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Pablo Hasél, rappeur mué en symbole (portrait)

Ses textes sont crus, sa plume incendiaire. Pablo Hasél a été placé en détention au terme d’un long bras de fer avec les autorités espagnoles. Il est le premier rappeur européen emprisonné pour des prises de position, devenant ainsi un chantre de la liberté d’expression.

L’onde de choc a dépassé les frontières espagnoles. Le rappeur catalan Pablo Rivadulla i Duró – plus connu sous son nom de scène Pablo Hasél -, est incarcéré depuis le 16 février dans la prison de Ponent, en Catalogne. Reconnu coupable en mai 2020 par le Tribunal suprême « d’injures à la Couronne et envers les institutions de l’Etat » et « d’apologie du terrorisme », il a été condamné à neuf mois de prison pour des tweets et des textes de chansons. Depuis, les rues des grandes villes du pays sont le théâtre de manifestations de soutien massives, lesquelles ont parfois tourné à l’affrontement avec les forces de l’ordre, notamment à Barcelone.

Le placement en détention de Pablo Hasél n’est que le dernier épisode d’un bras de fer qui oppose depuis plusieurs années le musicien de 32 ans aux autorités judiciaires espagnoles. Marxiste révolutionnaire assumé et visage incontournable du rap espagnol indépendant, il fut condamné une première fois à de la prison avec sursis en 2014 pour des chansons jugées favorables aux organisations Groupes de résistance antifasciste du 1er octobre (Grapo) et ETA (1), aujourd’hui dissoutes. Une sentence qui n’a pas freiné l’artiste. Dans ses textes et sur les réseaux sociaux, il continue à tirer à vue. S’il attaque, entre autres, les forces de l’ordre, les traitant de « mercenaires de merde » et les accusant de torture et d’assassinat, c’est davantage son aversion pour la monarchie espagnole, qu’il qualifie ouvertement « d’héritière du franquisme », qui va irriter les pouvoirs politiques et judiciaires espagnols. D’autant que les violentes charges de Pablo Hasél contre une famille royale régulièrement égratignée par des scandales trouvent un écho très favorable auprès de nombreux Espagnols. Conséquence, il comparaît devant la justice pour une soixantaine de tweets, et pour les paroles d’une chanson. La sentence tombe: neuf mois de prison.

Les pauvres vont en prison, mais pas l’infante Cristina, bien que la moitié du pays lui souhaite la guillotine. Juan Carlos el Bobón [Juan Carlos le crétin], baron mafieux pillant le royaume espagnol. A la télévision, ils vomissent que c’est utile. Oui, bien sûr, pour son chameau et pour le propriétaire du puti [club de prostitution].u0022

Sur la famille royale, Extrait du morceau Juan Carlos el Bobu0026#xF3;n, 2016.

Jusqu’au-boutiste

Contrairement à son compatriote Valtònyc, qui a fui l’Espagne en 2018 et a trouvé refuge en Belgique à la suite d’une condamnation similaire, Pablo Hasél, après réception de son injonction de placement volontaire en détention, a décidé de demeurer au pays. Sans se rendre: « Je suis resté ici sans partir en exil pour contribuer davantage à la diffusion du message, à la mobilisation et surtout à l’organisation », a-t-il fait savoir. Le musicien en est conscient: le soutien dont il bénéficie depuis plusieurs semaines pèse lourd. Le 8 février, deux cents personnalités, dont le réalisateur Pedro Almodovar et l’acteur Javier Bardem, affirmaient dans un communiqué: « L’ emprisonnement de Pablo Hasél rend encore plus évidente l’épée de Damoclès qui pend au-dessus de la tête de toutes les personnes publiques qui critiquent l’action des institutions de l’Etat. »

Il ne s’agit pas uniquement d’une attaque contre moi, mais contre la liberté d’expression […]. Quand ils en répriment un, ils le font pour effrayer les autres. […] Je ne me repentirai pas afin de réduire ma peine ou même d’éviter la prison, servir une juste cause est une fierté à laquelle je ne renoncerai jamais.u0022

Sur la libertu0026#xE9; d’expression, Communiquu0026#xE9; sur les ru0026#xE9;seaux sociaux, le 28 janvier dernier.

Alors, au terme du délai imparti pour son placement volontaire en prison, le rappeur s’est retranché dans l’université de Lérida avec ses soutiens, afin de mettre en scène son arrestation. Le musicien est apparu escorté par la police catalane, poing levé, hurlant face aux caméras de télévision: « C’est l’ Etat fasciste qui m’arrête. Mort à l’Etat fasciste! »

Acculé par les critiques, le pouvoir envisage déjà une révision des délits semblables, afin que « les excès verbaux restent en dehors de la sanction pénale ». Une promesse dont ne semblent pas se satisfaire les milliers de personnes qui continuent à réclamer la libération du musicien. Depuis sa cellule, ce dernier le sait: son visage est devenu en Espagne un symbole fort, celui de la liberté d’expression.

(1) Groupe luttant pour l’indépendance du Pays basque.

Dates clés

  • 1988: Naissance à Lérida, dans la communauté autonome de Catalogne.
  • 2014 : Condamnation à deux ans de prison pour « apologie du terrorisme » dans plusieurs de ses morceaux. Sans antécédents judiciaires, sa peine est commuée en sursis.
  • 2021: Arrêté par la police catalane, il purge une peine de neuf mois de prison.

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