Pierre-Yves Dermagne
Pierre-Yves Dermagne (PS), ministre de l'Economie © belga

Marge, prime, indexation, salaire minimum: ce qu’il faut retenir de l’accord salarial

Le gouvernement s’est entendu en comité restreint sur une proposition de conciliation permettant de sauver les négociations salariales entre les syndicats et les employeurs, annonce le cabinet du Premier ministre Alexander De Croo. Une partie de l’enveloppe bien-être sera utilisée pour augmenter le salaire minimum.

Cette dernière sera versée à 100 %. Normalement, cet argent est consacré à diverses allocations, mais cette fois, une petite partie sera réservée aux travailleurs. Les allocations de chômage les plus basses augmenteront de 1,3 %, ce qui est inférieur au maximum de 3,5 %. L’argent ainsi dégagé servira à augmenter le salaire minimum afin d’éviter au maximum les pièges à l’emploi. Une première, selon le cabinet du Premier ministre.

   Comme prévu, l’indexation automatique sera conservée mais la marge salariale sera nulle durant les deux prochaines années, quel que soit l’indice. Les entreprises qui s’en sortent bien pourront toutefois accorder une prime allant jusqu’à 500 euros à leurs salariés, à condition qu’un accord sectoriel soit conclu à cet effet. Une clause échappatoire est également prévue pour les entreprises qui ne disposent pas de ces moyens financiers. Enfin, les entreprises aux bénéfices exceptionnellement élevés pourront octroyer jusqu’à 750 euros à leurs travailleurs.

   « Un accord sur la répartition de l’enveloppe bien-être a pu être dégagé. Nous en sommes particulièrement satisfaits, nous, socialistes. La totalité de l’enveloppe va servir à donner de l’air aux pensionnés, à mieux soutenir ceux qui en le plus besoin et à permettre aux demandeurs d’emploi de ne pas sombrer dans la pauvreté », a commenté le vice-Premier ministre socialiste, Pierre-Yves Dermagne.

   « Le maintien de l’indexation est la mesure la plus importante pour protéger le pouvoir d’achat des citoyens, comme le démontre des recherches internationales. En plus de cela, il y aura une prime pour les travailleurs des entreprises qui obtiennent de bons résultats malgré les crises successives. Il est important que les travailleurs puissent partager la valeur ajoutée qu’ils réalisent dans leurs entreprises », a-t-il ajouté.

   « L’accord met un terme à l’incertitude et aux inquiétudes des citoyens. Nous allons bien, comme nous l’avons toujours promis d’ailleurs, augmenter toutes les pensions et les allocations minimales », s’est pour sa part félicité la ministre des Pensions et de l’Intégration sociale, Karine Lalieux (PS).

   « L’accord permettra de renforcer le pouvoir d’achat des pensionnés, des allocataires sociaux, des personnes en situation de handicap et d’invalidité. Faute d’accord entre les partenaires sociaux, le gouvernement a pris ses responsabilités. Une absence d’accord sur cette enveloppe de près d’un milliard d’euros n’était pas une option pour les socialistes », a-t-elle encore souligné.

   Concrètement, les pensions ainsi que les allocations sociales connaîtront plusieurs hausses en 2023 et 2024 à la suite de cet accord. Les pensions minimales augmenteront ainsi de 2% au 1er juillet 2023. Ce sera également le cas des pensions qui ont pris cours en 2018 tandis que celles entrées en vigueur avant 2008 progresseront de 1,2% à la même date. On notera encore une hausse de 2% du montant du plafond salarial le 1er janvier 2024 et de 3,8% du pécul de vacances des oensionnés le 1er mai 2023 (et + 2,55% le 1er mai 2024). Enfin, le revenu d’intégration et l’allocation de remplacement de revenus ainsi que la Grapa (Garantie de revenu aux personnes âgées) augmenteront de 2% à partir du 1er juillet 2023.

« Il était important de décider rapidement, pour préserver la paix sociale et prendre le relais du groupe du 10. La poursuite de la revalorisation du salaire minimum et surtout celle des allocations ainsi que les pensions les plus basses pour un montant d’un milliard d’euros sont des excellentes nouvelles », a de son côté estimé le vice-Premier Ecolo Georges Gilkinet.
Quant à la norme salariale, « nous ne pourrons plus à l’avenir faire l’impasse sur la révision de la loi de 1996 – instaurant notamment le mécanisme de norme salariale, ndlr – , qui est un véritable carcan salarial et qui est pointé par des institutions internationales », a poursuivi l’écologiste selon qui cette norme devra, à l’avenir, « prendre en compte les questions de coût énergétique et des matières premières, toujours plus importantes dans l’efficacité de l’économie de demain. »
Enfin, le vice-Premier ministre MR David Clarinval a lui aussi fait part de sa satisfaction. « Les libéraux se sont battus pour récompenser les travailleurs et nous y sommes parvenus avec environ 2/3 de l’enveloppe bien-être qui sera attribuée à l’augmentation du salaire minimum ». « Cet argent ira aux travailleurs et permettra d’éviter les pièges à l’emploi », a conclu le libéral.

