Seppe Smits dans une séance de slopestyle. Une discipline bourrée d'adrénaline. © KAAT DE MALSCHE

Qui est Seppe Smits, porte-drapeau de la délégation belge aux JO d’hiver ?

Julien Broquet
Julien Broquet Journaliste musique et télé

Porte-drapeau de la délégation belge à Pyeongchang, le snowboarder acrobatique est aussi notre plus grande chance de médaille. Rencontre dans les Alpes suisses, en pleine préparation pour les Jeux.

Bienvenue dans notre bureau !  » Dents ultrablanches, teint hâlé et semi-longue chevelure blonde. Jean-Valère Demard, coach de l’équipe belge de snowboard, présente le paysage à la sortie du téléphérique. Cimes enneigées, colosses de roche et robe blanche poudreuse. Le soleil brille. La vue est renversante… S’il fait calme dans les hôtels, il y a davantage de monde sur les pistes. C’est à Laax, en Suisse, dans le canton des Grisons, que Seppe Smits se prépare pour ses deuxièmes JO d’hiver (du 9 au 25 février, en Corée du Sud). Cool, relax, posé, charmant, le double champion du monde de snowboard est d’une incroyable disponibilité à quelques jours de l’événement olympique. L’Anversois de 26 ans est pour beaucoup la plus grande chance de médaille belge à Pyeongchang. Mais ce n’est pas une façon de parler ou de lui ôter la pression des épaules : le snowboard est imprévisible.  » La moindre petite erreur peut déjà vous priver de la finale, avoue Seppe. On sera 40 riders au départ ; 30 ont les capacités pour se qualifier. Et tous peuvent accrocher une des trois premières places.  » Son entraîneur, Jean-Valère Demard, embraie :  » On l’a vu à Sotchi il y a quatre ans. Sage Kotsenburg gagne les Jeux en slopestyle : c’est un très bon rider mais je n’aurais même pas misé sur lui pour le podium.  »

Le slopestyle, c’est la discipline de prédilection de Seppe Smits. Terriblement spectaculaire, elle consiste à effectuer des figures aussi acrobatiques que possible sur une piste de descente spécialement aménagée. Jouant avec des obstacles en neige ou en métal. Il est 10 h 15. Entouré d’autres snowboarders et skieurs, notamment de l’équipe nationale suisse, Seppe, Red Bull tatoué sur le casque et sous les pieds, s’élance pour ses premiers parcours de la journée. Bientôt, il décolle à des hauteurs vertigineuses, tournant sur lui-même comme un plongeur, un gymnaste ou un trapéziste. Les sauts sont aussi impressionnants qu’ils font froid dans le dos.  » Mon amour pour le snowboard vient de l’adrénaline qu’il procure, explique-t-il dans un français impeccable. Mais aussi du mode de vie qui va avec. Je kiffe la neige. Je kiffe les voyages. Je kiffe d’être dans les montagnes. Je n’ai aucun problème avec les efforts et les sacrifices. J’adore la vie que je mène. Evoluer. Repousser mes limites. Celles de mon corps. Puis, le snowboard permet de s’exprimer. Vous pouvez y glisser votre identité et j’aime cette liberté. Certains sont plus agressifs, d’autres plus relax. Si vous prenez les dix meilleurs riders du monde, les habillez de la même façon et leur demandez d’effectuer les mêmes tricks, je pourrai quand même les identifier. Moi, j’essaie de ne pas faire d’erreur. De toujours rester bien calme en l’air. Que tout soit propre. Parfait.  »

Depuis le début de l’année, je n’ai mangé qu’une seule fois de la viande

 » Seppe est très analytique et perfectionniste, décrit Jean-Valère Demard. Certains snowboarders ne sont que sensoriels. Ils glissent et ne se posent pas trop de questions. Lui aime comprendre les mécanismes. A-t-il assez tourné ? Les directions étaient-elles bonnes ?  »

