PTB, PP, Ecolo, PS, MR, DéFI, CDH… Quels sont les tabous des partis ?

Nicolas De Decker
Nicolas De Decker Journaliste au Vif

Les différents partis francophones sont mal à l’aise sur certains sujets, sur lesquels ils évitent de faire campagne. Raison de plus pour en parler.

Le tabou du PTB : les questions migratoires

C’est un curieux tabou, somme toute, dont beaucoup parlent, et dont le sujet conteste ne pas oser en parler. Encore ce mercredi 27 mars, sur Matin Première, une dame à la belle blouse brune d’Uccle demandait à Raoul Hedebouw comment il allait faire pour lutter contre le racisme, parce qu’il n’avait pas l’air d’en parler beaucoup. Et l’hôte matinal, Thomas Gadisseux, de péremptoirement renchérir : « Il y a un malaise au PTB sur les questions migratoires. » Raoul Hedebouw le sait. Il ne le dit pas, bien sûr, et son argumentaire en deux points passe comme de la maquée sur une tartine de beurre. Un, le PTB veut lutter contre les causes des migrations, la colonisation et l’impérialisme. Deux, le PTB veut bien professer son antiracisme, mais personne ne l’interroge jamais sur la question.

Drôle de tabou, donc, dont le refouleur voudrait parler. En fait il le refoule bien, mais vers l’extérieur. Parce que l’antiracisme du PTB, bien sûr, est incontestable, intrinsèque à son existence même. Ses fondateurs, entêtés d’internationalisme, ont tissé dès leurs premiers balbutiements des liens à l’échelle planétaire, entre guérillas congolaises et autoritarismes asiatiques. Intal, son organisation satellite de coopération au développement, est bien plus active que ses homologues des partis traditionnels. Ses militants, bien sûr, sont depuis le début au parc Maximilien, où se regroupent les migrants, à Bruxelles. Et c’est le PTB qui noyaute, reproche-t-on chez Ecolo et au PS, les manifestations nationales contre le racisme.

L’énumération devrait suffire. Pourtant pas. Car le PTB a deux électorats, qu’il ne veut pas diviser, et ces deux électorats se croisent peu : une couche ouvrière, d’ancienne extraction, dans les bassins industriels wallons particulièrement, et une couche plus jeune, plus colorée, à Bruxelles notamment. Ses messages internationalistes, son engagement propalestinien, ses actions d’aide aux migrants, il les réserve à la seconde, tandis que la première n’est nourrie exclusivement qu’au bon grain socio-économique, que le parti distribue généreusement partout. C’est ainsi qu’au cours de la législature écoulée, les parlementaires fédéraux du PTB auront surtout importuné Daniel Bacquelaine (MR) ou Johan Van Overtveldt (N-VA) plutôt que Theo Francken (N-VA). Le PTB communique en silos, séparant précieusement le flux de ses robinets.

Dimanche 24 mars, sur le plateau de C’est pas tous les jours dimanche, c’est Paul Magnette qui, reprenant l’argument de Mischaël Modrikamen, exigeait de Marc Botenga, tête de liste PTB à l’Europe, qu’il « clarifie la positon de son parti sur les frontières ouvertes ». Plus tôt, c’était Richard Miller qui avait accusé le PTB de tolérer le terrorisme islamiste parce qu’il n’avait pas voté certaines des mesures adoptées après les attentats de Paris et de Bruxelles. C’est signe qu’il y a une faiblesse. Donc un tabou.

Le tabou du PP : économie et inégalités

Les populaires, lors de la fondation de leur parti en 2009, n’étaient pas encore populistes. Ils étaient fort libéraux. Aujourd’hui, Mischaël Modrikamen tempête contre le libéralisme globalisé avec ses amis Farage, Salvini et Bannon. Hier, Mischaël Modrikamen coprésidait le Parti populaire avec le fort libéral Rudy Aernoudt. Jadis libéral mais désormais populiste, auparavant europhile mais maintenant eurosceptique, hier porte-parole de ceux qui avaient réussi mais aujourd’hui voix des sans-grades, le PP n’a pourtant guère modifié le fond de son discours sur les questions économiques : il a seulement cessé d’en faire sa ligne principale, gommée par les thématiques migratoires, la gouvernance, l’Europe, voire le climat.

