Alexander De Croo
Alexander De Croo © Belga

Bart Maddens : « Les ministres ne sont pas du tout trop payés »

Tex Van berlaer
Tex Van berlaer Collaborateur Knack.be

Le politologue Bart Maddens (KU Leuven) n’a qu’un seul mot pour qualifier la proposition de réduction de salaire du Premier ministre Alexander De Croo : « mesquine ».

En temps de crise, la politique belge veut montrer l’exemple. Lors des négociations budgétaires, le Premier ministre Alexander De Croo (Open VLD) a donc lancé une proposition. En économisant 8 % sur les salaires des membres du gouvernement (concrètement : de 250 489 euros à 230 449 euros bruts par an pour un ministre), le libéral espérait économiser environ un demi-million d’euros. En outre, le Premier ministre demande aux députés et aux bourgmestres de faire de même. Le politologue Bart Maddens estime toutefois que les ministres et députés ne sont pas trop bien payés.

Vous ne trouvez pas que les ministres sont trop bien payés?

Bart Maddens: Les ministres ne gagnent pas du tout trop d’argent. Ils sont en permanence sous tension, c’est un travail d’enfer. Le Parlement, les partis et les médias peuvent leur demander des comptes à tout moment, ils doivent constamment surveiller leurs paroles. De plus, le licenciement pend au-dessus de leur tête comme une épée de Damoclès. Regardez Joke Schauvliege (CD&V), qui a dû démissionner de son poste de ministre flamande en 2019 après un lapsus (NDLR : elle a dit qu’elle avait été informée par la Sûreté d’État au sujet des marches pour le climat, ce qui s’est avéré faux).

Ne serait-il pas un peu fort que les ministres et les députés n’interviennent pas sur leurs propres revenus alors que tant de personnes ont des difficultés avec leurs factures d’énergie et leur pouvoir d’achat en général ?

Je m’intéresse aux solutions structurelles. Les citoyens veulent des interventions dans la politique énergétique, la fiscalité, les retraites et le marché du travail. On dirait qu’ils font de tout petits pas en ce sens- tout à fait dans la tradition de Vivaldi, d’ailleurs. Une discussion symbolique comme celle sur les salaires des politiciens donne l’impression de détourner l’attention des problèmes structurels.

Pour un parti comme le PTB, il y a effectivement un problème de fond. En raison de leurs salaires élevés, les ministres et les représentants du peuple ne savent plus à quoi ressemble la vie de Monsieur Tout le monde.

Le PTB n’a pas tort sur ce point. Mais est-ce la conséquence du salaire ou à l’intensité du travail ? Ils n’ont tout simplement pas le temps pour les préoccupations domestiques. Dans une moindre mesure, il en va de même pour les députés. On pourrait cependant faire preuve de créativité. L’organisation patronale VOKA organise chaque année des stages en entreprise pour les politiciens. Peut-être pourraient-ils dorénavant effectuer des stages auprès d’une famille vivant sous le seuil de pauvreté.

Dans son discours du 11 juillet, la présidente du Parlement flamand, Liesbeth Homans (N-VA), s’est félicitée que son parlement ait été le premier à intervenir sur les salaires des parlementaires malades de longue durée, une référence à la députée absente Sihame El Kaouakibi.

C’est aussi ce que demande l’opinion publique. Les médias font la comparaison : si les employés ordinaires peuvent avoir la visite d’un médecin de contrôle lorsqu’ils sont absents, il devrait en être de même pour les politiciens. Mais cette mentalité de jalousie n’est pas la bonne attitude. Ecoutez, le seul employeur d’un député, c’est l’électeur. La société donne à cette personne une allocation pour qu’elle puisse se consacrer au travail parlementaire. Pour moi, la fonction de député est sacrée dans la démocratie représentative. Cette personne veut-elle profiter pendant cinq ans ? Alors, qu’il en soit ainsi. C’est que l’électeur a commis une erreur, et il peut la rectifier lors de la prochaine élection.

Suite à la proposition d’Alexander De Croo, le parti d’opposition N-VA a fait une contre-offre, qui comprenait une réduction du nombre de députés. Si le Parlement flamand passe de 124 à 100 députés, il économisera quelque cinq millions d’euros.

Je ne pense pas qu’il y ait trop de députés flamands, mais avec un total de 473, notre pays compte beaucoup de parlementaires pour 11 millions d’habitants. L’explication simple est qu’il y a trop de parlements. Mais tout a une raison. Le Parlement de Bruxelles, par exemple, avec 89 membres pour 1,2 million d’habitants, est un très grand parlement. En comparaison, le Parlement wallon n’en compte que 75. Mais ce nombre important est en partie dû à la représentation permanente de la minorité néerlandophone. Si ce parlement se réduit, ce facteur doit également être pris en compte. Si vous commencez à tirer un fil institutionnel, toute la tapisserie risque de s’effilocher.

Ces mesures contribuent-elles à renforcer la confiance entre les citoyens et la politique?

Au contraire, cette mesure risque de revenir comme un boomerang dans la figure des politiciens. La seule chose que les gens retiennent, c’est que les ministres gagnent beaucoup d’argent. Ils sont confirmés dans leur aversion pour la politique, et non l’inverse. Au lieu de réductions anecdotiques, le financement de notre parti, qui s’élève à 75 millions d’euros par an, devrait être réduit de manière structurelle. Je dirais : ministres, gardez votre salaire, mais résolvez nos problèmes.  (Il réfléchit) Ou plus exactement : s’ils résolvent nos problèmes, ils peuvent gagner encore un peu plus.

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