Carte blanche

Quel avenir pour le Pacte d’Excellence à l’issue des élections ?

Que les concepteurs du Pacte d’Excellence, les parents et les élèves tremblent si l’actuelle opposition en Fédération Wallonie-Bruxelles (F W-B), devait arriver au pouvoir.

Un député de la Commission de l’Education, qui ambitionne de devenir un jour ministre de l’Enseignement, a en effet promis que le Pacte d’Excellence et plus particulièrement l’allongement du tronc commun (le jeune après un cursus commun à tous choisirait lui-même son orientation, un an plus tard) seraient anéantis. Toute la concertation réalisée entre tous les acteurs de l’enseignement (pouvoir organisateur, directions, syndicats d’enseignants, associations de parents, délégation des Droits de l’Enfant,….), pendant trois ans serait ainsi balayée. Dans un article du VIF, ce député, Mr Henquet, exprime d’ailleurs clairement ses opinions quant à deux mesures phares du Pacte, à savoir la diminution de l’échec scolaire (et du redoublement) ainsi que l’allongement du tronc commun, opinions qui sont dans la droite ligne du ministre Hazette, un autre ministre Mr qui avait remis le redoublement dans le premier degré.

Mr Henquet est un fervent partisan du redoublement. Pour lui, dans une opinion publiée sur le site du VIF, il s’agit d’une mesure destinée à « admonester » les élèves qui n’éprouveraient plus l’envie de suivre 4 heures de cours d’une discipline dans laquelle, ils sont en échec. Pour Mr Henquet, ce redoublement garantirait une certaine qualité au diplôme, une grande quantité d’enfants ne l’ayant pas.

Contrairement à ce qu’affirme Mr Henquet dans le VIF, la communauté scientifique reconnait actuellement L’INUTILITÉ DU REDOUBLEMENT, comme méthode pédagogique. Seule une étude relatée dans un rapport fait état que, dans certains cas, il pourrait y avoir un certain bénéfice dans le redoublement. Il s’agit d’une étude réalisée sur un petit nombre d’enfants de classes de transition entre primaire et maternelle. Cette étude, réalisée sur un petit nombre d’élèves, ne peut évidemment à elle seule remettre en cause toutes les autres études et la nouvelle méta-analyse réalisée conjointement par l’UCLouvain et l’ULg. Nous nous réjouissons d’ailleurs que les Universités (UCLouvain et ULiège) de ce pays osent, enfin, se prononcer sur ce sujet, oh combien sensible en F W-B. L’étude de Mr Galand, qui reprend toutes les études sur le redoublement, met en évidence un aspect très important de l’apport positif de la suppression du redoublement, il s’agit de la diminution du décrochage scolaire. Il y a en effet une corrélation très importante entre le redoublement et l’abandon des études.

Le fait d’être en échec scolaire place, en effet, l’élève dans une forme de « sidération » qui aura pour conséquence de le démotiver de façon très importante et l’empêcher de s’investir dans les disciplines où il échoue (contrairement à une croyance absurde qui voudrait qu’au contraire, il soit davantage boosté par l’échec). Le désengagement qui survient alors, pousse ensuite l’élève à décrocher, convaincu que cela ne sert quand même à rien d’étudier, puis à abandonner les études. Mr Henquet ne voit, lui, aucun inconvénient à ce que nous soyons les champions de l’échec scolaire. Il en parle comme de « la moins mauvaise des solutions » et de sa nécessité pour « éviter d’accroitre des lacunes ». Nous nous insurgeons contre cette affirmation. Si un élève présente, ce qu’il appelle des « lacunes », la priorité des enseignants devrait être de s’intéresser à ces « lacunes ». Le mot « lacune » est couramment utilisé par les enseignants pour expliquer une difficulté d’un élève qui ne se souvent pas de ce qu’il a précédemment appris et qui peut sembler important pour comprendre ou résoudre un problème. Les enseignants (souvent peu formés sur les processus par lequel un élève mémorise un savoir) sont souvent perplexes devant cette difficulté, car l’oubli peut parfois faire référence à une matière enseignée, il y a un certain temps. Une « lacune » étant un oubli, un trou de mémoire, on doit tenir compte du fait qu’il est possible que réactiver des opérations mentales apprises et stockées dans la mémoire, puissent ne

pas se faire, pour diverses raisons qu’il conviendra d’analyser et comprendre. En matière d’oublis ; ce qui pose, en fait, fréquemment problème, c’est la difficulté pour les apprenants de réactiver certaines opérations mentales dans un autre contexte que celui où elles ont été initialement activées, lorsqu’elles ont été mises en mémoire.

Si, pour Mr Henquet, la solution est de faire « prendre une année de plus » à l’élève même si cette option a un coût qui représente 12 % du budget de la F W-B (et non pas 5% comme il tente de le minimiser, sans pouvoir évoquer ses sources), pour les parents, à l’opposé, la solution est de demander aux enseignants de se pencher sur ces lacunes, durant l’année pour les analyser et trouver des solutions pour ramener en mémoire de travail, ces opérations mentales de manière à ce que l’élève puisse les utiliser, dans un autre contexte. La tâche de l’enseignant pourrait alors être de davantage entraîner les élèves durant l’année, à mobiliser leurs connaissances et procédures dans d’autres contextes que celui où elles ont été apprises, de manière à pouvoir les réactiver plus facilement. Les enseignants pourraient ainsi valoriser leur savoir-faire dans une procédure économiquement plus rentable que le redoublement d’une année, ce qui est plus motivant pour l’élève. Ainsi, « accepter l’hétérogénéité », ne doit pas se faire « en prenant une année » supplémentaire, comme le prône ce candidat-ministre de l’Enseignement ! Nous pouvons rassurer Mr Henquet, le diplôme obtenu à la fin du cursus ne sera pas, comme il le prétend « sans aucun contenu, sans aucune valeur » mais sera de la même qualité que celui des pays qui pratiquent déjà cette façon de faire, pays qui ont aboli l’échec scolaire déjà dans les années 70 et qui ont d’excellents scores aux épreuves internationales (PISA).

