Seppe Verheyen
Pourquoi la N-VA est le parti le plus durement touché par le décès de Dehaene
Selon le politologue Seppe Verheyen (spécialiste de l’électeur indécis), la faiblesse de la base électorale fidèle de la N-VA combinée au fait que le parti nationaliste flamand a pris la majorité de ses voix au CD&V peut entraîner une perte de voix pour la N-VA avec la disparition de Jean-Luc Dehaene.
Ces derniers jours, on peut lire de nombreux articles sur l’effet du décès de Jean-Luc Dehaene sur les campagnes des partis politiques. Soit les auteurs estiment que le CD&V sera boosté par l’effet Dehaene soit que la N-VA tirera avantage de « l’adoucissement » de la campagne. En tant que politologue spécialisé en campagnes électorales et électeurs indécis, je suis convaincu de la première thèse.
Plusieurs études belges et internationales révèlent en effet que:
• 30 à 35% de l’électorat ne prend une décision de vote que la dernière semaine avant les élections.
• Pour un peu plus de 50% de l’électorat qui change de parti, le choix de parti précédent reste le second parti préféré. En d’autres termes, dans cinquante pour cent des cas, d’anciens électeurs du CD&V passés à la N-VA, indiquent le CD&V comme second parti.
• Ces dernières années, la N-VA a persuadé de nombreux électeurs au CD&V, ce qui ne signifie pas que tous ces électeurs soient fortement axés sur le nationalisme flamand. De nombreux électeurs peuvent toujours s’identifier au CD&V mais ont décidé pour une raison (réfléchie) de donner leur voix à la N-VA. Pour ces électeurs, le CD&V fait partie des possibilités.
• Comme la N-VA s’est très fort développée ces dernières années, son nombre de voix se rapproche très fort du potentiel maximum. Pour l’instant, la base électorale fidèle de la N-VA est plus faible que la base d’autres partis.
• Cette faiblesse et le fait que le parti nationaliste flamand ait pris la majorité de ses voix au CD&V peut entraîner une perte de voix pour la N-VA due à l’effet Dehaene.
L’effet dépend de plusieurs facteurs
1. L’effet des médias: les médias donneront davantage la parole aux ténors du CD&V, pas uniquement à propos de la campagne, mais également au sujet de Jean-Luc Dehaene. En outre, le parti mettra en avant les aspects « Quid N-VA » et « Jean-Luc, le constructeur de ponts » alors que l’évocation des aspects plus négatifs de la politique de Jean-Luc sera considérée comme un sacrilège.
2. Effet du dernier hommage et desfunérailles: de nombreuses personnes souhaiteront rendre un dernier hommage à l’ancien premier ministre et suivre les funérailles d’état à la télévision. Cela augmentera l’appréciation à l’égard du CD&V. De plus, les valeurs chrétiennes du CD&V, toujours partagées par de nombreux Flamands, seront mises davantage en avant que si Dehaene n’était pas décédé.
3. L’effet de sondages: ceux-ci, où la N-VA augmente ou se maintient, ont été réalisés avant le décès de Dehaene. Le CD&V pourrait bénéficier de voix de sympathie, l’électeur pourrait raisonner que la N-VA n’a pas besoin de sa voix pour remporter les élections.
4. La campagne du CD&V et de la N-VA : le CD&V poursuivra une campagne sereine dans laquelle les références à « Jean-Luc » ne seront jamais loin. Pour la N-VA, il s’agit donc de ramener leur agenda, éloigné du décès de Jean-Luc Dehaene, sur le devant de la scène. Celui-ci déterminera s’ils peuvent maîtriser le nombre de voix qu’ils perdront au CD&V.
Quelle est l’ampleur de l’effet?
On ignore encore la part exacte de l’effet Dehaene et même après les élections celui-ci sera difficile à prouver, car l’électeur ne réalise pas toujours rationnellement ce qui l’a décidé à porter son choix sur tel ou tel parti.
Cependant, à moins d’autres événements inattendus, l’image positive de Jean-Luc Dehaene et la réactivation des sympathisants du CD&V passés à la N-VA ne peuvent que se révéler bénéfiques pour les résultats électoraux du CD&V.
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