Le snowboard freestyle est très artistique mais se pose aussi plus que jamais comme un sport de haut niveau, qui a fortement évolué et s’est professionnalisé ces dernières années.  » Il a changé et les Jeux n’y sont pas étrangers, reprend Seppe. J’ai senti au fil de ma carrière la hausse de niveau. A une échelle que vous ne pouvez même pas imaginer. Faire une rotation de 720 degrés, c’était déjà très fort. Aujourd’hui, on en est au double. Les jumps aussi ont grandi…  »

A Pyeongchang, Smits s’alignera à la fois en slopestyle et en Big Air. Une épreuve pour la première fois olympique disputée sur un seul tremplin. Elle a déjà valu au Belge plusieurs podiums aux championnats du monde.  » Le Big Air est plus accessible et compréhensible pour le grand public. On en fait d’ailleurs parfois dans les villes sur des constructions en métal comme à Anvers en 2012. Le slopestyle est cantonné aux montagnes… Perso, je ne bosse plus jamais en indoor. C’est trop petit. Le toit est trop bas. Le plus grand saut avoisine les 6 ou 7 mètres en longueur. Ici, on est entre 16 et 20…  »

« Seppe a prouvé qu’un jeune venu d’un pays sans montagne pouvait devenir champion du monde. »© KAAT DE MALSCHE

Champion du monde

Né à Wilrijk, près d’Anvers, le 13 juillet 1991 et élevé à Westmalle, Sebastien  » Seppe  » Smits commence le ski à 3 ans et se lance dans le snowboard à 9 avec son frère.  » On en voyait de plus en plus sur les pistes et on a eu envie d’essayer. On a pris quelques cours dans les montagnes et un entraîneur a dit qu’on avait un peu de talent. Il a suggéré de nous emmener faire du snowboard plus souvent.  » Les deux gamins s’entraînent dans les centres de ski indoor en Belgique (le Snow Valley à Peer, l’Ice Mountain à Comines) et délaissent très vite le slalom pour le freestyle. Seppe a 15 balais, son aîné 16, quand ils inaugurent l’entrée du snowboard dans les programmes de sport études. Cinq ans plus tard, en 2011, le cadet devient pour la première fois champion du monde de slopestyle à Barcelone et se classe deuxième du Big Air.  » Mon frangin a encouru plusieurs blessures et était parfois un peu moins dedans pour les compétitions. Mais il est aujourd’hui instructeur « , dévie-t-il avec fierté.  » Avec ce titre, Seppe a concrétisé un truc, note son entraîneur. Il a prouvé qu’un jeune venu d’un pays sans montagne pouvait devenir champion du monde de snowboard.  »

Il était le seul snowboarder belge en lice aux Jeux de Sotchi. A Pyeongchang, Smits sera accompagné de Sebbe De Buck et du jeune Stef Vandeweyer, 18 ans seulement.  » Sans sport études et volonté politique, performer à ce niveau me semble impossible, reprend Jean-Valère Demard. En France, il n’y a pas de structure pour les plus jeunes et il n’y aura pas de snowboarder français en Corée. Pourtant, il y a des montagnes de partout. Les gamins continuent d’y grandir et d’y glisser…  »

Les risques du métier

Toujours en mouvement, un oeil rivé sur les bulletins météo, les snowboarders vivent et migrent au rythme du ciel et de la neige. A Laax, quand le temps est clément, Seppe ride entre trois et cinq heures quotidiennement.  » On prend la benne vers 9 h 30. Les conditions commencent alors à être idéales. Le soleil touche le parc. La neige se met un peu à ramollir. Je fais quelques runs d’échauffement et dans l’après-midi, je commence à mettre les watts.  »  » Généralement, on filme toute la journée avec la GoPro, précise son entraîneur. Ça sert à plein de choses. Un peu pour le côté technique mais aussi pour la com et les réseaux sociaux…  »

