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Pour De Wever, dans le décès de Mawda, il faut « prendre en compte la responsabilité des parents »

Muriel Lefevre

Les parents de Mawda, la fillette de deux ans tuée voici une semaine par balle alors qu’elle se trouvait dans une camionnette transportant des migrants kurdes, peuvent rester, pour l’instant, en Belgique. Mais pour Bart De Wever on ne doit pas perdre de vue la responsabilité des parents.

Des excuses et des promesses. C’est ce qu’on a entendu à la première réunion de la Chambre après la mort de la petite Mawda. « Le ministère public est conscient d’avoir diffusé trop rapidement la première information. Je tiens, en tant que ministre de la Justice, à présenter mes excuses », a déclaré Koen Geens (CD&V), le ministre de la Justice. Le parquet de Mons avait en effet d’abord indiqué que la fillette n’était pas morte des suites du coup de feu tiré par un policier qui poursuivait la camionnette où se trouvaient Mawda et sa famille, avant d’annoncer le contraire. « L’objectif n’a jamais été de cacher la moindre information », a-t-il ajouté sans convaincre le député pour qui « il y a une volonté de manipuler l’enquête ». « La preuve en est que le ministère public a requis une autopsie et un juge d’instruction pour l’affaire ».

Le corps de Mawda a été rendu à la famille. Les parents pourront nommer leur propre expert.

Pas de quoi apaiser les parlementaires. Plusieurs partis d’opposition ont demandé au gouvernement d’entreprendre une démarche vis-à-vis de la famille de la fillette. « Allez-vous régulariser cette famille pour leur permettre de rester sur la terre où leur petite fille est enterrée?  » a dit Julie Fernandez-Fernandez (PS) qui a exhorté le secrétaire d’État à utiliser son pouvoir discrétionnaire. « C’est le minimum que l’on puisse faire pour cette famille », estime de son côté Isabelle Poncelet (cdH). Ils n’auront droit qu’à une réponse laconique du secrétaire d’État.

Francken ne dit mot d’une régularisation des parents

Le secrétaire d’État à l’Asile, Theo Francken, n’a en effet pas dit mot jeudi à la Chambre sur une éventuelle régularisation définitive des parents de Mawda comme le réclament plusieurs partis d’opposition. A ce jour, les parents n’ont pas introduit de demande de séjour, a-t-il constaté. Quant aux ordres de quitter le territoire signifiés aux parents, ils ne seront pas mis en oeuvre tout de suite. Tant que l’enquête durera, le gouvernement ne « mènera pas de politique de retour active » à leur égard, a-t-il précisé. « Vous n’avez pas de conscience politique », lui a lancé Mme Fernandez-Fernandez.

« Il faut une enquête sérieuse et indépendante »

Jeudi dans la journée La Ligue des droits de l’Homme avait elle aussi exigé que le décès de la petite Mawda devait faire l’objet d’une « enquête sérieuse et indépendante » pour, « comme l’a promis le Premier ministre, faire la lumière sur la succession d’événements qui ont abouti à ce drame. « L’attitude des autorités vis-à-vis des parents et du frère de la petite Mawda est inhumaine et indigne », estime la Ligue.

La maman de la fillette a notamment témoigné qu’elle n’avait pas été autorisée à accompagner sa fille blessée à l’hôpital. Elle a été menottée et enfermée pendant 24 heures avec son fils, mais séparée de son mari, souligne la Ligue. Un ordre de quitter le territoire a ensuite été délivré à la famille, ce qui « ajoute de l’indécence à une situation déjà dramatique. Il est inadmissible que cette famille qui vit la tragédie de la perte d’un enfant soit traitée avec si peu d’égard et un manque consternant d’humanité qui s’apparente à un traitement inhumain et dégradant ». L’association réclame dès lors une enquête indépendante pour répondre aux nombreuses questions posées par ce drame. Trois interrogations la laissent particulièrement « dubitative ». Tout d’abord, l’usage d’une arme à feu était-il légitime? Ensuite, pourquoi une enquête pour faire le tri entre trafiquants et migrants n’a-t-elle pas été réalisée et pourquoi certains migrants ont-ils été relâchés avant le début de l’enquête? Enfin, comment envisager le renvoi des parents avant la clôture de l’enquête? La Ligue affirme que ce drame est « le résultat, probablement involontaire mais en réalité prévisible, d’une politique migratoire qui envisage le migrant (…) comme un criminel ». Seule l’instauration de « voies d’accès sûres et légales pour les migrants » permettra de mettre hors d’état de nuire les trafiquants d’êtres humains, insiste-t-elle.

Des sources bien informées ont déclaré au Standaard que la famille Mawda avait été arrêtée à deux reprises au cours des deux dernières semaines. Ils ont d’abord été trouvés dans un camion à Turnhout où ils ont reçu un premier ordre de quitter le pays. Quelques jours plus tard, ils auraient été interceptés à Furnes, cette fois. Lors de sa dernière tentative, la famille s’était cachée dans une camionnette réfrigérée. Tous étaient en état d’hypothermie. Lors des deux précédents incidents, la famille a reçu un ordre de quitter le territoire dans les cinq jours. Ils sont dans un premier temps retournés au camp de réfugiés de Dunkerque en France avant de retenter de passer en Angleterre en passant par la Belgique avec les conséquences fatales que l’on sait.

Bart De Wever : « ces parents ne sont pas seulement des victimes »

Le président de N-VA, Bart De Wever a lui aussi réagi. « Ce qui est arrivé à ces gens est horrible. Mais ces parents ne sont pas seulement des victimes ici. Il y a une histoire derrière ce drame. Ils ont déjà été expulsés d’Allemagne et d’Angleterre. Et ici, ils ont été sortis d’un camion réfrigéré. Aussi tragique que soit la mort de cet enfant, vous devez aussi oser prendre en compte la responsabilité des parents. Pour la Ligue des droits de l’homme De Wever cherche des excuses, parce que c’est et cela reste la police qui a appuyé sur la gâchette. « Le fait que les parents aient opté pour une solution aussi extrême prouve seulement à quel point ils étaient désespérés. »

Les réactions politiques n’ont pas manqué.

« Dégoûtant », a lancé Raoul Hedebouw (PTB). « La seule chose dont on peut les accuser c’est d’avoir cherché quelque chose de meilleur pour leurs enfants, quelque chose d’autre que la guerre. Inimaginable sans doute quand on a son petit confort en Belgique. Aujourd’hui, ils ont perdu leur petite Mawda. Et ça mérite un minimum de respect et d’empathie », a indiqué la cheffe de groupe cdH à la Chambre Catherine Fonck. Pour Kristof Calvo (Ecolo-Groen), « la réaction de De Wever est la plus inhumaine jamais exprimée en politique belge ». Au sein de la majorité, la présidente de l’Open Vld Gwendolyn Rutten a appelé à la retenue. « Pouvons-nous, au-delà des frontières qui séparent les partis politiques, réagir avec humanité, certainement lorsqu’il s’agit de drames humains? », a-t-elle demandé

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