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Philippe Moureaux le machiavélique

Par un retournement d’alliance inattendu, le bourgmestre de Molenbeek-Saint-Jean a été poussé vers la sortie. Ce croquemitaine avait poussé très loin le flirt avec les musulmans.

Après avoir annoncé son « retrait total » de la vie politique, Philippe Moureaux, 73 ans, peut être présenté, à travers son bilan, au passé, même si le PS a ensuite annoncé qu’il restait sénateur. Le bourgmestre de Molenbeek avait la capacité de rougir (de colère) pour intimider ses interlocuteurs rétifs mais, en coulisses, c’était un manoeuvrier hors pair, un diplomate, un bâtisseur de réseaux. Il a fait trembler Bruxelles pendant des décennies. Président jamais élu de la fédération bruxelloise du PS, il disposait les pièces de sa machine de pouvoir en choisissant ses hommes, les imposant là où ils étaient le plus utiles, les protégeant contre vents et marées. Les voix discordantes étaient étouffées. D’où l’opacité du PS bruxellois jusqu’à l’arrivée de Rudi Vervoort.

Ministre de la Justice (1980- 1981), il avait montré jusqu’à quel point il pouvait « barbouzer » en diffusant une note (dénuée des précautions oratoires dont l’avait enrobée la Sûreté de l’Etat) à propos du baron Benoît de Bonvoisin, membre de l’aile droite du PSC de Paul Vanden Boeynants. Un épisode vite effacé par sa participation à tous les grands deals communautaires des années 1980 à aujourd’hui. Il n’avait pas perdu la main et, même simple bourgmestre, il participait encore à des contacts au plus haut niveau avec le Nord.

Sa faiblesse, son talon d’Achille est précisément ce qui le rendait humain : son attachement à Molenbeek. C’est là que ce fils de famille, rejeton complexé d’un ministre libéral, a pu donner libre cours à sa fibre sociale, suivant l’exemple de son père affectif, le Liégeois André Cools. Le premier, il intégra des personnes issues des minorités ethno-religieuses sur ses listes communales, puis aux élections régionales. Sans ce réflexe, l’électorat socialiste bruxellois se réduirait aujourd’hui à 10 %. Mais la créature a échappé à son maître. A force de flatter les mosquées, Philippe Moureaux est devenu, aux yeux des Wallons et d’une partie des Bruxellois et des Flamands, l’incarnation du communautarisme. C’est lui et quelques autres qui bloquèrent toute restriction dans le domaine de l’immigration et acceptèrent des entorses au « pacte républicain ». Tournées électorales dans les mosquées, consultation des chefs religieux, prêt de locaux communaux pour des classes de religion islamique, « dispositif ramadan », etc. A force, Philippe Moureaux est devenu le patron informel de la communauté marocaine de Belgique, donnant des gages politiques au royaume du Maroc sur le Sahara occidental et agissant comme « juge de paix » en Belgique (il trancha une énième querelle de l’Exécutif des musulmans de Belgique en promotionnant la frange des Frères musulmans).

Sur le terrain, cependant, il perdait pied. Trafics de drogue dans la rue et dans les cafés, afflux de populations pauvres, harcèlement des femmes non voilées et des homosexuels dans la rue, politique occupationnelle des jeunes, faible maîtrise de l’espace public malgré une centaine de gardiens de la paix dénués de pouvoir coercitif, prolifération des foyers de radicalisme… Ces aspects de la vie urbaine ne sont pas propres à Molenbeek mais, en s’attaquant aux porteurs de mauvaises nouvelles plutôt qu’aux problèmes énoncés, Moureaux a donné une image caricaturale de sa commune. Sa succession n’était pas assurée. Après que Laurette Onkelinx, son héritière putative, eut refusé de s’établir à Molenbeek, il s’appuyait sur des échevins sans stature véritable. Pour une population de plus de 90 000 habitants, en plein boom démographique, il pouvait légitimement s’inquiéter. Le retournement d’alliance intervenu sous la houlette de Françoise Schepmans (MR), avec le soutien des trois autres partis démocratiques et leur pendants flamands, lui ôte ce souci.

Marie-Cécile Royen

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