Selma Benkhelifa

Pas de justice pour Lamine Bangoura, le Georges Floyd belge.

Selma Benkhelifa Avocate - Progress Lawyers Network

La famille de Georges Floyd et le mouvement Black Lives Matter ont obtenu justice. Le policier, Derek Chauvin, est reconnu coupable du meurtre.

Pour la première fois, un policier blanc a été reconnu coupable d’un meurtre aux Etats Unis, l’un des pays où les meurtres des noirs par des policiers en fonction sont tristement courants.

Cette impunité à l’égard des policiers violents et racistes aux Etats Unis est largement commentée dans nos journaux. Comme si chez nous c’est tellement différent.

Moïse Lamine Bangoura est mort, tué par sept policiers, qui l’ont étouffé le plaquant au sol pendant de longues minutes.

Comme Georges Floyd.

Et comme pour le meurtre de Georges Floyd, la scène a été filmée. Des images insoutenables où on voit sept policiers s’acharner contre un homme menotté et où on entend la longue agonie d’un homme qui n’arrivait plus à respirer.

Pourtant, la Cour d’Appel de Gand (chambre des mises en accusation) a décidé d’un non-lieu. Un non-lieu ça signifie concrètement qu’il n’y aura même pas de procès. Rien. Il n’y a pas d’infraction. Rien de s’est passé.

Selon la Cour, les policiers ont usé de la force strictement nécessaire. Nécessaire pour quoi ? Pour l’arrêter ? Non. Lamine n’était pas en état d’arrestation. Les policiers sont venus chez lui pour accompagner un huissier. Lamine avait des factures impayées. On est très loin du grand banditisme. Il n’y avait aucune raison de priver Lamine de liberté et encore moins de le priver de la vie.

Les policiers n’étaient pas en danger. Ils ne se sont pas défendus contre une attaque, ils n’ont pas protégé quelqu’un. Ils ont juste tué Lamine. Et les juges trouvent qu’il n’y a rien à y redire.

L’intolérable impunité que les jeunes en colère dénoncent encore et encore, sans être entendus. Après ça, on sera crédible quand on leur dira que les émeutes ça ne sert à rien et qu’il faut porter plainte contre les violences policières.

Comment peut-on estimer que la mort d’un homme, tué par des membres de forces de l’ordre, ne mérite même pas un procès public ? Le mépris avec lequel la Justice traite les victimes de violences policières est aussi grave que les violences elles-mêmes.

Le mépris de notre justice est pire qu’aux Etats-Unis. Ici Georges Floyd n’aurait pas eu de procès et Derek Chauvin aurait bénéficié d’un non-lieu.

Pire, les juges de Gand ont condamné la famille endeuillée à payer 5000 euros d’indemnité de procédure aux policiers.

Une famille qui a perdu un fils dans des circonstances plus que suspectes est sanctionnée pour avoir osé demander justice. Comme si leur démarche n’était pas légitime. Comme s’ils avaient eu tort de s’adresser au pouvoir judiciaire.

Au mépris s’ajoute la mesquinerie. L’utilisation de la précarité financière de la famille de la victime pour tenter de l’empêcher de faire valoir ses droits, son droit à ce que toute la vérité soit dite sur la mort atroce de leur fils.

La seule est l’impunité organisée. Ce n’est plus tolérable. Il faut que ça change.

Le jugement historique rendu par un jury populaire sur le meurtre de George Floyd par Derek Chauvin est le fruit d’une puissante et inébranlable lutte de milliers de personnes, aux Etats-Unis et dans le monde. Il montre que quand le monde se mobilise contre l’injustice et l’impunité, la justice y met fin.

Pour les jeunes qui sont touchés par la violence policière et raciste en Belgique, et qui voient tous les jours sa force destructrice, pour la famille de Lamine Bangoura et pour les autres familles qui ont perdu un enfant, il est très clair que cette impunité des méchants américains infeste aussi notre justice. La seule différence, c’est qu’après toutes ces morts et ces non-lieux, nos médias restent aveugles à la réalité.

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