Le roi Philippe et la reine Mathilde. © Belga

Philippe, un roi sous haute surveillance

Olivier Mouton
Olivier Mouton Journaliste

Dans les milieux politiques, on s’inquiète toujours de la personnalité de Philippe : imprévisible, insatisfait, malhabile, incapable d’intégrer les limites de sa fonction. Les Premiers ministres, Di Rupo puis Michel, veillent. Mais que se passerait-il avec un locataire du 16 moins bienveillant ?

Un roi hyperactif, très professionnel, attaché aux symboles de la fonction. Mais aussi, un roi constamment à la limite de ce que son pouvoir relatif lui permet de faire. Il est encadré par un diplomate de haut vol, Frans van Daele, et a été contrôlé plutôt deux fois qu’une par les deux Premiers ministres qui ont travaillé avec lui, Elio Di Rupo puis Charles Michel. Deux ans après sa prestation de serment, le 21 juillet 2013, le roi Philippe surprend ses détracteurs par sa capacité à assumer la fonction. Mais il inquiète, aussi, par sa propension à remplir la fonction, toute la fonction.

« Il vit visiblement son règne comme une revanche d’ego, souligne un habitué du Palais, expliquant que l’on doit « tout psychologiser » quand on analyse la monarchie. Philippe avait le sentiment qu’on le prenait pour un nul, surtout au sein de sa famille, et il veut démontrer de quoi il est vraiment capable. Tant qu’il peut parader, faire de la belle com’ sur papier glacé et vivre son conte de fées, c’est très bien pour le pays. Mais attention à ce qu’il ne franchisse pas les limites… »

« Car il a clairement des difficultés à intégrer les limites du pouvoir du Roi, enchaîne une autre source haut placée et très proche de la monarchie. Il cultive sans le savoir une certaine frustration par rapport à sa fonction de chef de l’Etat telle qu’elle est définie. Il pensait qu’il allait pouvoir déployer un pouvoir de nature politique, ce qui ne peut pas être le cas. Tant qu’il n’y a pas de dérapage, cela se passera bien. Mais le corps politique n’est pas enclin à une grande complaisance. Et pas uniquement à la N-VA… »

Ces mises en garde s’enracinent dans un vécu que la discrétion imposée dans les rapports entre le Palais et le politique ne rend pas directement perceptible à l’opinion publique. Pourtant, les quelques interlocuteurs politiques qui ont accepté de nous parler off the record donnent l’étendue du risque. « Le jour où un Premier ministre sera moins bienveillant, il faudra être très attentif, affirme l’un d’eux. Elio Di Rupo était quelqu’un de prévenant, de très attentif à la réalité belge. Charles Michel est rigoureux et décidé à ne permettre aucun écart: si, à un moment donné, cela doit faire mal, cela fera mal. Mais si un Premier ministre nationaliste ou gaffeur arrivait au 16, on pousserait facilement Philippe à la faute, c’est clair. Car il essaie régulièrement de prendre un espace qui ne lui revient pas. »

De façon générale, Philippe souhaiterait prendre la parole régulièrement, « au risque de diffuser des idées politiques voire politiciennes », glisse-t-on. Au moment de son accession au trône, il avait pourtant été convenu de s’inscrire dans la continuité, en restant dans le schéma suivi par son père, le roi Albert II. Ce dernier ne s’exprimait officiellement que trois fois par an: le 21 juillet, à Noël et devant les Corps constitués. Philippe « trouve davantage ses références dans le passé, chez Albert Ier ou Léopold II, quand le roi détenait davantage de pouvoir personnel, souligne un de nos interlocuteurs. Franchement, ce n’est pas neutre. »

Une autre source prolonge: « Ma grande crainte, c’est qu’il rêve de poser un acte pour passer à la postérité, comme Baudouin, sa référence absolue. Je suis convaincu qu’il voudra faire un geste qui lui confère un vrai pouvoir, au-dessus de la mêlée. »

L’enquête dans Le Vif/L’Express de cette semaine. Avec :

  • Un roi plutôt conservateur
  • Pourquoi la suédoise lui convient bien
  • Une hyperactivité symbolique
  • Les bizarreries
  • « Ce n’est pas simple de dire « non » à un adulte »
  • La spontanéité feinte de Mathilde
  • Pourquoi le monde politique n’a pas profité de la passation de pouvoir entre Albert et Philippe pour réformer la fonction royale
  • Philippe y Felipe : comment les rois sauvent leur trône
  • L’édito : L’homme qui voulait être plus qu’un roi

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