Christine Laurent

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Christine Laurent Rédactrice en chef du Vif/L'Express

« Il n’y a pas de vote ethnique […]. Il y en a eu naguère un peu. Maintenant, c’est totalement fini », affirmait Philippe Moureaux, le 21 octobre dernier. On l’a connu plus inspiré. Notre enquête minutieuse le prouve sans détour, le vote ethnique a bondi aux communales de 2012. De quoi faire chavirer bien des fausses certitudes. Et mettre à mal les bonimenteurs qui préfèrent les mirages aux réalités. Et qui pourraient être contrariés.

Le vote ethnique, le dernier tabou, la question sulfureuse ? Pourquoi donc ? La vérité n’a rien à gagner à l’irréalisme et aux faux-semblants. Pour mieux l’appréhender, pourquoi ne pas regarder notre monde tel qu’il est ? Pourquoi s’auto-bâillonner au prétexte fallacieux que certains faits devraient être tus ? Informer, c’est être condamné à la rigueur. Au-delà du politiquement correct affiché, hélas, par de nombreux politiques et médias.

« Dis-moi qui tu es, je te dirai pour qui tu votes. » Oui, le corps électoral évolue en fonction de la démographie. La population belge connaît un accroissement historique qu’elle doit, pour une bonne part, à l’immigration. Ces nouveaux citoyens ont des devoirs, mais aussi des droits. Eux aussi doivent devenir les sujets et les acteurs de leur histoire. Faut-il donc être surpris qu’ils votent pour des candidats issus de l’immigration ? « Notre origine détermine notre rapport au politique. L’origine a donc un poids en soi et il n’est pas réductible aux logiques sociales du placement politique », conclut une étude récente réalisée en France par l’Ined (Institut national d’études démographiques). Qui révèle aussi qu’incontestablement l’immigration renforce le vote de gauche. Une analyse confortée par les experts que nous avons interrogés cette semaine dans le cadre de notre dossier. Pour preuve, à Bruxelles, les 51,2 % d’élus d’origine marocaine et les 54,8 % d’élus d’origine turque (résultats cumulés 2006 et 2012) du PS aux communales. Un record. Des électeurs attirés par le programme socio-économique « favorable aux défavorisés » du parti d’Elio Di Rupo ? Sans doute. Mais comme pour le CDH, aux résultats tout aussi interpellants, parce que le parti socialiste est à la source d’emplois municipaux, de logements sociaux et d’aide sociale. Identifier et flatter quelques groupes pour gratter des voix peut ainsi se révéler payant.
Clientélistes, les partis qui multiplient les candidatures « allochtones » ? Plus que probable. A contrario, leur mérite n’est-il pas de canaliser des flux susceptibles de s’éparpiller sur des listes nettement moins « recommandables » ? Mais qui sont ces nouveaux élus ? Quel projet caressent-ils pour la Belgique ? Quel modèle de société ? Notre vie politique ne va-t-elle pas se teinter, par petites touches, de thématiques religieuses ou de causes nationales étrangères importées, comme le conflit israélo-palestinien, par exemple ? Des interrogations, voire des fantasmes qui rencontrent rarement de vraies réponses. La faute à qui ? Aux partis, pardi ! Et aux élus eux-mêmes. Pour favoriser le bien vivre ensemble ne devraient-ils pas faire toute la lumière ? Lever les doutes ? Rassurer ces « majoritaires » déstabilisés par cette nouvelle donne, agités par les pires alarmes et qui craignent de perdre leur identité, leurs valeurs, leur culture dans cet immense brassage politique sans retour ? Ceux-là mêmes qui flottent au milieu de tout ce chambardement. Non, il ne s’agit pas de rétropédaler collectivement. Mais de couper court à tout racisme ou tout dérapage xénophobe qui pourrait poindre son nez. « Les gens ne pensent pas, ils ressentent », prétendait Margaret Thatcher. Aujourd’hui, le ressenti de nombreux citoyens, c’est la peur, irrationnelle certes, comme toutes les émotions. Mais elle est là. Et l’urgence, c’est bien de les rassurer.

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