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Quand retrouverons-nous notre liberté ? « À partir de la mi-mars, nous serons dans une situation plus favorable »

Han Renard

À supposer que la campagne de vaccination se déroule comme prévu, n’est-il pas possible qu’un monde où tout serait à nouveau possible soit déjà en vue d’ici quelques mois ? Ou doit-on vraiment attendre l’été ? « Il serait tellement plus préférable d’apporter un message d’espoir à la population », estime l’épidémiologiste Yves Coppieters (ULB).

Une fois que les résidents des maisons de retraite et les personnes de plus de 65 ans seront vaccinés contre le coronavirus, on aura déjà fait une bonne partie du chemin. À partir de ce moment-là, soit dans le courant des mois de mars et d’avril, et si la campagne de vaccination ne subit pas de revers majeurs, on pourrait sérieusement envisager d’assouplir considérablement les mesures anti-covid pour le reste de la population. Sciensano estime en effet que plus de 90 % des décès liés au covid surviennent chez les plus de 65 ans. Et si les chiffres ont fluctué au cours de la pandémie, la grande majorité des hospitalisations se situent également dans cette tranche d’âge.

Une fois que ces groupes les plus vulnérables seront vaccinés et donc à l’abri, ne pourrait-on pas considérer que le danger est écarté ? Et, dans la foulée, se demander si des restrictions aussi strictes sont encore nécessaires ? Le ministre de la Santé Frank Vandenbroucke (SP.A) a évoqué la perspective du « royaume de la liberté » en août ou pour cet automne, lorsque, espérons-le, 70 à 80 % de la population aura été vaccinée. La question est de savoir si tout cela doit vraiment prendre autant de temps. Car la population est déjà sur les genoux et que l’argument principal des mesures, à savoir la solidarité avec les membres les plus faibles de la société, sera alors en grande partie obsolète.

Message d’espoir

« Une fois que les plus de 65 ans auront également été vaccinés – nous parlons de la phase commençant en mars – nous serons en effet dans une situation totalement différente. Les paramètres sur lesquels nous nous appuyons pour maintenir les restrictions vont changer radicalement, tout comme le mode de fonctionnement de la société », estime Yves Coppieters, professeur à l’ULB et épidémiologiste. À partir de la mi-mars, les vaccinations auront un impact sur les admissions à l’hôpital : elles cesseront d’augmenter, quoi qu’il arrive. Même si le virus continue de circuler dans la population, et même si la variante britannique progresse, car il semble que le vaccin Pfizer soit aussi efficace contre cette variante. Sans compter qu’à partir de mars, nous disposerons probablement aussi des vaccins Johnson & Johnson et AstraZeneca. Nous pourrons alors vacciner à un rythme très rapide. Avec pour résultat que, trois semaines plus tard, les paramètres de l’épidémie vont se stabiliser, puis diminuer. Tout cela fait dire à Coppieters qu’un assouplissement substantiel des mesures est possible à partir de la deuxième moitié du mois de mars.

« Ce qui préoccupe surtout les médecins et les politiciens, c’est la capacité des hôpitaux. Dès que vous êtes certain que les patients atteints de covid-19 ne noieront plus les hôpitaux, il est possible d’autoriser presque toutes les activités, à l’exception des évènements de masse comme les festivals ou les gros évènements dansants. Et en continuant bien sûr à respecter les gestes barrières, comme se laver les mains et garder ses distances. »

L’épidémiologiste pense que les dirigeants politiques devraient plutôt évoquer le mois de mars ou d’avril comme date de sortie de crise plutôt que de promettre « le royaume de la liberté » pour seulement cet été ou même plus tard.

« Le message de nos politiciens est plutôt dur. Le ministre Vandenbroucke a un ton paternaliste. Il passe pour le patriarche sévère et peu empathique. Il serait bien plus judicieux d’apporter à la population un message d’espoir et de lui faire comprendre que l’amélioration et la normalisation de notre vie sont directement proportionnelles au nombre de personnes vaccinées. Ce n’est pas donner de faux espoirs aux gens, c’est une réalité ».

Lâcher prise

Toutefois, l’expert Pierre Vandamme (UA) met en garde contre une euphorie prématurée : « Il y a de fortes chances que grâce à la combinaison de la vaccination et des mesures prises nous soyons en mars effectivement dans une situation plus favorable. Sauf que, pour l’instant, on ne peut que constater à quel point il est difficile de contrôler l’épidémie. »

Comme c’est la population active qui est la plus susceptible de transmettre le virus aux autres, et non les groupes d’âge qui sont vaccinés dans les premières phases, Vandamme pense qu’il vaut mieux ne pas trop mettre l’accent sur un éventuel assouplissement des mesures pour le moment.

« Il n’est pas vrai qu’une fois que toutes les personnes de plus de 65 ans ont été vaccinées, on peut lâcher prise. Pour commencer, le vaccin n’offre pas une protection à 100 %. En outre, si le virus se répand largement parmi les jeunes et la population active, vous risquez un scénario comme celui de l’été dernier, où c’est les médecins généralistes qui sont noyés. En outre, les personnes plus jeunes peuvent également développer une forme grave de la maladie et se retrouver en soins intensifs, surtout si elles souffrent d’autres pathologies. Tant que l’immunité de groupe n’est pas acquise, nous devons également empêcher les femmes enceintes, les patients atteints de cancer et les personnes souffrant de troubles immunitaires d’être exposés au virus ».

Troisième vague

Par ailleurs, les cas du Royaume-Uni et l’Irlande montrent bien que la situation peut rapidement dégénérer. « Une simple mutation du virus qui augmente sa contagiosité peut entraîner un effondrement des soins de santé. Quelque chose de similaire pourrait nous arriver ici dans les semaines et les mois à venir. Dans ce cas, votre système de santé ne sera pas sur le point d’imploser à cause des personnes vulnérables, mais parce qu’il y aura une explosion de cas dans la population, et donc aussi beaucoup plus de patients dans la quarantaine et la cinquantaine », dit Vandamme.

Nul doute pourtant que la pression à la fin de l’hiver se fera grande pour qu’on assouplisse les mesures. Vandamme est conscient qu’il sera difficile de trouver le juste équilibre. « Il faudra graduellement assouplir, au fur et à mesure que le taux de vaccination de la population augmente. Cela devrait motiver les jeunes à s’en tenir aux mesures pendant encore un certain temps. Nous devons faire comprendre que la campagne de vaccination se déroulera beaucoup plus facilement si nous maîtrisons l’épidémie. Une importante troisième grande vague mettra l’organisation des centres de vaccination sous pression. Il faudra alors trouver des bénévoles et des travailleurs de la santé à la retraite, car les hôpitaux et les médecins généralistes seront débordés. Donc, plus nous gagnons de temps sur le virus, plus il y a de chances que la vaccination se passe bien et prenne le dessus ».

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