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Rayons vides chez Delhaize : plan diabolique ou mauvaise gestion de la direction ?

Caroline Lallemand
Caroline Lallemand Journaliste

De nombreux supermarchés de la chaine Delhaize présentent des rayons vides ou, du moins très mal approvisionnés ces derniers jours. La faute, entre autres, à la grève du mois d’octobre qui a bloqué pendant quatre jours les livraisons de marchandises. Les syndicats pensent à une autre stratégie.

Si vous vous êtes rendu récemment dans un magasin Delhaize, vous avez peut-être été frappé par les rayons presque vides ou réapprovisionnés à moitié, donnant aux magasins touchés par ces carences en marchandises des petits airs de supermarchés d’état de l’ère soviétique. La raison de ces rayons vides : la grève du 17 octobre qui a engendré un retard dans les livraisons, selon la direction. Les quelque 600 à 700 camions qui partent quotidiennement des centres de distribution de Zellik, Ninove et Molenbeek avaient été bloqués deux jours et demi à cette période. « Il n’y a eu aucun camion, aucune livraison, aucune commande pendant 4 jours, c’est la première fois que la logistique est impactée de la sorte, sur plus de 20 000 produits, ce retard est difficile à rattraper, car les clients continuent à acheter », déclare Roel Dekelver, responsable de la communication externe du groupe Delhaize Belgique, qui prévoit « une normalisation de la situation pour la fin de le semaine ».

Ce blocage temporaire n’est cependant pas le seul responsable des rayons vides. Les mesures d’économies annoncées par la direction au mois de juin dernier ne sont en effet pas du genre à motiver le personnel. Pour rappel, la direction de Delhaize a déclaré vouloir supprimer 2500 emplois et fermer 14 magasins en gestion propre. Concrètement, cela se traduit par des changements sur le terrain, les travailleurs ne pourront, entre autres, plus bénéficier de leur pause rémunérée de 15 minutes et devront désormais travailler 38,5 heures au lieu de 36 heures pour le même salaire. « Vouloir enlever du salaire aux travailleurs alors que l’entreprise n’est pas en difficulté, c’est scandaleux« , avait déclaré en juin Delphine Latawiec, responsable syndicale de la CNE.

« Une stratégie diabolique »

Florent Vandensteen, secrétaire FGBT, avance cette semaine dans De Morgen que le taux d’absentéisme a tendance à augmenter depuis juin. De plus, le travail divisé en pause est souvent occupé par des réunions syndicales, ce qui empêche le flux de marchandises d’arriver en rayon. Une façon aussi de montrer à la direction à quel point son personnel est important. « La situation sociale sur le terrain n’est certes pas positive, cela ne nous aide pas à un retour normal à la situation. Le personnel est en effet souvent en réunion », concède, de son côté, Roel Dekelver chez Delhaize.

« Mais même si la situation est sous tension, que les travailleurs sont inquiets et qu’il leur arrive de craquer, je pense qu’ils restent motivés, ils ne veulent pas tuer leur entreprise. Le problème se situe plus dans les carences d’organisation logistique et principalement le manque d’anticipation de l’entreprise. Imaginez en cas de black-out, comment prévoir les incidents futurs et gérer des retards à répétition?« , s’inquiète Delphine Latawiec. La représentante CNE se risque aussi à avancer une autre stratégie qu’elle qualifie de plus « diabolique » : « Sans aller jusqu’à dire que Delhaize le fait exprès, nous soupçonnons la direction de vouloir démontrer que tout va mal dans les magasins en réduisant en amont certaines commandes et en favorisant les franchisés liés par contrats. Avec comme effet de faire peur aux travailleurs, de leur casser leur moral et de donner la vision aux clients que cette restructuration est légitime, ce qui détruit la solidarité existante« . Ce à quoi Roel Dekelver répond que « les gérants de magasins franchisés sont plus flexibles et plus créatifs pour se réapprovisionner, dans cette situation exceptionnelle, ils peuvent se déplacer eux-mêmes aux dépôts et chercher un canal de distribution alternatif « . Delhaize n’hésite pas non plus à faire appel à des fournisseurs externes pour ré-achalander au plus vite ses magasins avec de plus grands volumes.

D’une certaine manière, que les rayons soient vidés de la sorte peut être vu comme un signe positif que les clients ne délaissent pas (encore) la chaine de supermarché. Le risque est en effet grand dans une telle situation de voir filer la clientèle chez la concurrence. Dans tous les cas, direction et syndicats devront essayer de trouver un terrain d’entente pour la période des fêtes, cruciale pour le chiffre d’affaires du groupe. Une réunion entre direction et syndicats est prévue ce vendredi.

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