Méticuleux, bosseur, Smits fait très attention à son corps et passe un nombre incalculable d’heures en salle de fitness, histoire de tenir tous les muscles de son corps en alerte. Il commence ses journées par une séance de yoga stretching  » pour réveiller le corps et le cerveau « . Et suit pour sa préparation physique les conseils de son oncle.  » J’essaie d’équilibrer. Les jambes sont ce qu’il y a de plus déterminant. Mais les abdos et le dos sont importants pour la stabilité. Il faut de la tonicité pour lancer les rotations. Pour les arrêter dans l’atterrissage. Et ça nécessite un bon gainage dans le haut du corps.  »

Deux clavicules, un humérus… Au fil de son éducation et de sa carrière, Seppe s’est cassé quelques os.  » Ma dernière grosse chute remonte à octobre dernier. J’ai atterri trop court mais je ne suis pas tombé. Je n’ai plus pu bouger la tête pendant deux jours. Je connais un mec paralysé à cause d’une boîte. Et un autre qui est tombé dans le coma pendant quelques semaines et n’est plus comme avant… On prend des risques. Mais des risques calculés. Il faut comprendre à 100 % avant d’essayer. Savoir ce qu’il va se passer en l’air. Ce que tu vas voir. Ce que tu vas sentir. Pour être prêt à tous les scénarios.  »

Une anecdote en dit long sur le milieu. Le côté imprévisible de la discipline et l’audace de ses adeptes. L’an dernier, lors des championnats du monde dans la Sierra Nevada, Seppe Smits se ramasse lourdement.  » Il a pris un crash vraiment énorme sur son dernier run d’entraînement, retrace son gourou. Il est tombé sur le dos, sur la glace, de quatre mètres de haut. Respiration bloquée. Il ne bougeait plus trop. Deux heures après, il devenait champion du monde. Les athlètes, il faut être capable parfois, de leur mettre le feu dans les starts. Leur faire oublier tout le reste. Le stress de la blessure, du crash.  » La douleur aussi. Smits souffre d’ailleurs encore et toujours d’un genou droit amoché…

Des sauts jusqu'à 20 mètres, mais des risques
Des sauts jusqu’à 20 mètres, mais des risques « calculés ».© KAAT DE MALSCHE

Ecolo tendance veggie…

Un petit tour au buffet salade, une pizza végétarienne et de l’eau plate. Le soir au resto, on est loin de l’image je-m’en-foutiste hippie qui collait jadis au snowboarder. Seppe Smits n’a pas de nutritionniste mais fait particulièrement attention à son hygiène de vie.  » Depuis le début de l’année, je n’ai mangé qu’une seule fois de la viande, glisse-t-il. Je passe beaucoup de temps dans les montagnes et je vois le changement de climat… La consommation de bidoche est particulièrement nuisible pour la planète et propice à son réchauffement. En plus, aux Etats-Unis, on sait qu’il y a souvent plein de produits de merde dedans. En Chine, la fédération nous a même interdit d’en manger parce qu’il y avait des risques pour les contrôles antidopage…  »

Ecolo Seppe Smits ? Autant qu’il le peut et sans se voiler la face.  » Je ne connais pas l’impact écologique des pistes indoor et avec tous mes trajets en avion je ne suis pas le mec le plus vert qui soit. Mais je n’utilise plus de bouteille en plastique. J’essaie de ne rien gaspiller. A long terme, j’aimerais faire construire une maison basse énergie. Dans le milieu, il y a des mecs plus extrêmes que moi et d’autres, comme les Américains, qui font un peu moins attention…  »

Le dopage (le Comité international olympique a exclu la Russie pour Pyeongchang mais pas tous ses athlètes) semble assez rare dans le milieu du snowboard .  » Je n’ai connaissance que d’une suspension. Un snowboarder a dû rendre sa médaille aux championnats du monde parce qu’il avait fumé de la weed. Quand vous savez qu’elle figure sur la liste des interdictions, vous évitez. En même temps, ça n’aide en rien à la pratique de notre discipline. Ça m’a fait grimper à la deuxième place mais je ne trouve pas ça très juste. Ce n’est pas à cause de l’herbe qu’il a été meilleur que moi ce jour-là.  » Un sport et des sportifs définitivement pas comme les autres…

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