Certes, les onze premières propositions parmi les septante adoptées au congrès du 3 mars 2018 portent sur l’économie. Mais la communication du parti ne les met guère en avant. « Moins de taxes et moins de dépenses publiques inutiles », proclame le programme sur le chemin du « retour à la prospérité ». Les mesures réclamées sous ces intitulés sont pourtant de celles que ceux que les inégalités frappent le plus, ces sans-voix dont le PP se veut la voix, peuvent voir arriver avec circonspection : elles sont réputées accroître bien davantage que réduire ces inégalités. La suppression des droits de succession « injustes et spoliateurs », alors que plus des deux tiers des plus gros patrimoines sont hérités, la réduction de l’impôt des sociétés à 15 % et celle de l’impôt sur le revenu à maximum 35 % pour les plus hauts revenus « libérera ceux qui créent de la richesse ». Celle-ci pourra surtout davantage se concentrer entre les mains de ceux-là.

Quant aux moins gradés des sans-grades, les allocataires sociaux, le Parti populaire souhaite soit les priver d’allocations, lorsqu’ils résident en Belgique depuis moins de deux ans, soit les mettre au travail, surtout quand ils n’en ont pas : au travail jusqu’à 67 ans les pensionnés, « tenant compte de l’espérance de vie qui augmente » ; au travail douze heures par semaine les allocataires sociaux et chômeurs de longue durée, qui « devront rendre des services à la collectivité ». Le bouclier contre l’insécurité culturelle que brandit le PP dresserait ainsi également, mais avec discrétion, un bouclier contre une redistribution qui protège les plus faibles.

C’est ainsi que se trace la symétrie entre le PP et son rival sur le créneau de l’anti-establishment, le PTB. Le parti de Mischaël Modrikamen dit en effet représenter, dans le Hainaut et à Liège, une partie du petit précariat blanc dans lequel celui de Raoul Hedebouw puise beaucoup de sa vigueur. L’un se présente en miroir de l’autre. Le PTB se pose en supersocial et ne promeut son antiracisme que là où (voir Le Vif/L’Express du 4 avril) il ne divise pas son public-cible. Le PP se proclame « le seul pour vous défendre » et n’assume son libéralisme économique très avancé que devant ceux qui prennent la peine de consulter son programme. Lorsque l’un taxe l’autre d’ultralibéralisme, l’autre accuse l’un d’ouvrir toutes les frontières à tous les vents. Un tabou gêne l’un, un autre tabou gêne l’autre. C’est le chiasme contre l’establishment.

Le tabou d’Ecolo : changement choisi et changement subi

Ecolo au coeur du changement, c’est l’histoire du libertaire qui n’ose pas dire qu’il va devoir donner des ordres. Portés par une vague aussi juvénile que populaire, les verts ont beau jeu de se laisser guider par les vents favorables. Mais en ces mobilisations réside une forme de paradoxe, qui est aussi celui d’Ecolo, et dont les dirigeants évitent soigneusement de parler. Les manifestants agissent pour que les politiques agissent, mais les conséquences de ces éventuelles actions politiques sur ceux qui n’ont pas agi sont négligées, voire tues. La première partie du constat, qui impose l’urgence et donc l’action, est explicite, voire criée : il faut prendre des mesures pour limiter les émissions de gaz à effets de serre.

Mais les effets de cette action sont tus : ces mesures concerneront tout le monde, pas seulement les dirigeants qui ne les ont pas encore prises. Il faudra, d’une manière ou de l’autre, limiter notre consommation de carbone, donc manger, bouger, se chauffer, se détendre, vivre autrement. Ce silence, c’est le grand tabou d’Ecolo. Or, personne aujourd’hui ne peut contester que nos modes de vie, nécessairement, vont devoir changer : si des dispositions pour limiter l’augmentation des températures sont prises, notre vie changera. Si des dispositions pour limiter l’augmentation des températures ne sont pas prises, notre vie changera aussi, et probablement encore plus. Présenter le changement comme heureux, laisser croire qu’il ne dépend que de la volonté de quelques-uns, politiques et industriels, et faire comme s’il n’embêtera que quelques dirigeants enfermés dans leurs certitudes carbonées, c’est cacher un morceau du problème et n’exposer qu’un morceau de la solution.

Il y a bien sûr de la tactique dans ce silence, car ils sont rares les électeurs qui votent pour la formation qui promet de leur imposer des changements dont ils ne veulent pas. Mais il y a aussi un impensé, ce qui en fait un authentique tabou, car Ecolo est un parti qui a du mal avec l’autorité. Il est né de l’effervescence libertaires de l’après-Mai 68, et il accorde autant d’importance à la mécanique par laquelle des dispositions sont prises qu’à leur contenu même. Celles-ci doivent être délibérées, coconstruites, codécidées. C’est ainsi, disent les écologistes, que le changement sera le mieux accepté : lorsque sa nécessité et ses modalités seront largement partagées. Lorsque le changement sera choisi et non subi. Les appels à la simplicité volontaire ont, de longue date, accompagné les évolutions de l’écologie politique.