« Décevant et nuisible », dénonce la N-VA

L’accord salarial est « carrément décevant et nuisible », a estimé le député N-VA Björn Anseeuw. « Une fois de plus, les allocations de chômage sont revues à la hausse. Et une fois de plus, les coûts salariaux bruts augmentent pour les salaires les plus bas », a-t-il pointé.

Un « accord salarial franchement décevant et dommageable », a asséné le député N-VA Björn Anseeuw. Et « complètement irresponsable quand on sait que les coûts salariaux augmentent déjà beaucoup plus vite en Belgique que chez nos voisins et partenaires commerciaux les plus importants ». Le gouvernement devrait « enfin faire preuve de solidarité avec ceux qui travaillent dans ce pays », en augmentant les salaires nets sans augmenter les coûts salariaux bruts pour les employeurs. « Ce sont toujours des imbéciles qui sont à la manoeuvre », a conclu le député nationaliste, dans l’opposition au fédéral.

L’accord sur les salaires est loin de répondre aux véritables défis, estime la FEB

L’accord salarial sur lequel le conseil des ministres restreint du gouvernement fédéral s’est mis d’accord apporte une réponse insatisfaisante aux véritables défis, estime la Fédération des entreprises de Belgique (FEB) dans une première réaction.

« Fixer la norme salariale à 0% est déjà un signal important. Cela permet d’éviter une augmentation générale des coûts salariaux pour l’économie », estime le patron de l’organisation patronale, Pieter Timmermans.

   Mais les primes uniques auxquelles le kern a abouti envoient un mauvais signal, tacle la FEB. « Apparemment, plus la crise de compétitivité est profonde, plus les primes autorisées sont élevées. Nous traversons en effet la crise de compétitivité la plus sévère depuis des décennies, qui affectera inéluctablement la création d’emplois, et le montant des primes uniques est relevé », déplore-t-elle.

   « Alors que la crise de compétitivité fait rage plus que jamais, on permet aux syndicats d’exiger des primes plus élevées que lors de crises précédentes moins aigües. Il s’agit là d’un signal incompréhensible. Notre pays a maintenant besoin d’un pacte de compétitivité audacieux qui réduise notre handicap salarial de 16% afin de ne pas mettre en péril l’emploi dans notre pays », insiste Pieter Timmermans.

   Des ajustements ont été apportés « à juste titre » au niveau des allocations de chômage, afin que le travail soit plus rémunérateur que l’inactivité, pointe par ailleurs la fédération patronale au sujet de l’enveloppe bien-être.

« Pas d’augmentation salariale structurelle », réagit la FGTB à la proposition de primes

La FGTB n’est « pas très enthousiaste » vis-à-vis de l’accord salarial proposé lundi par le gouvernement fédéral. Celui-ci contient cependant également des points positifs, a reconnu Miranda Ulens, secrétaire générale du syndicat socialiste.

   « Nous ne sommes, en fait, pas favorables aux chèques », développe la FGTB à propos de cette proposition de prime. « Il ne s’agit pas d’une augmentation structurelle des salaires. En outre, elle ne compte pas pour l’accumulation de la pension. Des personnes n’arrivent déjà pas maintenant à joindre les deux bouts avec leur pension. »

   Les syndicats préféreraient en outre que la norme salariale soit indicative, afin que les syndicats et les employeurs puissent toujours négocier des augmentations de salaire, répète Miranda Ulens. Il n’y a en effet, légalement, pas de marge pour une augmentation des salaires, en dehors de l’indexation automatique, pour ces deux prochaines années.

   La secrétaire générale du syndicat socialiste se félicite, par contre, que la proposition du gouvernement ouvre la porte à des négociations au niveau sectoriel. Elle pense d’ailleurs que de nombreux secteurs recourront à cette prime. « J’entends qu’il y a des employeurs qui veulent donner de la reconnaissance à leur personnel », confie-t-elle. « Grâce à cela, on peut encore prendre en compte les entreprises en difficulté. »

  

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