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Que proposent les banques belges en termes de placements durables ? Tour d’horizon

Philippe Berkenbaum
Philippe Berkenbaum Journaliste

Chaque banque belge a sa propre politique en matière d’investissement durable, ses propres critères et donc une gamme de produits de placement ISR spécifique. Tour d’horizon.

Triodos : les 7 défis capitaux de la transition

A tout seigneur tout honneur, il n’existe qu’une seule banque en Belgique qui oriente la totalité de l’épargne qu’elle collecte et des investissements qu’on lui confie vers l’économie durable, tant au travers des crédits qu’elle octroie que des titres auxquels souscrivent ses fonds d’investissement : c’est la banque Triodos (et sa filiale Triodos Investment Management), arrivée des Pays-Bas chez nous il y a vingt-cinq ans.  » Nos produits d’investissement se fondent sur une analyse assez unique dans le marché, explique le directeur de la succursale belge Thomas Van Craen.

Thomas Van Craen.
Thomas Van Craen.© DR

La majorité des fonds ISR travaillent sur la base d’exclusions ou de stratégies best in class, nous avons une approche positive visant à ne sélectionner que des entreprises qui contribuent de façon significative à la transition vers une société durable.  » Triodos a déterminé sept thématiques susceptibles d’aider les investisseurs à relever les défis de la durabilité, parmi lesquels la mobilité durable, la transition énergétique ou l’alimentation saine. Ses quatre fonds d’investissement grand public excluent, par ailleurs, les secteurs les plus controversés (armement, tabac, énergies fossiles et nucléaire, etc.). Aux investisseurs plus fortunés, Triodos propose également un service de gestion discrétionnaire durable en collaboration avec la banque privée Puilaetco et des fonds alternatifs développés aux Pays-Bas.

Caroline Thijssen.
Caroline Thijssen.© DR

BNP Paribas Fortis : le leader engagé

Longtemps critiqué par les réseaux de financement alternatif comme FairFin pour sa présence dans certains paradis fiscaux et son soutien à l’industrie nucléaire, le groupe BNP Paribas Fortis a commencé, voici une dizaine d’années, à développer une expertise dans l’ISR.  » Mais depuis 2014, nous avons opéré un tournant décisif, évoque Caroline Thijssen, Head of Sustainable and Responsible Development. Depuis lors, la durabilité est inscrite dans l’ADN de nos collaborateurs et l’investissement socialement responsable est au coeur de notre offre. Aujourd’hui, qu’il passe par une agence ou par la banque privée, le client se voit d’abord proposer d’investir dans des produits ISR. A moyen ou long terme, 100 % des investissements que nous proposons seront durables. C’est une vision très claire de notre management.  » Elle se traduit à tous les échelons de la banque et lui a permis de prendre le leadership sur ce marché en Belgique, avec plusieurs dizaines de fonds accessibles à tous les profils de clients.  » Nous travaillons en architecture ouverte, souligne la spécialiste ISR de la banque privée Valérie de Gheldere, ce qui nous permet de proposer aussi les fonds d’autres gestionnaires internationaux dont l’expertise est reconnue en la matière, comme Amundi ou Robeco.  » L’offre interne est composée de fonds best in class (2/3) et thématiques (1/3). Nous avons des politiques sectorielles qui encadrent ou proscrivent les investissements dans les secteurs comme les armes, le tabac, le charbon ou les hydrocarbures non conventionnels et BNP Paribas Fortis se distingue aussi sur le plan de l’engagement :  » Nous sommes présents dans le capital de plus de 1 500 entreprises dans le monde et, à travers le dialogue et les votes aux assemblées générales, nous utilisons tout notre poids d’actionnaire pour les pousser dans la bonne direction.  » Côté impact investing, la banque privée du groupe soutient également le fonds Venture Philanthropy de la Fondation Roi Baudouin.