Mais comment généraliser une simplicité nécessaire quand elle n’est pas volontaire ? Ecolo ne le dit pas. Parce qu’il ne veut pas perdre les élections, mais pas seulement : parce qu’il ne l’a jamais pensé. C’est la veine que veulent exploiter, à gauche, ceux qui disent qu’il ne faut pas que les classes populaires soient privées de ce dont les plus aisés pourraient continuer à jouir. C’est aussi la veine que veulent creuser, à droite, ceux qui disent que l’écologie porte en elle la régression comme la nuée porte l’orage. Tout le travail écologiste, pour ce restant de campagne, est d’éviter que cette veine ne s’ouvre toute grande.

Le tabou du PS : l’interrégionale ne sera pas le genre humain

Fût-il désormais écosocialiste, soit-il depuis toujours internationaliste, le PS préfère mener sa barque dans les eaux froides du calcul socio-économique que dans la mer montante du changement climatique ou dans les vagues migratoires : il barbote avec bien plus de fluidité dans un bain de sang social que climatique, identitaire ou même communautaire. Il y a sur ce sujet, une fois n’est pas coutume, accord complet entre Elio Di Rupo et son successeur moyennement désigné Paul Magnette : le PS ne pourra redevenir incontournable au sud du pays qu’en portant des mesures fiscales et sociales frappantes.

Il le fait, à la suite du Chantier des idées (2015?2017), avec une unité assez remarquable, promettant s’il revient au pouvoir là où il n’y est plus, d’introduire un impôt sur la fortune, de globaliser les revenus du travail et du capital pour les imposer plus justement, ou d’individualiser les droits sociaux pour en finir avec le statut de cohabitant, notamment. Pour cela, il faudra, répond-on immanquablement à l’immanquable question sur les coalitions envisagées, composer les majorités « les plus progressistes possibles ».

De fait, ces trois mesures sont au programme du PTB et d’Ecolo, et ne choqueraient pas violemment le CDH ni DéFI. Le problème, et personne n’ose ni le dire, ni même le penser au PS, c’est que, disposerait-il d’une majorité absolue à Bruxelles et en Wallonie, jamais ces trois mesures ne pourraient s’appliquer. Elles dépendent, comme la plupart de celles qui pourraient vraiment compter, du fédéral. Donc d’une coalition avec des Flamands. Or, chez eux, on est tellement à droite que même les verts de Groen ne veulent pas supprimer le statut de cohabitant : au niveau fédéral, la « majorité la plus progressiste possible » comptera donc à peu près nécessairement des libéraux et des chrétiens-démocrates. Autrement dit, là où le PS (re)dominera peut-être après le 26 mai, soit dans les entités fédérées, il ne sera en mesure que de gérer le quotidien, comme il le faisait depuis des décennies, accroché là où il ne dominera pas à son mantra du « sans nous ce serait pire », parce qu’en effet, au fédéral, il ne pourra pas faire mieux. La situation de la Wallonie et Bruxelles, Régions disposant de compétences économiques somme toute marginales et de surcroît privées d’accès à la mer, privées d’un aéroport d’envergure internationale, privées d’assiette fiscale significative, rend en effet soit absurdes, soit impraticables, soit inconstitutionnelles toute grande réforme de gauche.

Ainsi s’énonce le tabou d’un parti parfois gagné de tartarinades renardistes alors que les compétences des Régions et la puissance de la droite flamande lui interdisent toute réforme de structure marquée à gauche. Il sait qu’il ne pourra tout changer qu’à un niveau de pouvoir où personne ne voudra changer quoi que ce soit. Mais il ne le dit pas. Parce qu’il ne veut pas oser y croire.

Le tabou du MR : Pauvreté et inégalités

C’est un angle mort de la pensée libérale depuis son émergence : un libéral est égalitaire par principe. Son égalitarisme est intrinsèque en ce sens que, pour lui, rien ne peut justifier une discrimination fondée sur la naissance ni sur l’origine ni sur le genre. En revanche, les inégalités consécutives à des choix lui sont, elles, non seulement admises en principe, mais souvent souhaitables en pratique. Ainsi, une dame qui choisit de porter un voile islamique peut-elle légitimement être discriminée sur le marché de l’emploi public. Et ainsi, surtout, se voient légitimées les inégalités de revenus et de patrimoine, dès lors qu’elles consacrent des différences de talent, d’ambition ou de courage entre individus.

