« Une situation exceptionnelle »: pourquoi Rachid Madrane est l’homme politique le mieux rémunéré du pays

Elise Legrand
Elise Legrand Journaliste

Avec 243.275 euros brut gagnés en 2022, le président du Parlement bruxellois, Rachid Madrane (PS), est le mandataire politique le mieux payé de Belgique. Il détrône le Premier ministre Alexander De Croo (Open VLD), qui a revu à la baisse les indemnités des ministres de la Vivaldi. Aucun accord sur de telles mesures d’économie n’a été trouvé en Région bruxelloise.

Combien gagnent nos élus ? La rémunération des parlementaires, et plus largement celle des mandataires politiques, a toujours fasciné l’opinion publique. En 2022, contrairement aux idées reçues, ce n’est pas le Premier ministre Alexander De Croo (Open VLD) qui a remporté la palme du « meilleur salaire de la classe politique belge », mais bien Rachid Madrane (PS), le président du Parlement bruxellois. Avec 243.275 euros brut gagnés en 2022, le socialiste est ainsi le mandataire politique le mieux rémunéré du pays, révèlent nos confrères de Het Laatste Nieuws. Un trophée dont se serait bien passé le président, à l’heure où l’inflation galopante et la flambée des prix de l’énergie plongent de nombreux citoyens dans la précarité.

« Je n’ai ni choisi ma fonction, ni mon indemnité qui est fixée par la loi », se justifie d’emblée Rachid Madrane, qui cumule des rémunérations pour son statut de parlementaire ainsi que pour ses fonctions spéciales de président régional et de président de l’ARCC (assemblée réunie de la commission communautaire commune). « Rappelons également que ce montant est une somme brute, de laquelle il faut retirer la rétrocession au parti et les impôts », insiste le socialiste, qui évalue sa rémunération nette mensuelle à « un peu moins de 10.000€ ». « En plus, au Parlement bruxellois, on déclare absolument tous nos frais, même la plus petite facture téléphonique, ce qui n’est pas forcément le cas des autres assemblées. »

« Ce montant est une somme brute, de laquelle il faut retirer la rétrocession au parti et les impôts. »

« Sobriété politique »

Cela étant, avec son salaire à six chiffres, Rachid Madrane gagne 3.000€ de plus que le Premier ministre, et même 17.000€ de plus que son homologue du fédéral, Eliane Tillieux (PS). La présidente de la Chambre a ainsi perçu un salaire annuel brut de 226.452€ en 2022. Alors comment expliquer que le président d’un parlement régional gagne davantage que les deux figures de proue du fédéral ?

L’explication réside dans les mesures d’économie décrétées par la Vivaldi fin 2022. Alexander De Croo a décidé de réduire de 8% les indemnités de ses ministres, par souci de « sobriété politique ». De son côté, la Présidente de la Chambre a elle aussi vu ses indemnités de représentation amputées de 20%. Du côté du Parlement bruxellois, par contre, aucun accord n’a pu être dégagé sur la question des indemnités des parlementaires, et l’indexation automatique a fait grimper en flèche leur rémunération.

Ce débat épineux a pourtant été évoqué à moult reprises au sein de l’hémicycle bruxellois. « Il y a eu des discussions en bureau élargi, ainsi qu’en commission du budget et du compte du Parlement, confirme Rachid Madrane. Mais aucun n’accord n’a pu être trouvé pour des raisons techniques qui tiennent en réalité aux équilibres linguistiques entre francophones et néerlandophones. La situation du Parlement bruxellois est complexe, et il faut tenir compte de ces équilibres subtils dans nos prises de décision. »

« Une déconnexion totale »

Cet accord avorté fâche grandement les écologistes. « Ce n’est pourtant pas faute de l’avoir demandé, tonne le chef de groupe, John Pitseys. Nous avons plaidé pour une diminution de 8% du traitement des parlementaires. Mais nous avons été les seuls, avec Agora (mouvement politique citoyen, NdlR), à faire cette demande. Personne ne nous a suivis. » Si le député Ecolo reconnaît que les parlementaires doivent être payés de manière « honorable » compte tenu des responsabilités qu’ils exercent et de la pression inhérente à leur fonction, il juge incompréhensible de conserver « tout ce qui s’apparente à des traitements de faveur ». « C’est un mauvais signal envoyé aux citoyens que de donner l’impression que des parlementaires disposent de privilèges », regrette John Pitseys, qui plaide avec son parti pour la fiscalisation de l’indemnité des frais forfaitaires (2.500€ par mois) et pour une limitation des indemnités de sortie.

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Pour le PTB, la rémunération de Rachid Madrane est le signe d’une « déconnexion totale » avec les citoyens. « Alors que plus d’un Bruxellois sur deux a du mal à boucler ses fins de mois, on apprend qu’on a le politicien le mieux payé du pays, alors qu’on a déjà les cabinets qui disposent du plus grand nombre de membres, s’indigne Françoise De Smedt, cheffe de groupe PTB. C’est hallucinant ! »
La députée communiste reconnaît ne pas avoir soutenu la proposition portée par John Pitseys et les écologistes. « Pour nous, ce n’était pas suffisant. Comme dans toutes les assemblées du pays, nous plaidons pour diminuer de moitié les indemnités des députés, afin que leur statut se rapproche le plus possible de celui de tous les travailleurs », insiste Françoise De Smedt, qui désire également supprimer les compléments d’indemnités octroyés aux mandataires qui exercent des fonctions spéciales. « Mais on ne sent pas beaucoup d’ouverture de la part des autres partis sur ces questions », déplore l’élue bruxelloise, pour qui les débats sur les réductions des indemnités devraient s’exercer publiquement, et non pas à huis clos comme c’est le cas lors des séances du bureau élargi du Parlement bruxellois.

Un euro symbolique

De son côté, Rachid Madrane dit « être ouvert à toutes les discussions sur les indemnités » bien qu’aucun accord n’ait pu être conclu : « Si j’enlève ma casquette de président du Parlement, à titre personnel, je plaide pour une harmonisation des statuts entre toutes les assemblées du pays ». Le socialiste tient touefois à respecter un principe symbolique, à savoir que les présidents d’assemblées gagnent un euro de plus que les chefs de l’exécutif. « C’est logique, car c’est le pouvoir législatif qui contrôle l’exécutif, et non l’inverse. Mais que l’on soit bien clairs : ce différentiel de 1€ me suffit. »

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