Chris Sterckx.
Chris Sterckx.© DR

KBC-CBC : le banquier qui vise 10 milliards

Si KBC a décroché pour la première fois en 2018 l’award décerné par Financité au  » meilleur promoteur de fonds éthiques « , c’est le résultat d’une stratégie développée depuis longtemps par la banque belge et qui repose sur trois piliers, énumèrent Chris Sterckx, administrateur délégué de KBC Asset Management, et Xavier Falla, directeur général de CBC en charge du marché des particuliers.  » Stimuler le comportement responsable de tous nos collaborateurs, réduire notre impact négatif sur l’environnement et la société et essayer d’avoir sur ceux-ci un impact positif. C’est dans ce cadre que nous développons des fonds qui répondent à certains critères de durabilité.  » Des critères d’exclusion s’appliquent à l’ensemble des activités du groupe :  » Ils concernent par exemple tout business ayant un rapport avec des armes ou des régimes controversés ou qui spécule sur des matières premières alimentaires.  » Sont par ailleurs exclues des fonds durables les entreprises actives dans le tabac, les casinos, les combustibles fossiles. Pour le reste, KBC AM développe elle aussi – mais en interne, avec ses équipes d’analystes et sa propre méthodologie – des fonds best in class avec une sélection plus sévère dans l’énergie (20 % des meilleurs élèves) que dans les autres secteurs (40 %). Elle s’applique également aux obligations d’Etat. Parmi les dizaines de placements durables développés par les asset managers de KBC, on trouve également des fonds thématiques, un fond d’ impact investing et ce que Chris Sterckx présente comme une spécificité de la banque : la capacité à couvrir la totalité d’un portefeuille de placements par des produits ISR. Tous ces fonds étant distribués par la filiale CBC en Wallonie. Avec tout cela, KBC ne cache pas son ambition d’atteindre 10 milliards d’investissements durables en 2020… pour le seul marché des particuliers.

Marc Hainaut.
Marc Hainaut.© DR

Belfius : le promoteur historique

Voilà un acteur historique puisqu’il se dit à l’origine du lancement des premiers fonds durables en Belgique, au milieu des années 1990.  » Dès le départ, nous avons voulu développer non pas un produit durable parmi d’autres mais une gamme complète pour répondre aux besoins de diversification de tout bon portefeuille « , signale Marc Hainaut, Head of Product Management Savings & Investments. Cette gamme existe toujours et comprend, comme ailleurs, une majorité de fonds best in class ainsi que des produits thématiques et de l’ impact investing. Elle s’est considérablement étoffée ces dernières années avec des fonds développés par la société de gestion Candriam, qui faisait jadis partie du groupe et est aujourd’hui reconnue comme l’un des meilleurs promoteurs de fonds SRI dans le monde. Belfius et Candriam viennent de lancer un nouveau fonds qui investit exclusivement dans des sociétés impliquées dans le développement de traitements anticancéreux et dont une partie des frais de gestion sera directement reversée à la Fondation contre le cancer.

Frédéric Degembe.
Frédéric Degembe.© DR

ING : le pragmatisme vertueux

Pour le grand public et le personal banking, ING a fait le choix de travailler en guided open architecture avec cinq partenaires privilégiés choisis parmi les grands gestionnaires d’actifs internationaux, dont Black Rock, Templeton, etc.  » On retient dans leurs gammes les cinq produits les plus durables pour les proposer à nos clients « , explique Frédéric Degembe, Investment Officer chez ING Private Banking. La banque vient également de lancer son propre fonds basé sur une sélection des produits les plus durables disponibles sur le marché, quel que soit leur gestionnaire – on parle alors de full open architecture. Un fonds de fonds  » qui reste pragmatique au niveau du return « , commente son gestionnaire. Frédéric Degembe relève à cet égard le grand nombre de produits ISR de qualité aujourd’hui accessibles mais surtout l’émergence d’un cercle vertueux :  » Au-delà des critères d’exclusion et best in class devenus communs, on voit se développer un actionnariat de plus en plus actif où les gestionnaires de fonds entretiennent un dialogue constant avec les managers d’entreprises pour les pousser sur la voie de la transition. Nous nous inscrivons dans cette dynamique.  » Last but not least, ING a aussi transformé son fonds d’épargne-pension vedette pour le rendre durable, sur base de critères d’exclusion très stricts et de respect des critères ESG.