Voilà pour les principes universels du libéralisme. La pratique réformatrice, en Belgique, en Wallonie et à Bruxelles, en découle logiquement : tout à sa volonté de libérer les producteurs de richesse et tout à la valorisation de son bilan socio-économique, le MR loue la vigueur des créations de jobs, jobs, jobs induites par des mesures libérales de dérégulation de l’économie. « Il faut faire le choix de l’entreprise, de l’indépendant, de la croissance. C’est un changement de paradigme en Wallonie », disait, il y a quelques semaines, le ministre-président wallon, Willy Borsus, à nos confrères du Soir. Ce choix, disent les libéraux, est bénéfique aux plus faibles revenus, puisqu’un salaire les rémunère généralement mieux qu’une allocation, et aux comptes publics, puisqu’un salaire leur rapporte généralement plus qu’une allocation.

Mais si les conséquences de ce choix sont positives pour tous, ses effets sont plus importants pour quelques-uns. Car ce que ne disent pas les libéraux en campagne, c’est que ce choix est aussi et surtout bénéfique aux plus hauts revenus et aux plus hauts patrimoines, puisque ces politiques publiques, en libérant le monde des entreprises, accroissent les moyens de ceux qui les possèdent. Ce qui profite directement aux entreprises ne profite donc qu’indirectement aux petits salaires. Donc, globalement, les revenus des plus gros croissent plus vite que les revenus des plus petits, et la part des revenus du capital dans le revenu national augmente aux dépens de celle des salaires. Ces choix réformateurs, s’ils permettent alors de diminuer la pauvreté absolue – le pouvoir d’achat des plus modestes, c’est un fait, a légèrement augmenté ces dernières années -, ne diminue pas la pauvreté relative, soit l’écart entre les plus riches et les plus pauvres. Il est stable en Belgique lorsqu’on le mesure avec le coefficient de Gini, mais grâce à (ou à cause de) dispositifs que les réformateurs ne portent guère dans leur coeur.

C’est pourquoi le MR préfère, lorsqu’il y est forcé, plutôt discuter de pauvreté que d’inégalités, et toujours avec la même réponse : jobs, jobs, jobs. On lui parle avenir de la sécurité sociale, le MR répond l’emploi. On lui parle pauvreté, le MR répond l’emploi. On lui parle inégalités, le MR répond l’emploi. Quand quelqu’un répond à toutes les questions de la même manière, c’est qu’il cache quelque chose, à soi-même ou aux autres. Quand on cache quelque chose aux autres, on est en campagne. Quand on se le cache, on refoule un tabou.

Le tabou du MR, ce sont les inégalités économiques.

Le tabou de DéFI : l’alter ego de la N-VA

Hic sunt leones. Là, il n’y a que des lions. Depuis sa fondation à l’entame de la décennie soixante jusqu’à nos jours, le FDF puis DéFI se sont dressés en dompteurs de ces Flamands lancés toutes griffes dehors pour poser la patte sur Bruxelles. Le Front démocratique des Francophones, puis, depuis novembre 2015, ce Démocrate Fédéraliste Indépendant rassemblé en un DéFI sont de si féroces opposants au lion flamand qu’ils n’ont été grands que lorsque le fauve l’était, jusqu’aux 63 000 voix d’Olivier Maingain, en 2010, dans un arrondissement de Bruxelles-Hal-Vilvorde (BHV) pas encore scindé. Si bien du reste que jusqu’au début des années 2000, alors que la fédéralisation de l’Etat belge, donc la pacification communautaire du royaume, progressait, les observateurs les plus pointus voyaient le FDF disparaître, « victime de son succès ». Ils voyaient ainsi également disparaître les nationalistes de la Volksunie, et pour les mêmes raisons.

En fait, entre jaunes et noirs et amarantes, il y a quelque chose du prédateur et de sa proie. Et il y a aussi une manière de projet partagé sans le dire : aucun des deux n’est en effet belgicain. Car dans DéFI, il y a « fédéraliste », et dans « fédéraliste », il y a « réforme de l’Etat ». On parie pourtant que beaucoup des électeurs d’Olivier Maingain s’opposent aux velléités flamingantes pour d’autres raisons que celles pour lesquelles Olivier Maingain s’oppose aux velléités flamingantes. C’est le tabou d’Olivier Maingain et des siens. Car Olivier Maingain et les siens sont comme beaucoup de flamingants : ils ne sont peut-être pas indépendantistes mais ils sont fédéralistes. Olivier Maingain veut encore réformer l’Etat belge, les flamingants aussi. Il veut que les entités fédérées, et en particulier la bruxelloise, disposent de compétences mais aussi d’un territoire élargis, les flamingants aussi, sauf pour la Région bruxelloise. Il va falloir le négocier, mais a priori pas avec ceux qui veulent refédéraliser des compétences.