Quant à L’ALLONGEMENT DU TRONC COMMUN, retarder l’âge ou le jeune choisira son orientation, nous avons tous compris que, pour ce directeur d’école, il ne peut en être question. Pour Mr Henquet, partisan d’une orientation scolaire précoce imposée par le conseil de classe, « l’école se DOIT de déceler le plus tôt possible », au nom du « principe d’équité », les « potentialités » des « intelligences plurielles », autrement dit écarter tous ces « jeunes qui ne veulent plus faire des maths, de langues modernes, de français à un rythme aussi important que ce qu’on veut leur imposer dans le TC général actuel, à savoir 4/5 h/sem ». Nous demandons à Mr Henquet s’il s’est posé la question de savoir si ces jeunes de 12 ans ne veulent réellement plus étudier ces disciplines ou, qu’en échec, ils sont déjà dégoûtés de l’école ? Pour lui, l’élève ne sera jamais acteur de son orientation, comme le prône pourtant le « Pacte d’Excellence », qu’il s’est promis de « casser » sur les antennes de la RTBF, ce 2 avril.

Nous, parents qui observons nos enfants perdre confiance en leurs capacités, ne plus croire qu’ils sont capables, car en échec et devoir les remotiver en allant chez psychologues et logopèdes, payer du soutien scolaire, prétendre, comme le fait Mr Henquet que « présenter l’usage des notes continuellement négatives comme un danger de découragement relèverait de la mauvaise foi et de l’ignorance » est pourtant malheureusement rigoureusement exact. Mr Henquet ne se demande-t-il pas comment les autres pays européens font pour qualifier des jeunes en deux ans de moins, puisque leur tronc commun, à ces pays, va jusque 16 ans ? Cela doit pourtant être possible, puisque d’autres systèmes scolaires y arrivent. Pourquoi serait-ce impossible chez nous, en F W-B ?

Nous voudrions ici rapporter l’immense douleur que ressentent les parents d’enfants en échec scolaire qui voient leurs enfants qualifiés par Mr Henquet de « Gugusses » (propos rapporté par une journaliste). C’est vraiment difficilement audible et supportable, lorsque nous les voyons en échec scolaire, proches de la dépression, s’enfonçant dans le décrochage scolaire puis l’abandon scolaire. Il ne s’agit en effet nullement de propos affectueux et respectueux, comme l’affirme Mr Henquet, mais bien des propos méprisants désignant, si l’on s’en tient à la définition officielle, d’individus naïfs, de personnages ridicules qui jouent à l’imbécile et qu’il est impossible de prendre au sérieux. « Faire le gugusse », signifie d’ailleurs passer pour un idiot. Contrairement à ce qu’affirme Mr Henquet dans sa réponse, traiter nos enfants de « gugusse », n’est nullement affectueux et en aucun cas, comme il ose l’affirmer, une marque de respect, là-dessus, ni Mr Cornet, ni nous, parents, ne nous y trompons.

Si l’on vous demande quelle est la catégorie d’enseignants (l’aidant ou le sélectionneur) qui aura davantage tendance à utiliser ce mot chargé d’un certain mépris, c’est sans équivoque que vous répondrez que le qualificatif « gugusse » sera davantage employé par un enseignant qui sélectionne ses élèves que celui qui les aide à réussir. L’enseignant qui sélectionne aura davantage tendance à déconsidérer ceux qu’il trie, car les catégoriser en « bons » ou en « mauvais », sous-entend qu’on a peu d’estime pour ceux qui ne seront pas dignes d’atteindre le niveau requis pour faire partie des bons éléments et qu’on n’hésitera moins, plus tard, à les qualifier de « gugusses ». A contrario, l’enseignant qui décide d’aider les élèves à réussir, aura conscience de ses difficultés à apprendre et prendra conscience que, pour qu’ils progressent, il vaut mieux les féliciter pour les progrès accomplis et les encourager pour qu’ils persévèrent, plutôt que de les dénigrer.

Si Mr Cornet a lancé une première carte blanche, c’est parce que, tout comme nous, il craint que le Pacte d’Excellence ne soit vidé de son sens, si d’aventure, maintenant que Mme Bertiaux quitte la politique, Mr Henquet, qui ne cache pas ses ambitions, ne devenait ministre de l’Enseignement. Pas plus tard que ce matin sur antenne, Mr Henquet se proposait d’ailleurs d’anéantir ce Pacte d’Excellence. Ce que nous propose Mr Henquet, c’est ni plus ni moins qu’un « CEB vérité » avec un taux d’échecs fixé à la moitié de la courbe de Gauss, sans se demander ce que la société va faire d’une moitié d’élèves qui devront redoubler leur 6° primaire ? Il nous promet aussi que le jeune, à l’issue ou non d’un premier degré (ou serait-ce directement après le CEB vérité ?), ne sera pas maître de sa destinée, mais devra subir une décision du conseil de classe qui « se DOIT de déceler les talents » (sans jamais se tromper évidemment) et l’orienter très tôt dans son parcours scolaire (alors que l’OCDE, se basant sur les résultats des tests PISA, le déconseille à tous les pays qui le pratiquent encore). Quel macabre programme !!!

Association de parents c/échec scolaire & abandon scolaire

Pour le CA de l’asbl, C. De Cuyper

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