Ophélie Mortier.
Ophélie Mortier.© DR

Degroof Petercam : la convergence en ligne de mire

 » Depuis que nous avons lancé notre premier fonds durable en 2001, nous avons parcouru énormément de chemin, se réjouit Ophélie Mortier, Responsible Investment Strategist chez Degroof Petercam. Il y a cinq ans, c’était encore une stratégie de niche mais aujourd’hui, nos actifs SRI représentent 20 % du total – avec une croissance de 30 % rien qu’en 2018 sur le marché des particuliers.  » Entre-temps, la banque privée fut l’une des premières à signer, dès 2011, la charte ONU des principes d’investissement responsable.  » A ce titre, nous intégrons les critères ESG dans la recherche et la gestion de l’ensemble de nos fonds et pas seulement dans notre offre ISR, détaille Ophélie Mortier.  » Exemples ? La défense des droits fondamentaux :  » Nous publions tous les trimestres la situation de notre portefeuille par rapport à ce critère et nous nous défendons d’investir dans des sociétés considérées comme non respectueuses des droits fondamentaux.  » Les exclusions :  » Il y a des secteurs et des sociétés que nous ne voulons pas financer du fait de leur comportement, comme le tabac, l’armement, la pornographie, les jeux de hasard… Nos fonds mainstream suivent, eux aussi, cette recommandation.  » La responsabilité actionnariale : Degroof Petercam exprime ses positions sur les questions de durabilité et de gouvernance dans les 540 entreprises où elle est investie. Mais pour Ophélie Mortier, l’objectif qui fait toute la différence est la promotion des meilleures pratiques et le soutien aux sociétés qui  » proposent des solutions aux enjeux de durabilité et de responsabilité sociale. Raison pour laquelle nos portefeuilles ISR ne sont pas exposés aux secteurs des utilities, de l’immobilier et des énergies fossiles.  »

Raya Bentchikou.
Raya Bentchikou.© DR

AXA : pour une société juste et équitable

Chez AXA Investment Managers, l’investissement socialement responsable a commencé il y a vingt ans avec un premier mandat pour un grand client corporate désireux d’investir dans des sociétés qui créaient de l’emploi.  » Depuis, nous n’avons eu de cesse d’intégrer l’ISR dans nos plateformes d’investissement. Parce que nos clients nous le demandent mais surtout parce que nous sommes convaincus du rôle déterminant que joue la finance dans le développement d’une société plus juste et équitable ainsi que d’un environnement soutenable, déclare Raya Bentchikou, responsable business development ESG pour AXA IM. Cela nous a poussés très tôt à développer des outils de reporting sur les notions de facteurs ESG et à accélérer leur intégration dans l’ensemble de notre offre.  » Depuis l’an dernier, cette intégration se généralise à tous les investissements d’AXA IM, dans toutes les classes d’actifs.  » Plus de 7 000 entreprises sont aujourd’hui couvertes par une note ESG propriétaire que nous pouvons communiquer à nos clients et qui détermine un « niveau de conscience ESG ».  » Et bien sûr, outre les classiques exclusions sectorielles et approches thématiques, le poids d’AXA lui permet également de jouer la carte de l’engagement en initiant  » un dialogue constructif avec les sociétés dans lesquelles on investit pour les pousser à adopter de meilleurs pratiques.  »

Bernadette Migisha.
Bernadette Migisha.© DR

AG Insurance : le boom de l’assurance-vie durable

Le premier investisseur institutionnel belge (70 milliards) a récemment annoncé qu’il n’investirait plus dans le tabac, le charbon ni dans  » l’ensemble du secteur de la défense « , précise la responsable ISR Bernadette Migisha, et a signé la charte onusienne sur les principes de l’investissement responsables.  » Cela impose à nos gestionnaires d’actifs d’examiner systématiquement les critères ESG avant tout nouvel investissement.  » Cela dit, c’est en 2007 qu’AG Insurance a lancé ses premiers mandats ISR pour des assurances groupes destinés à des clients institutionnels. Une gamme complète de fonds thématiques sont par ailleurs proposés au grand public dans le cadre de la branche 23, relatifs à la problématique du climat, des objectifs de développement durable des Nations unies, de la diversité, etc. Outre des critères d’exclusion et de sélection ESG sévères, certains fonds ont pour objectif d’avoir une empreinte carbone inférieure à la moyenne du marché.  » L’ensemble des fonds et mandats ISR pèse aujourd’hui plus de quatre milliards. Les encours des fonds ISR ouverts de la branche 23 ont connu une croissance de plus de 50 % au cours de l’année écoulée. « 

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