Il n’est pas impossible, la prochaine comme à chaque fois, que fédéralistes francophones et flamands se disputent et s’opposent irrémédiablement à la fin. Mais il est inévitable que les deux, flamingants comme francophonissimes, portent, à un moment donné, une revendication convergente de négociations, quitte à ce qu’elles fussent bouclées par d’autres, comme souvent dans la longue histoire du fédéralisme belge. Au programme de DéFI pour le 26 mai figure d’ailleurs notamment une réforme de la Loi de financement, par laquelle l’impôt sur le revenu serait prélevé selon le lieu de travail plutôt que selon le domicile. Le parti ne le porte pas fort. Les gens qui le rejoignent et ceux qui le soutiennent y pensent peu. DéFI dit ne pas vouloir de réforme de l’Etat maintenant. Mais il en veut une énorme pour 2030. Comme le lion flamand, mais plus tard. C’est que plus le lion flamand montre les dents, plus la gazelle francophone court vite, aussi.

Hic sunt leones, dit DéFI aux électeurs francophones, pointant le doigt au-delà de la frontière linguistique. Do ut des, « donnant-donnant », dit-il plutôt aux lions latinisants dont la puissance fauve dresse le bastion amarante en populaire village d’irréductibles Gaulois.

La tabou du CDH : les deux démocraties, humaniste et chrétienne

La critique est rouillée comme un clou sur une croix, et elle fait encore mal : continuateur honteux du Parti social-chrétien, le Centre démocrate humaniste poursuivrait en tapinois les combats éthiques perdus jadis par son géniteur mort, sur l’avortement, sur l’euthanasie, sur les droits des homosexuels ou sur la consommation de psychotropes. Il serait resté l’austère étriqué sans l’étiquette de l’éthique telle qu’imposée par l’Eglise catholique. Or, si le CDH est bien, aujourd’hui, plus conservateur que la moyenne des autres partis francophones sur ces questions, ses positions, bien plus modérées que jadis celles de son très chrétien aïeul, n’ont plus rien de trop scandaleusement rétrograde. Et elles ne sont surtout plus non plus des critères pour entrer dans un gouvernement, pour en sortir, ou pour impuissanter un roi catholique : ces combats sont de toute façon perdus, l’Eglise n’a plus aujourd’hui l’empire sur les âmes, et elle a perdu son scrupuleux relais politique conservateur en même temps que ces luttes progressistes.

L’héritage, incontestablement, est gênant. Si bien d’ailleurs que de bonne foi les démocrates humanistes se targuent de leur athéisme, voire parfois risiblement d’un bout de parcours dans l’enseignement officiel, pour éviter l’infamante accusation cléricale. « Il fait en cela partie d’une tranche de jeunes politiciens originaires d’horizons plutôt laïques à rejoindre le parti et appelé à y jouer par la suite un rôle important », a-t-on ainsi fait écrire sur la page Wikipedia de Maxime Prévot – issu de l’institut Saint-Berthuin, des FUNDP et de l’UCL, a-t-on, pour compenser ? , fait écrire sur le site Internet du CDH. Mais cet héritage qui semble embarrassant ne l’est que parce qu’il n’est jamais envisagé que sous un aspect, idéologique, en cours de dilapidation.

Il est pourtant bien plus lourd sur un rapport, fonctionnel, à un pilier qui s’est lui-même déchristianisé en se préoccupant toujours moins de ses psaumes et toujours plus de ses intérêts. Le CDH est en effet aujourd’hui autant qu’hier le PSC systématiquement raccord avec les mutualités chrétiennes, l’enseignement confessionnel ou les mouvements de jeunesse catholique. Il l’est avec les mutualités chrétiennes, pas parce qu’elles sont chrétiennes mais parce que ce sont des mutuelles. Il l’est avec l’UCLouvain, pas parce qu’elle est catholique mais parce qu’elle est une université non publique. Il l’est avec les scouts anciennement catholiques, pas parce qu’ils sont anciennement catholiques mais parce qu’ils sont scouts. Parce que le catholicisme politique du PSC a été l’architecte de la Belgique, de son régime consociatif et de sa liberté subsidiée, par lesquels l’Etat finance des associations sectorielles sans trop leur demander de comptes, l’humanisme démocratique du CDH ne pouvait qu’en être le continuateur. La démocratie humaniste, c’est une démocratie chrétienne sans Dieu ni prêtre.

Et sans plus trop de fidèles non plus.

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