Luc Delfosse

« Oui, j’adore les sondages. Ils me font rire jaune à 37,04 % et striduler de honte à 98,07 % »

Luc Delfosse Auteur, journaliste

J’adore les sondages. On n’a rien connu de plus hilarant depuis Le Tribunal des flagrants délires, les pets mélodiques du Bombé dans La Soupe aux choux, le duel entre le roi Arthur et le Chevalier noir dans Sacré Graal et, of course, Marc Moulin dans Le jeu des dictionnaires.

Le sondage, c’est la Pythie ressuscitée à grands frais par les vieux médias qui, à ce qu’il paraît, n’ont plus un clou pour faire chaque jour leur métier (dire, relever, révéler, enquêter, étayer, expliquer…), font rouler les charrettes de journalistes et bouclent à coups de dépêches brutes et de supplétifs payés au plancher. A chacun ses tireuses de tarot qui vous annoncent sur cinq pages ou dix minutes d’antenne hystériques pleines de  » tartes  » éclatantes comme des sucres d’orge polychromes  » rencontres exotiques et rentrées d’argent imminentes « . Bref, on promet Hilary et c’est un clone de Mussolini et Henry Ford qui sort du chapeau, Juppé et voilà Fillon, un  » oui  » confortable et on déguste le Brexit, un  » duel  » Macron versus la fille du borgne et… mais n’anticipons pas : le pire est à venir.

Au soir du  » test  » grandeur nature, les urnes vidées, tout s’explique, bien sûr. Ah la la !  » L’échantillonnage  » ne tenait pas assez compte des culs-de-jatte et des goitreux ;  » un élément de dernière minute a lourdement impacté le choix des électeurs  » ; on a peut-être foiré le  » lissage  » – lisez le traficotage alchimique – des chiffres… De toute façon, restons zen : il ne s’agissait que  » d’un coup de projecteur à un moment donné « . Mais enfin, l’essentiel n’était-il pas de se monter le chou et, pardon, de  » niquer la concurrence  » ? Bref, le quidam insondé beugle durant quelques jours, le politique promet de légiférer sur les méthodes des  » instituts « , les  » panels  » de… volontaires si peu représentatifs, la rémunération (mais oui !) des sondés. Puis, tout recommence comme si de rien n’était.

Tiens, l’autre jour, on nous annonce que le PS s’effondre. Pire : en Wallonie, le PTB de Jésus-Marie-Joseph Staline le passerait  » désormais  » de quelques décimales. Bref, la claque après une longue existence au service de la classe laborieuse et de quelques oncles Picsou. Le séisme paraît de telle magnitude sur l’échelle du Boulevard de l’Empereur (dite  » échelle Publifin « ) que l’un des commanditaires, la RTBF, prend l’initiative, en toute indépendance va sans dire, de demander au sondeur de vérifier ses chiffres (1). Confirmés ! Le surlendemain, coucou ! Qui caracole comme Tartarin en tête des personnalités adulées par les Wallons ? Mais oui : Elio Di Rupo, avec… 30 % d’opinions positives. Un sondé sur trois ! Sept points plus bas, au cul-de-basse-fosse donc – on trouve le Premier ministre (rappelons tout de même que, selon cette  » enquête d’opinion « , le MR serait désormais  » le premier parti  » sudiste…). A huit points apparaît Raoul Hedebouw, la nouvelle coqueluche de la gauche (à raison) excédée. J’attends  » l’expert  » qui, la bouche en cul de poule, viendra nous expliquer que peu de Wallons savent que M. Di Rupo, par ailleurs malentendant, malvoyant, amnésique et candide, est le capitaine de ce radeau de la Méduse et des parvenus depuis 1999. Oui, j’adore les sondages. Ils me font rire jaune à 37,04 % et striduler de honte à 98,07 %. Le compte est bon, je crois.

(1) http://bit.ly/2mHSRIN

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