Frank Vandenbroucke © Belga

Patience, les moyens arrivent : Frank Vandenbroucke veut rassurer le personnel soignant

Benjamin Hermann
Benjamin Hermann Journaliste au Vif

Augmentation de la prime de fin d’année, jours de congé, argent pour les infirmières spécialisées : le ministre fédéral de la Santé, Frank Vandenbroucke (Vooruit), annonce de nouveaux investissements pour le personnel soignant qui relève du fédéral. Et qui en a grandement besoin. Mais ce ne sera pas encore suffisant, concède-t-il.

La situation est connue : le personnel de soins de santé pâtit d’un manque de moyens et d’attractivité de la profession, particulièrement mis en lumière dans le contexte de la crise sanitaire. Le politique a beau annoncer depuis 2020 de substantielles augmentations de moyens alloués au secteur, les améliorations peinent souvent à se faire sentir sur le terrain.

« Est-ce beaucoup ? Oui. Est-ce assez ? Certainement pas », commente Franck Vandenbroucke (Vooruit), ministre fédéral de la Santé, qui a fait le point ce mercredi lors d’une conférence de presse sur l’augmentation des investissements et les nouvelles enveloppes promises aux intéressés. Et si les effets de ces mesures peinent à se faire sentir, c’est qu’il aura fallu s’armer de patience entre les prises de décision et leur concrétisation dans le portefeuille des soignants.

La piqûre de rappel de Frank Vandenbroucke

Quelques piqûres de rappel délivrées par le ministre, tout d’abord. La Vivaldi  a choisi en début de législature de relever de 1,5 à 2,5% la norme de croissance encadrant les dépenses dans les soins de santé fédéraux. Rappelons aussi l’approbation du Fonds Blouses blanches, axé sur les conditions de travail et la formation, pour 402 millions d’euros. Au total, assure-t-il, 6,1 milliards d’euros supplémentaires auront été investis dans les soins en 2022, par rapport à 2019. Il s’agit d’une croissance de 23,1%, qui doit être ramenée à 7% si l’on tient compte de la hausse des prix.

Un des gros morceaux se retrouve aussi dans l’accord social conclu en 2020, représentant 600 millions d’euros, et qui entre désormais pleinement en vigueur, comme l’indique Frank Vandenbroucke. Quelque 500 millions d’euros de cet accord sont consacrés à l’amélioration des salaires du personnel de soins de santé relevant du fédéral (hôpitaux, maisons médicales, soins à domicile, etc.) et ayant décidé d’entrer dans le modèle de fonctions baptisé « IFIC ». Il s’agit, pour résumer, d’une nouvelle classification qui permet de rémunérer non plus sur base du diplôme, mais en fonction des tâches accomplies.

Le modèle salarial IFIC est entré en vigueur dans le secteur privé au 1er juillet 2021. Il est en cours de déploiement dans le secteur public, où les négociations pour sa mises en place ont pris davantage de temps, mais avec un effet rétroactif au 1er juillet 2021. Concrètement, selon plusieurs exemples fournis par le ministre, cela signifie qu’un aide-soignant bénéficie d’une hausse de salaire de 8% en début de carrière ou encire qu’un infirmier A2 sans qualification professionnelle bénéficie de 15% supplémentaires, moyennant 5 ans d’ancienneté.

Nouveauté: augmentation de la prime de fin d’année

Ces investissements-là étaient déjà connus, mais quelques nouveautés viennent s’y ajouter.

Ainsi, un accord est intervenu la semaine dernière entre partenaires sociaux sur les 100 millions d’euros restants de l’accord social. Ces éléments seront formalisés et officialisés dans les prochaines semaines, promet le ministre. Et – précision importante – ces nouveautés s’appliquent tant au personnel ayant souscrit au modèle IFIC qu’à celui encore rémunéré selon les anciens barèmes. Tout le monde est concerné, « du personnel de cuisine aux infirmières spécialisées ».

Une part de ces 100 millions sera dès lors affectée à une augmentation de la prime de fin d’année (secteur privé) ou de la prime d’attractivité (secteur public) pour tout le personnel fédéral des soins de santé. Cette prime s’élèvera à 400 euros bruts pour un temps-plein (200 euros pour un mi-temps, etc.) et sera attribuée aux personnes qui travaillaient déjà au 1er septembre de l’année précédente. Cette prime annuelle sera versée pour la première fois en décembre 2022.

Dans l’enveloppe de 100 millions viennent encore s’ajouter deux éléments. Un renforcement des services de ressources humaines, dans une perspective d’accroissement du bien-être, et l’instauration de deux jours de congé pour raisons impérieuses, avec maintien du salaire. Ces deux jours ne peuvent être pris consécutivement et peuvent tomber à point nommé, par exemple, en cas de maladie ou d’accident d’un proche.

Autre nouveauté: 45 millions pour les infirmières spécialisées

Frank Vandenbroucke a annoncé ce mercredi une autre nouvelle mesure, à savoir une enveloppe de 45 millions supplémentaire pour les infirmières spécialisées rentrées dans le modèle IFIC. Ce dernier ne valorisait pas suffisamment leur spécialisation, ce qui apparaissait commune anomalie, alors que les services de soins intensifs par exemple ont particulièrement été mis à l’épreuve durant la crise sanitaire. L’enveloppe doit être confirmée par le conseil des ministres de vendredi prochain.

Ces 45 millions permettront de valoriser les spécialisations à partir de 2023 et viennent en quelque sorte s’ajouter aux 500 millions de l’accord social alloués aux salaires. Dans les faits, ce complément se chiffrera à 2500 euros bruts annuels pour les infirmiers spécialisés à titre professionnel particulier qui travaillent à temps plein et 833 euros brut annuels pour ceux ayant une qualification professionnelle particulière. Les personnes travaillant à temps partiel recevront ce complément au prorata de leur temps de travail. Le versement aura lieu en septembre, l’année 2022 étant celle du démarrage, avec un premier versement en 2023.

Quid de l’avenir?

Voilà donc « qu’une page se tourne et que le temps est venu d’ouvrir un nouveau chapitre », commente Frank Vandenbroucke. En d’autres termes, l’accord social étant sur les rails, avec un complément annoncé pour les infirmiers spécialisés, le temps est venu selon lui de fixer un agenda à plus long terme pour le personnel soignant. Avec des perspectives qui engageront le futur gouvernement, le cas échéant.

Il s’agit notamment de faire face aux pénuries criantes des les métiers des soins de santé, en travaillant sur l’attractivité, les conditions de travail, de bien-être, la formation, etc. Pour se faire une idée du manque de personnel: sur un total de 2232 lits en soins intensifs, 177 sont fermés par manque de bras, à ce jour.

Frank Vandenbrocuke envisage la fixation d’un « Agenda de l’avenir pour le personnel soignant » impliquant tous les acteurs de la santé. Une première réunion se tiendra avec les partenaires sociaux le 14 juin, pour déterminer cet agenda principalement à long terme, mais qui ne doit pas exclure d’éventuelles mesures à court terme pour faire face aux pénuries, selon le ministre de la Santé.

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