Photo du "Sauvage" de la Ducasse d'Ath. (Photo by Kenzo TRIBOUILLARD / AFP)

La Ducasse d’Ath retirée de la liste du Patrimoine culturel immatériel de l’Unesco

Cette décision de retrait de la Ducasse d’Ath est liée à la présence du « Sauvage » au sein du cortège de la ducasse d’Ath jugé raciste.

Surprise belge à l’occasion de la 17e session du Comité intergouvernemental de sauvegarde du patrimoine culturel immatériel de l’Unesco à Rabat au Maroc: l’Unesco a annoncé retirer la Ducasse d’Ath du patrimoine culturel immatériel de l’humanité.

Selon nos confrères de la RTBF et de l’Avenir, la Belgique s’est aussi positionnée en faveur du retrait de la Ducasse d’Ath de cette liste. La décision a été prise à l’unanimité. La Belgique a été applaudie par les différents pays membres.

Décision surprise

Cette décision est une surprise car il avait été prévu que l’Unesco prenne une année supplémentaire avant de trancher en novembre ou décembre 2023. Elle est liée à la présence du « Sauvage » au sein du cortège de la ducasse d’Ath, un homme teinté de noir jugé raciste. Lors de la dernière ducasse, en août dernier, un geste avait déjà été fait. Présent sur le char des Napolitains, le « Sauvage » était apparu sans ses attributs, un anneau dans le nez et des chaines à ses poignets. Sur le perron de l’hôtel de Ville, encadré par une haie de porteurs des géants, le « Sauvage » avait symboliquement remis ces divers objets aux autorités communales. Cela n’a visiblement pas suffi. 

En 2005, la ducasse d’Ath a été classée par l’Unesco chef-d’œuvre au patrimoine oral et immatériel de l’humanité. L’organisation « Bruxelles Panthères » avait envoyé un premier courrier à l’Unesco en 2019 afin de dénoncer l’existence du « Sauvage », qui a intégré la ducasse en 1873.

Bruxelles Panthères satisfait mais aussi triste de la décision de l’Unesco

Mouhad Reghif, porte-parole du collectif Bruxelles Panthères, s’est dit à la fois satisfait du retrait de la Ducasse d’Ath de la liste du patrimoine culturel immatériel de l’humanité de l’Unesco, mais également triste et amer. Ce collectif avait dénoncé en 2019 auprès de l’organisation onusienne la présence du « Sauvage » lors de cet événement.

« La première réaction est de la satisfaction car une autorité, une institution prestigieuse, nous donne raison sur toute la ligne (…), ce qui légitime notre travail », pointe auprès de Belga M. Reghif. « On est contents d’avoir eu raison et que (l’Unesco) exclue le racisme » des initiatives culturelles qu’elle promeut. « Mais on ressent aussi de la tristesse, car la Belgique est humiliée internationalement et cela ne résout pas le problème de négrophobie et de racisme dans notre pays », poursuit le porte-parole de Bruxelles Panthères.

Il craint également que le retrait de la reconnaissance de l’Unesco n’aboutisse pas à l’abandon du personnage du « Sauvage ». En effet, sur les réseaux sociaux, certaines personnes se réjouissent de ce retrait, expliquant que, désormais, elles pourront vivre comme elles l’entendent ce qu’elles considèrent comme du folklore.

Pour M. Reghif, la victoire n’est cependant pas que symbolique. « C’est une exclusion grave et c’est la deuxième fois qu’un élément belge est enlevé (de la liste du patrimoine culturel immatériel de l’humanité de l’Unesco, NDLR), après le carnaval d’Alost », souligne-t-il. « C’est une victoire politique. »

Mais le porte-parole du collectif regrette qu’après le retrait du carnaval d’Alost en 2019 – en raison de « répétitions récurrentes de représentations racistes et antisémites » –  et sa dénonciation du caractère raciste du « Sauvage » à Ath, « on n’ait pas avancé ». Il déplore également un « silence politique » sur la question.

« On pourra parler de victoire lorsque le ‘Sauvage’ n’existera plus comme il est » (Unia)

« Ce sera une victoire quand le personnage du ‘Sauvage’ n’existera plus comme il est. Mais, si lors des cinq ou dix prochaines années, il reste comme tel, on n’aura rien gagné », a réagi vendredi soir auprès de Belga le directeur d’Unia, Patrick Charlier, après la décision de l’Unesco de retirer la Ducasse d’Ath de sa liste du patrimoine culturel immatériel.

   « Ce personnage pose réellement problème », juge M. Charlier. Néanmoins, la décision de l’Unesco l’étonne tout de même « car nous sommes en contact avec les autorités communales et nous avions l’impression qu’elles avaient manifestement la volonté de faire évoluer ce personnage », explique le directeur d’Unia. Ce dernier pensait dès lors que l’organisation onusienne placerait plutôt la Ducasse d’Ath sous surveillance, faisant pression sur les autorités et les forçant peut-être à modifier ce que d’aucuns considèrent comme du folklore.

   Patrick Charlier craint que la décision de l’Unesco ne braque les autorités communales, même si, dans une première réaction auprès de Belga, le bourgmestre d’Ath Bruno Lefebvre a confirmé que la « réflexion doit se poursuivre ». Ath a mis sur pied, en novembre dernier, une commission citoyenne du folklore pour décider du sort du « Sauvage », c’est-à-dire son maintien tel quel, son retrait ou l’arrêt de son grimage.

   À la question de savoir si le retrait de la reconnaissance de l’Unesco pouvait constituer une victoire pour la lutte antiraciste, Patrick Charlier juge que la vraie victoire serait que « le personnage n’existe plus comme il est ». Le directeur d’Unia renvoie dès lors à la prochaine édition, en 2023, pour juger d’une éventuelle évolution de la Ducasse d’Ath.

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