Petra De Sutter
Petra De Sutter (Groen), première ministre transgenre en Belgique. © BELGAIMAGE

Petra De Sutter: « Le bouddhisme relativise les choses »

Nicolas De Decker
Nicolas De Decker Journaliste au Vif

Comment se fabrique un engagement? Un livre peut-il changer une vision du monde? Une rencontre peut-elle faire bifurquer un chemin politique? Une chanson peut-elle donner du sens à un combat? Chaque mois, entre parcours intime et questions de doctrine, le podcast «Le sens de sa vue» dissèque ce qui a construit l’idéal politique d’un invité.

On prête à Louis Pasteur cette mesure d’hygiène scientifique consistant à laisser sa foi au portemanteau avant d’entrer dans son laboratoire, comme pour consacrer l’incompatibilité de la démarche empirique avec la croyance, donc, au fond, l’engagement.

Le parcours de Petra De Sutter, vice-Première ministre Groen, contredit le grand Pasteur: elle a, avant d’entrer en militantisme, été une scientifique de haut vol, gynécologue, généticienne, professeure à l’UGent.

«Je faisais déjà des recherches sur les perturbateurs endocriniens il y a vingt-cinq ans, et c’est par cette nécessité de mener la bataille, au nom des preuves scientifiques, contre les intérêts économiques que je suis entrée en politique.»

Alors que l’écologie politique est parfois taxée d’hostilité envers le progrès, c’est, dit-elle, tout le contraire.

«La science, pour moi, c’est la base. C’est tout de même la base du progrès depuis deux ou trois siècles. Mais l’humain est au centre de tout, et la science, comme la technologie, doivent se mettre à son service: on ne peut pas la suivre aveuglément», pose-t-elle, pas antispéciste pour un sou.

«Pour moi, l’humain fait partie de la nature. Et si je suis écologiste, ce n’est pas pour la planète et la nature en soi, mais pour ce que cela signifie pour l’humain.»…»

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LE SAVOIR

Rachel Carson – Printemps silencieux, 1962.

Cet «acte de naissance du mouvement écologiste», selon l’ancien vice-président américain Al Gore, qui signe la préface de la plus récente édition française (Wildproject, Petite bibliothèque d’écologie populaire, 2020), écrit par une biologiste, a eu la grande vertu, aux Etats-Unis, d’alerter sur les ravages du DDT, ce pesticide utilisé à très grande échelle à dater de la Seconde Guerre mondiale, et qui fut interdit en 1972.

«A une époque, on en aspergeait les enfants pour leur éviter d’attraper des poux! On le trouve même dans la graisse des pingouins, et on en a tous, encore, dans le corps, alors qu’il est interdit depuis des décennies. Ça m’a ouvert les yeux sur la nécessité de régulation…»

Voire d’interdiction pure et simple.

«Dans des cas comme celui-ci, quand la science apporte des preuves incontestables, en tant que politique, on ne doit pas avoir peur d’interdire lorsque les mécanismes de marché ne fonctionnent pas», ajoute-t-elle.

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© National

LA SCÈNE

Guernica de Picasso, 1937.

La toile, mondialement connue, avait été commandée à l’artiste par Francisco Largo Caballero, Premier ministre d’une République espagnole que les franquistes étaient en train de renverser militairement. «Elle me rappelle que la guerre est universelle», mais aussi que la justice et la liberté, parfois, méritent d’être défendues les armes à la main.

«Je pense qu’on a le droit de se défendre. Je suis pacifiste, jusqu’à un certain point. Il ne faut pas réagir aux provocations, il faut essayer de résoudre les problèmes par la diplomatie. Mais quand on est agressé, on a le droit de se défendre», insiste-t-elle, traçant un parallélisme entre le coup d’Etat militaire franquiste et l’agression russe de l’Ukraine.

«Je suis née dans les années 1960, les histoires de guerre, on pensait que c’était du passé. Mais ça revient. Et l’effroi que provoque Guernica, quand on la regarde, est là… Même si je sais qu’on doit se méfier des comparaisons historiques, il y a des événements qui, quand même, nous ramènent aux années 1930.»

© getty images

LE SOI

Une rencontre avec le Dalaï-Lama

«Oui, je suis bouddhiste», lance-t-elle en souriant.

«J’ai découvert cette philosophie il y a une quinzaine d’années, et je médite tous les jours. C’est plus une philosophie qu’une religion. Le bouddhisme relativise les choses. Quelle est la raison de notre existence? On ne pourra jamais savoir quel est le sens de tout, donc il est préférable de ne pas se poser la question. Ceci dit, le bouddhisme ne m’a pas appris que la vie n’a pas de sens, au contraire, je suis convaincue du contraire ! », complète-t-elle, se souvenant de l’heure pendant laquelle elle avait pu discuter avec le chef spirituel, parfois plutôt conservateur.

«C’est un homme imprégné par son propre monde, ajoute-t-elle en levant les yeux. C’est un peu naïf mais je lui ai demandé ce qu’il fallait entreprendre pour que les gens fassent le bien. Il m’a répondu “montre l’exemple”. Et c’est vrai. Les gens qui ont vraiment changé le monde sont ceux qui ont été des exemples et qui ont inspiré les gens.»

© getty images

LE SON

Les suites pour violoncelle de Bach

La vice-Première est musicienne. Elle peut jouer trois des six suites de Bach. «J’essaie d’y passer au moins une heure chaque week-end», pour s’échapper.

«Bach, c’est divin, et je ne crois pas en Dieu. Mais vraiment, ça me transcende. Ça peut me faire pleurer. On peut ressentir ça quand on voit un coucher du soleil, qu’on se sent si petit, si insignifiant face à un monde énorme, eh bien avec Bach également… J’éprouve cela aussi quand je fais de la méditation. Quand je médite, ce n’est pas pour penser au dernier kern. Mais méditer ou jouer du Bach, ça nous ramène à un autre kern, à soi-même, au noyau de notre propre esprit. Sans l’art et sans la méditation, je ne pourrais pas!»

LA SUITE

Nadia Naji – Coprésidente de Groen

Alors que les invités précédents du Sens de sa vue ont plutôt pensé à inviter des adversaires («Pourquoi, ils voulaient les punir en vous les envoyant, c’est ça? C’est très agréable pourtant», rit-elle), Petra De Sutter, elle, aimerait y voir une camarade de parti.

Avec le Flandrien Jeremie Vaneeckhout, la Molenbeekoise Nadia Naji, 30 ans, préside le parti écologiste flamand depuis juin dernier. La ministre fédérale des Entreprises publiques a participé à sa campagne interne.

«Depuis, je l’ai pratiquement tous les jours en ligne, on travaille ensemble au quotidien. Mais je l’ai soutenue sur la base de son programme. Jeremie, lui, je le connaissais déjà depuis un petit temps, mais je ne connais pas vraiment la femme derrière la coprésidente. Je sais que c’est quelqu’un d’intelligent. Elle est vraiment formidable. Alors j’aimerais mieux la connaître. Je dis ça pour moi, mais aussi pour le grand public. Allez la voir! Avec Nadia, vous ne serez pas déçu!»

© belga image

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