Michel Delwiche

Quand l’emploi va mal, l’environnement va mieux

Michel Delwiche Journaliste

Hasards du calendrier. Hier, la Région wallonne a amputé les quotas CO2 de la sidérurgie. Et début de semaine, le SPF Emploi a publié les statistiques des licenciements collectifs. Qui concernent principalement le métal.

Moins de cadeaux pour ArceloMittal et Duferco. Le gouvernement wallon a en effet décidé jeudi de réorienter les permis de polluer. Le géant sidérurgique voit ainsi sa part du gâteau diminuer de près de 75%, puisqu’il n’aura plus droit qu’à 6,5 millions de quotas gratuits (équivalent à 6,5 millions de tonnes de CO2), alors qu’il en recevait 24 millions. Duferco, de même, a vu sa part amputée de 15 millions de tonnes. Ce sont désormais les cimentiers qui sont les plus gros bénéficiaires des quotas donnés par la Région wallonne.

Collision des chiffres, en apparence du moins: le SPF Economie, repris par La Libre, a publié début de semaine les statistiques des intentions de licenciements collectifs annoncées depuis le début de l’année. Plus de la moitié des 7.691 travailleurs concernés sont wallons. Ce sont en effet de grosses boîtes qui, au sud du pays, ont, entre janvier et septembre 2013, annoncé des pertes d’emploi massives: ArcelorMittal, Caterpillar, Duferco, NLMK… Des chiffres qui s’ajouteront aux importantes pertes effectives d’emplois enregistrées sur cette même période dans le métal.

20% en 2020

Ceci explique cela: des entreprises qui ferment perdent les quotas de CO2 liés à la production. Une évidence ? Pas pour tout le monde. En Wallonie, Duferco et ArcelorMittal (AM) ont continué à les percevoir. Ces entreprises polluantes avaient bénéficié du droit d’émettre chaque année une quantité X de tonnes de CO2. Si elles en émettaient plus, elles devaient racheter des quotas. Si elles en émettaient moins, elles pouvaient les revendre. L’objectif fixé par l’Union européenne au lancement du système en 2005 était d’encourager l’industrie à polluer moins, et d’atteindre une diminution des émissions de 20% en 2020.

L’objectif sera atteint, et même dépassé, mais ce sera suite à la crise et aux baisses de production. Selon une étude du WWF publiée fin 2012, Duferco et AM ont ainsi capitalisé des millions de quotas indus, qu’ils ont pu revendre sur le marché. Duferco avait d’ailleurs reconnu que le produit de cette vente avait pu lui permettre, chez Carsid à Charleroi, de payer le chômage économique des ouvriers d’outils qui étaient à l’arrêt, expliquait le WWF, tandis qu’AM avait « vendu » sa promesse de conserver deux hauts-fourneaux liégeois contre des millions de quotas. AM qui, selon cette même étude, avait accumulé en Europe 129 millions de quotas, a d’ailleurs intenté un procès contre la Région wallonne pour la non-attribution de ces quotas liés aux deux hauts-fourneaux pour la période 2008-2012, pendant laquelle ils n’ont pas, euphémisme, fonctionné à pleine puissance, soit 965.000 tonnes de CO2 (5 à 6 millions d’euros). « ArcelorMittal ne doit pas continuer à penser que la Wallonie va tout accepter » avait commenté Philippe Henry (Ecolo), le ministre wallon de l’Environnement.

La réduction qui vient d’être entérinée par le gouvernement wallon, outre les hauts-fourneaux, est liée à l’arrêt de l’aciérie de Chertal et de la cokerie d’Ougrée en ce qui concerne AM. Duferco, pour sa part, qui a fermé Carsid, a décidé de fermer La Louvière et d’abandonner toute activité sidérurgique en Wallonie. Quand l’environnement va mieux, c’est l’emploi qui va mal. Douloureux constat.

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