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Pourquoi le CD&V ne lâche pas la N-VA : « Un nouveau cartel en devenir ? Qui sait ? »

Tex Van berlaer
Tex Van berlaer Collaborateur Knack.be

Le politologue Dave Sinardet (VUB) conteste l’analyse selon laquelle si le CD&V lâche la N-VA, cela équivaut à un harakiri. Il pourrait même être avantageux pour le CD&V que la N-VA et le Vlaams Belang se retrouvent ensemble dans l’opposition.

Le politologue Dave Sinardet s’appuie sur les résultats des élections de 2014 pour argumenter son propos. « À l’époque, le CD&V, encore sous la direction de Wouter Beke, avait remporté un siège. Les démocrates-chrétiens avaient fait partie du gouvernement Di Rupo pendant des années. Un gouvernement formé après que la N-VA avait, après des mois de négociations, été exclue en 2011. Si on le compare avec le résultat de 2019, soit après que le même parti ait participé à un gouvernement avec la N-VA, le parti perd six sièges », déclare Sinardet. Il n’y a donc pas d’analyse empirique qui justifie l’idée que lâcher la N-VA signifie un suicide électoral. Et on ne peut s’empêcher de penser qu’ils sont parvenus à la même conclusion au CD&V.

Comment expliquez-vous que cette idée persiste malgré tout ?

Dave Sinardet : Le pouvoir de l’autosuggestion. Parfois, il suffit de répéter suffisamment une chose pour que l’on commence à y croire. Il y a aussi beaucoup de pression de la part de la N-VA et de la part de certains éditorialistes virulents. Pourtant, il n’est pas encore gravé dans le marbre que la N-VA et le Vlaams Belang obtiennent la majorité absolue en 2024 si on les pousse aujourd’hui dans l’opposition. Car les deux partis vont se retrouver à pêcher dans le même bassin électoral. Si la N-VA se retrouve dans la majorité, elle agira comme un parti au pouvoir responsable et s’adressera de facto à un public différent, par exemple, les électeurs potentiels du CD&V. Ceci n’empêche pas qu’il existe des arguments en faveur d’un accord entre les deux partis.

Lesquels ?

Il existe déjà un gouvernement bourguignon qui est composé de trois partis du côté flamand. La coalition Vivaldi en compte quatre. Dans un gouvernement bourguignon, le CD&V a de fortes chances de fournir le Premier ministre. De plus, dans cette coalition les démocrates-chrétiens pourraient jouer une position centrale entre la N-VA et du PS. Cette position intermédiaire est moins évidente dans une coalition Vivaldi, où ils sont plus susceptibles de se sentir comme une pièce rapportée.

Pourquoi le CD&V ne lâche pas la N-VA :

N’oubliez pas que le CD&V a très mal pris le fait d’être renvoyé dans l’opposition au sein du conseil municipal d’Anvers. Si la coalition bourguignonne- composée de la N-VA, de l’Open VLD et du SP.A – avait obtenu plus de sièges à la région, celle-ci aurait tout à fait pu être dupliquée au niveau du gouvernement flamand. En s’accrochant ainsi à la N-VA, le CD&V espère probablement éviter que de tels scénarios se reproduisent. Et puis n’oublions pas que la N-VA et le CD&V siègent ensemble au sein du gouvernement flamand. Un gouvernement fédéral sans la N-VA pourrait dès lors conduire à une situation très inconfortable.

Selon vous, il pourrait y avoir une autre raison : un renouveau politique. Y a-t-il un nouveau cartel en préparation ?

Qui sait. Beaucoup y pensent en tous cas. La question est la suivante : le CD&V peut-il survivre seul ? Le CD&V est basé sur une idéologie religieuse. Mais cela ne représente presque plus rien sur le plan sociologique. Vous connaissez encore beaucoup de personnes qui laissent leur vote dépendre de leur foi ? Ce qui reste aujourd’hui, c’est un parti qui se divise autour certains sujets de société plus récents, comme la migration. Néanmoins personne ne sait si le parti est capable de fondamentalement se renouveler. En fait, c’est le même débat depuis vingt ans sans que rien ne change vraiment.

L’alliance de Nouvel An

Selon De Standaard, après des années de chamailleries qui ont sérieusement plombé le gouvernement fédéral précédent, le CD&V et la N-VA sont soudainement redevenus les meilleurs amis. Ce ne serait pas une coïncidence, puisqu’à l’approche du Nouvel An, leurs présidents ont renouvelé leur alliance. On doit ce rapprochement aux résultats désastreux des élections qui a vu Peeters et Beke disparaître du devant de la scène et laisser la place à Hilde Crevits. Celle-ci a toujours eu des relations nettement plus courtoises avec Bart De Wever. De même son nouveau président, Joachim Coens, contrairement à Sammy Mahdi, son concurrent à l’élection présidentielle, n’a lui non plus jamais caché ses bonnes relations avec la N-VA. La lutte présidentielle de CD&V va donc avoir une influence sur la poursuite des négociations gouvernementales.

C’est en tant que nouveau président du CD&V, qu’il va avoir une conversation personnelle avec De Wever juste après le Nouvel An. Le contexte est tendu en ce début 2020, puisque le gouvernement flamand était mis sous pression en raison du tollé provoqué par le ministre-président Jan Jambon (N-VA). Celui-ci avait affirmé que les demandeurs d’asile pouvaient acheter une maison avec leurs allocations familiales. La crise gronde, car Gwendolyn Rutten, présidente de l’Open VLD, va réagir vivement ce qui va fortement déplaire à ses partenaires de coalition. La réaction de l’Open VLD va surtout avoir pour effet de resserrer les liens entre les deux hommes lors de cette fameuse conversation entre les deux présidents de partis. L’effet sera même immédiat.

Au CD&V, on invite ainsi les députés à garder un profil bas et à ne pas exercer de pression inutile sur les relations avec la N-VA et on ferme la porte à toutes négociations sur un éventuel arc-en-ciel. Et cette porte est restée fermée depuis. Ainsi, alors que son co-informateur Georges-Louis Bouchez (MR) tente de faire passer la coalition Vivaldi (sans la N-VA), Coens a lentement réussi son travail de sape, avec pour résultat que les informateurs doivent encore vérifier cette piste une semaine de plus. Les chances que la tentative de Coens mène quelque part semblent, pour l’instant, faibles, précise encore le quotidien. Mais à l’Open VLD, on commence tout de même à avoir quelques sueurs froides à l’idée que, dans un scénario bourguignon, ils seront presque certainement éjectés du jeu.

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