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Quand le shopping passe en mode Big Brother

Faire ses achats en ligne depuis son canapé, c’est bien. Voir ses désirs devancés par les enseignes, c’est encore mieux. Elles auront bientôt sous la main une flopée d’outils numériques dont elles ne pourront plus se passer à l’avenir.

« Les Tech Titans que sont Google, Apple, Facebook et Amazon possèdent déjà, à eux quatre, plus de 80 % de l’information qui circule sur le Web, mais ils ne s’en contentent pas et cherchent à gagner des parts de marché en dehors de la Toile, en s’intégrant dans le monde physique », rapporte Guillaume Rio, techno trends manager au sein de la société française Echangeur by LaSer. Or, quelle meilleure porte d’entrée que celle qui touche directement au pouvoir d’achat des consommateurs que leur portefeuille ? « Google a été le premier à développer un portefeuille digital, le Google Wallet, fin 2011. Apple a suivi trois ans après avec son Apple Pay, sorti en octobre dernier. Ce sont deux applications qui permettent aux utilisateurs de régler leurs achats depuis leur smartphone et de centraliser l’ensemble de leurs cartes de fidélité et éventuels coupons de réduction, comparer les prix des produits sur différents sites, lire les avis d’autres clients, commander en ligne, rechercher un magasin à proximité, etc. », explique l’expert. Soit le moyen idéal pour Google et Apple de connaître en détail les comportements et les habitudes d’achat de ceux qui ont téléchargé leur app, de cerner plus précisément leurs besoins… et ensuite les combler.

La réponse des retailers à l’éclosion du portefeuille digital ne s’est cette fois pas faite attendre. Deux jours après la présentation officielle de l’Apple Pay, le géant américain de la grande distribution Wal-Mart a déclaré qu’il ne signerait pas d’accord avec l’entreprise californienne en vue d’autoriser l’usage de l’application dans ses magasins… et lui a opposé son portefeuille digital, fraîchement développé : CurrentC. Des enseignes européennes ont elles aussi pris les devants. En France, le groupe de distribution Auchan est en train de déployer sa solution de paiement mobile, baptisée Flash’N Pay, dans ses hypermarchés. Idem pour son concurrent E.Leclerc, qui a introduit auprès de ses clients son portefeuille électronique, uniquement fonctionnel au sein de ses magasins. Chez nous, Colruyt Group a jeté son dévolu sur une application de paiement mobile concoctée par la société suédoise Seamless : SEQR. McDonald’s et l’enseigne belge de boulangerie et sandwicherie Panos ont également opté pour SEQR.

Avec ceci que la collecte d’informations ne se fait pas seulement au moment de passer à la caisse. Edouard Detaille, consultant chez Fundraising Consulting Expertise (France), identifie trois moments-clés du « parcours client » lors desquels les services marketing des enseignes vont à la pêche aux données : à la maison, en déplacement et au sein du point de vente. Leur secret ? Internet. « Une série de données filtrent avant même la visite en magasin d’un client, lorsque celui-ci surfe sur les sites d’une enseigne ou d’un centre commercial en quête de renseignements sur les horaires d’ouverture, par exemple, ou sur un produit en particulier », assure-t-il. En traquant les internautes de clic en clic et en étudiant les différentes pages qu’ils visitent, il est possible de définir leur profil d’achat.

Reste que les données les plus précieuses sont celles obtenues au moyen de technologies plus poussées, fondées sur l’usage des smartphones et des tablettes. L’une d’entre elles utilise la connexion Bluetooth. « Le principe est simple : on installe des petits émetteurs appelés ‘beacons’ dans les magasins et les centres commerciaux et, grâce à un échange de signaux entre ces émetteurs et les appareils mobiles des clients connectés à Bluetooth, on parvient à retracer fidèlement leurs déplacements », détaille l’expert. Et ce, tant dans le but d’enrichir les données client que d’établir une cartographie des zones chaudes et froides en termes de fréquentation, afin de pointer celles dont il faudra revoir l’attractivité. Certaines enseignes sont aussi équipées de caméras qui filment les déplacements dans le magasin. Les informations transmises sont ici plus riches et plus précises, puisque ces appareils sont capables de reconnaître le sexe et l’âge moyen des clients en analysant leur taille et leur corpulence.

Le dossier dans Le Vif/L’Express de cette semaine. Avec :

– Quelle sera la spécificité du message que va adresser l’enseigne à ses clients après avoir dressé leur profil d’achat ?

– L’objectif véritable : « Connaître vos besoins et les devancer en pensant à votre place »

– L’hyper-connectivité, la clé de l’avenir du commerce

– L’exemple américain

– 2015, l’année du commerce 2.0

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