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PP, PTB, le retour de la radicalité

François Brabant
François Brabant Journaliste politique au Vif/L'Express

Après avoir abondamment recouru au registre de la provoc’, la gauche marxiste le délaisse aujourd’hui. Au contraire de la droite décomplexée, qui y voit un moyen d’exister, toujours plus.

Depuis que les derniers députés communistes ont déserté la Chambre en 1985 et que le Front national a perdu toute représentation parlementaire en 2010, le champ politique francophone était la chasse gardée d’un quatuor : PS, MR, CDH et Ecolo. Ce match entre quatre formations s’étalant du centre-droit au centre-gauche appartient au passé. Les élections du 25 mai ont consacré l’irruption sur la scène de deux trouble-fêtes : le Parti du travail de Belgique (PTB), à gauche, très à gauche, et le Parti populaire (PP), à droite, très à droite.

Une percée ? Assurément. Un raz-de-marée ? Pas tout à fait. Le PTB a obtenu 8 % des voix en province de Liège, 5 % dans le Hainaut, 4 % à Bruxelles… Le parti marxiste-léniniste décroche au total deux députés fédéraux (les médiatiques Raoul Hedebouw et Marco Van Hees), deux wallons et quatre bruxellois. Fondé en 2009 par l’avocat Mischaël Modrikamen, connu pour avoir défendu les petits actionnaires de Fortis, le PP se contente d’une récolte plus modeste : un siège à la Chambre et un autre au parlement wallon. Au scrutin européen, la formation a recueilli 6 % des suffrages sur l’ensemble de la Belgique francophone. Insuffisant pour faire élire sa tête de liste, Luc Trullemans, ex-présentateur de la météo sur RTL-TVi. N’empêche, avec 79 586 voix, celui-ci se classe en cinquième position au hit-parade de la popularité, tous partis confondus, devançant notamment Gérard Deprez (MR), Claude Rolin (CDH) et Philippe Lamberts (Ecolo).

L’ascension du PTB et du PP, aux programmes radicalement distincts mais au même discours anti-establishment, révèle qu’en période de crise, un nombre croissant de citoyens veulent « autre chose ». Mais quoi ? Au PTB, la défense des services publics, la nationalisation de la sidérurgie ou la revendication d’un impôt sur la fortune ont servi de catalyseurs. Le PP a, quant à lui, séduit une frange de l’opinion publique de plus en plus travaillée par des questions comme la sécurité, l’immigration clandestine ou la compatibilité de l’islam avec les « valeurs » européennes.

Radicalisation des postures

 » Tant au PTB qu’au PP, on observe une volonté de nommer, si pas un ennemi, du moins des catégories considérées comme problématiques, analyse Nicolas Baygert, professeur de communication politique à l’Ihecs. Ce sera les riches, les anciens collabos pour le PTB ; les djihadistes, les sans-papiers pour le PP. » L’émergence de tels argumentaires, incisifs, calibrés, s’insèrent dans un contexte général de radicalisation générale des postures. L’évolution est notable, vu la culture du consensus qui imprègne la Belgique. Mais ce schéma traditionnel est en train d’être chamboulé, remarque Nicolas Baygert.  » Le PS, le MR et la N-VA ont adopté un ton beaucoup plus direct que celui qui prévalait il y a cinq ou dix ans. Cela répond à une forme de lassitude vis-à-vis de la mollesse, du flou. Les citoyens attendent désormais un discours clair, voire caricatural et ultrasimple. »

PP et PTB donnent-ils pour autant dans la provocation ? Pas sûr. Le PTB, qui avait fait campagne en 2010 sur la dénonciation du « cirque politique », a plus ou moins abandonné le langage « tous pourris ».  » Contrairement à d’autres, je ne qualifierais pas le PTB de parti populiste, mais plutôt de parti simpliste, explique Pascal Delwit, politologue à l’ULB. Dans sa com’, le PTB tente de donner à ses options la force de l’évidence, par exemple en s’offusquant que les 60 % des habitants les moins nantis ne concentrent que 10 % des richesses. Le cas du PP est différent. Il tire parti d’une provocation certaine, en adoptant la rhétorique la plus aux frontières de l’acceptable politiquement, voire légalement, pour essayer d’attirer l’attention et de susciter des réflexes de condamnation qui vont faire parler de lui. » Provoc’ ou pas, les partis traditionnels devront s’habituer à composer avec le PP et le PTB. Jusqu’aux prochaines élections, au moins.

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