, qui a été rallongé d’un an, s’étalera de la 1re maternelle jusqu’à la 3e secondaire.

Extension des mesures « gratuité » à la 2e maternelle

Après la première maternelle depuis l’an passé, les mesures dites de « gratuité scolaire » sont désormais également applicables à tous les enfants en 2e maternelle. Concrètement, les directions d’écoles ne peuvent plus réclamer aux parents une série de frais pour l’achat de matériel, comme des marqueurs, de la peinture ou du matériel de bricolage notamment. Pour compenser cette perte de recettes, les écoles percevront une dotation complémentaire de 60 euros par an et par enfant. Cette gratuité n’est que partielle toutefois. Les écoles peuvent toujours demander de l’argent pour assurer la surveillance des temps de midi ou certaines activités culturelles ou sportives, comme la piscine par exemple. Ces mesures seront étendues dès l’année prochaine à la 3e maternelle également. Le surcoût pour le budget de la Fédération est évalué à 3,8 millions d’euros la première année, 7 millions la deuxième, et 10 millions la troisième.

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