Thierry Fiorilli

Paola et les déchirements de la famille royale belge

Thierry Fiorilli Journaliste

Une hospitalisation, une absence remarquée et un communiqué de la Reine mère. Les trois derniers événements en date rappelant que les trajectoires individuelles et les relations au sein de la famille royale belge n’ont rien du long fleuve doré et tranquille.

L’initiative prise par Paola, hier, de passer par l’agence Belga pour clamer ses états d’âme est ainsi édifiante. Or donc, voilà une maman qui va visiter pour la première fois son fils cadet hospitalisé depuis deux semaines et puis qui se fend d’un texte, à destination publique, censé lever doutes et ambiguïtés, mais qui, en réalité, (r)allume toutes les équivoques :

– « En tant que mère, j’ai envie de vous faire part franchement de mes sentiments », explique la reine. Tout est dans ce « j’ai envie » et dans ce « franchement ». Comme si, jusqu’ici, Paola n’avait jamais pu « faire part de ses sentiments » urbi et orbi, ou alors en ne disant pas ce qu’elle voulait dire. Mais là, désormais, libérée de sa fonction de reine en exercice et des miradors du Palais, elle pouvait enfin parler vraiment.

– « Laurent est, de mes enfants, en ce moment le plus vulnérable et je lui accorde toute mon affection et toute mon attention. Jour après jour, nous suivons l’évolution de son état avec un souci de père et de mère. » Tout est dans l’absence du terme « amour », jamais prononcé dans le communiqué. On rétorquera que c’est couper les cheveux en quatre ? Pas forcément : c’est surtout relever l’incapacité d’aller au bout de ce que la logique voudrait : dès lors que Paola veut faire savoir à tous que, non, contrairement à ce qui est raconté depuis des décennies, elle n’a pas été une « mauvaise mère », qu’elle n’est pas sans coeur, qu’elle n’a pas abandonné ses enfants, et dès lors qu’elle ne passe pas par la voie/voix officielle du Palais pour ce qui apparaît comme un message de justification à différents manquements (constatés, à tort ou à raison), pourquoi ce langage austère, lisse, distant finalement ? C’est d’amour qu’il doit s’agir, entre parents et enfants. Pas d’affection. On sait que le protocole royal, où que ce soit, n’encourage pas les épanchements publics et les étreintes chaleureuses, mais la dernière communication en date de Paola illustre une nouvelle fois ce que certains pourraient qualifier « d’handicap affectif » de la famille royale belge, depuis au moins l’accession de Baudouin.

– « Nous sommes particulièrement soucieux de l’avenir de Laurent qui, dès sa sortie de clinique, doit pouvoir trouver et développer un avenir épanouissant et valorisant pour lui-même, pour Claire, pour Louise, Nicolas et Aymeric, avec notre soutien et notre aide. » Une façon de dire (presque) clairement que, jusqu’ici, Laurent n’a pas trouvé ou reçu sa place, au sein du Palais comme en dehors. De quoi faire comprendre que son frère, Philippe, sur le trône depuis moins d’un an, doit s’activer pour résoudre cette question. Une question qui, dans les faits, était déjà posée durant les vingt ans de règne d’Albert et Paola. Et, après différentes frasques de Laurent, la réponse apportée par ses parents a été de l’éloigner le plus possible du Palais.

On se retrouve dès lors face à un nouveau couac de communication royale, chose assez courante sous Albert II : maladroite, désincarnée, dans l’autojustification et en même temps se déchargeant par sous-entendus de toute responsabilité, et peu loyale envers Philippe.

L’hospitalisation de Laurent, pour une pneumonie, se rajoutant à ce que beaucoup affirment être une déprime, l’absence de toute visite de ses parents (« à l’étranger ») pendant deux semaines et la décision de communiquer en solo, hors du cadre habituel du Palais, donc hors contrôle de Philippe et de ses conseillers, démontrent que les relations sont déplorables au sein de la famille royale, entre parents et enfants comme entre frères et soeur (on dit Philippe très autoritaire envers Laurent et Astrid, comme prenant une revanche, maintenant devenu Roi, après avoir attendu si longtemps, et vécu tant d’humiliations, des oeuvres mêmes des siens). Ça ne changera pas la face du monde, ni même celle de la Belgique. Mais ça rappelle que la maladie, la jalousie, l’orgueil, l’indifférence et la médiocrité ne font aucune différence entre couronnés et roturiers : elles peuvent frapper les uns comme les autres.

Ça promet quelques futurs moments difficiles pour la famille régnante. Avec, rôdant tout autour, quelque chose qui ressemble décidément à de la tragédie.

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