Noé Spies

Emeutes après Belgique-Maroc: et à la fin, tout le monde perd

Noé Spies Journaliste au Vif

Les émeutes qui ont éclaté en marge de Belgique-Maroc ne font aucun gagnant. Ni la communauté marocaine stigmatisée, ni la Ville de Bruxelles insécurisée, ni la récupération politique sournoisement exploitée.

C’était prévisible. C’est arrivé. La rencontre de Coupe du monde entre la Belgique et le Maroc a débouché sur un triste spectacle, principalement à Bruxelles. Des voitures ont été incendiées, des commerces pillés, des journalistes agressés.

Dans ce cas de figure, le résultat du match n’a aucune influence sur les événements. Certains avaient décidé de casser, victoire ou défaite, dès le tirage au sort survenu le 1er avril dernier. Malheureusement, ce n’était pas une blague.

De ces actes de violence tristement présumables, personne ne sort gagnant.

La Ville de Bruxelles, d’abord, qui voit son image de ville peu sûre se renforcer. Si les événements n’ont évidemment pas de liens directs entre eux, les émeutes de dimanche viennent s’ajouter au meurtre du policier à Schaerbeek, et précèdent deux attaques à l’arme blanche survenues ce lundi. Inexorablement, l’addition de ces drames dans un court laps de temps porte un fameux coup à l’image internationale de la capitale belge. Ils font les gros titres du New York Times, du Guardian ou du talk-show le plus regardé de France.

Le bourgmestre de Bruxelles, Philippe Close (PS), a fermement condamné les incidents. Mais les dix arrestations administratives annoncées hier posent question, au vu de l’ampleur des dégâts. La police a-t-elle été prise de court ? Oui, selon le MR bruxellois, qui s’étonne du nombre peu élevé de personnes arrêtées. Les libéraux demandent un « réel plan d’intervention et de prévention » pour les prochains matchs. « Notre ville se relève à peine de deux années de crise qui ont empêché les touristes de venir jusqu’à nous. C’est très dommageable pour Bruxelles », regrette David Weytsman, chef de groupe du MR à Bruxelles.

La récupération politique qui a jailli après les émeutes était, elle aussi, prévisible. Pour le Vlaams Belang, parti d’extrême droite flamand, la réaction fut si rapide qu’on en arrive à se demander si leurs campagnes qui ont suivi sur les réseaux sociaux n’étaient pas déjà ficelées à l’avance. Le MR a embrayé, demandant une « tolérance zéro face aux casseurs », tweet ensuite partagé par le président du Vlaams Belang, Tom Van Grieken, demandant un copyright à Georges-Louis Bouchez, de façon très… amicale.

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Dans cette danse de la récupération, les nationalistes de la N-VA ne sont pas en reste. Theo Francken en tête, qui qualifie certains individus de « racailles », commentant une vidéo où un journaliste de VTM se fait agresser en plein duplex.

Thomas Dermine (PS) fustige une « convergence des luttes » entre le Vlaams Belang et le MR, tandis que François De Smet (DéFI), alerte sur la communication populiste des libéraux francophones. L’embrasement politique est total.

La co-présidente d’Ecolo, Rajae Maouane, née à Uccle de parents d’origine marocaine, n’est pas non plus restée sans voix. « Aucune excuse pour les comportements violents de ces « supporters ». Les vrais supporters fêtent les victoires dans la joie et le respect, pas dans la violence et dans la détérioration. Condamnation ferme de ces comportements inacceptables. »

Avec l’instantanéité des réseaux sociaux, les images sont fortes. Elles clivent. Cet individu qui, acclamé par la foule, décroche un drapeau belge d’un appartement, a choqué. Les raccourcis et les amalgames deviennent alors monnaie courante. Au-delà des frontières, Eric Zemmour saute sur l’occasion. Et c’est toute la communauté marocaine de Belgique qui s’en retrouve stigmatisée.

Car il y aussi des images positives. Comme celles partagées par le bourgmestre de Koekelberg Ahmed Laaouej (PS), où l’on peut voir des supporters marocains faire le ménage sur la voie publique. « Ça n’efface pas le comportement des voyous et des casseurs qui doivent répondre de leurs actes destructeurs. Mais ça montre aussi que les supporters de l’équipe marocaine, ce sont aussi et d’abord ces images positives. Ni angélisme, ni amalgame », a tweeté le chef de Groupe PS à la Chambre des Représentants.

Cet autre supporter, qui, drapeau sur l’épaule, tente de raisonner les casseurs, a aussi ému la toile. « Ce n’est pas ça les musulmans, ce n’est pas ça les Marocains », s’exhorte-t-il.

Les violences liées au football sont des phénomènes parfois difficilement déchiffrables. Encore plus quand il s’agit d’une équipe nationale, qui rassemble des couches de populations beaucoup plus larges qu’un club. Dans la confusion, comment parvenir à différencier le supporter qui dérape, du casseur venu profiter de l’événement, du vrai supporter qui, pris par l’euphorie, est seulement là pour filmer avec son smartphone ?

Le supportérisme dans le football peut créer les plus belles communions populaires qu’aucun autre sport ne créera. Il peut aussi montrer le pire visage de l’espèce humaine. Dans ce flot d’images et d’émotions, nuance et discernement doivent l’emporter. Malheureusement, dans cette affaire, tout le monde a perdu.

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