Querelle de nomination chez Belexpo: Philippe Delusinne est-il flamand?

Nicolas De Decker
Nicolas De Decker Journaliste au Vif

L’ancien patron de RTL Belgique Philippe Delusinne espère être désigné pour diriger le pavillon belge de la prochaine exposition universelle. Il a remporté les épreuves de sélection, est né et habite en Flandre, mais le CD&V bloque sa désignation : il a introduit sa demande en français…

Typique/plat pays qui est le nôtre: il y a plus de six mois que ça dure, et il n’est pas exclu que cette querelle sur le sexe linguistique des commissaires ne se termine pas avant la fin de l’été…

En septembre dernier, le ministre fédéral de l’Economie et du Travail Pierre-Yves Dermagne lançait la procédure de recrutement d’un nouveau commissaire général de Belexpo, la société publique chargée de préparer et de coordonner la participation de la Belgique aux expositions universelles. La prochaine se tiendra à Osaka, au Japon, en 2025.  

Nos collègues de L’Echo l’avaient révélé en février : sur dix postulants, les deux candidats retenus par le comité de sélection étaient Philippe Delusinne et Pieter De Crem.

Le premier, réputé proche du PS, fut pendant vingt ans patron de RTL Belgique, et préside aujourd’hui notamment le conseil d’administration de La Monnaie. Le second, ancien poids lourd du CD&V et de la politique fédérale, n’est aujourd’hui plus que bourgmestre d’Aalter, la commune qu’il dirige depuis 1995.

On apprend aujourd’hui qu’un deuxième jury, composé de représentants de toutes les entités fédérées du pays, a ensuite départagé les deux heureux lauréats, et c’est alors Philippe Delusinne qui s’est le plus avantageusement distingué.

On était en octobre 2022, mais depuis, le Commissariat général belge pour les Expositions internationales est toujours désespérément inoccupé.

Pourquoi ? Les règles imposent une alternance linguistique à ce poste.

Et l’ancien commissaire général, qui avait été démis de ses fonctions suite à une série de polémiques, était francophone. Son successeur, nécessairement, devait se trouver être un flamand. C’est pourquoi, au gouvernement fédéral – et en Flandre –, les partis flamands, en fait exclusivement le CD&V, estiment que c’est à Pieter De Crem que doit échoir le commissariat général.

Le problème, de ce point de vue, c’est que Philippe Delusinne est né en Flandre, à Renaix, qu’il parle aussi spontanément le néerlandais que le français, et qu’il vit (et vote) en Flandre, tout autant que Pieter De Crem. Les seules différences, sur ce registre, entre les deux postulants, est que Philippe Delusinne a répondu en français à l’appel à candidatures publié au Moniteur belge, et que son dernier diplôme obtenu était émis par une université francophone. Mais cet appel, qui réclamait que les candidats soient parfaits trilingues, ne spécifiait pas qu’il n’était ouvert qu’au rôle néerlandophone, sans quoi Philippe Delusinne aurait probablement introduit sa candidature en néerlandais…

Cet énième conflit linguistique sur fond de fluidité de genre devra être tranché devant le Conseil des ministres, et, surtout, avant ça entre partenaires de la majorité, avant la fin de l’été, sous peine de compromettre la préparation d’Osaka 2025. Mais le CD&V, dit-on partout ailleurs, en fait une question de principe.
Une autre nomination en latence elle aussi depuis des mois, a de quoi inspirer les jurisconsultes, autant que les présidents de partis et vice-Premiers qui, là aussi, vont un jour devoir trancher. A l’Autorité belge de la concurrence, trois appels à candidature ont été nécessaires pour dénicher le candidat susceptible de la présider, alors que le président sortant demande depuis plusieurs années à prendre sa retraite. Le candidat sorti premier du troisième appel à candidature, le Bruxellois Axel Desmedt, y a participé comme francophone, car le poste est censé échoir à un lauréat du Sud du pays.

Mais il a siégé à l’Institut belge des Postes et télécommunications sur le rôle flamand, et a été diplômé d’une université néerlandophone. Le MR en particulier a, invoquant cet argument, bloqué sa désignation il y a plus d’un an.

Peut-être qu’un de ces conciles dont les Belges ont le si patriotique secret, avec des ministres et des présidents de partis comme cardinaux, mettra les deux cas simultanément en dispute. La fumée qui en sortira ne sera pas blanche. Elle ne sera pas noire non plus. Elle sera si grise qu’un canal s’est pendu.   

Vous avez repéré une erreur ou disposez de plus d’infos? Signalez-le ici

Contenu partenaire