Où va l’argent de vos impôts ?

Le Vif

La Belgique taxe beaucoup et dépense beaucoup. Gaspillage ou saine gestion des deniers publics ?

Une montagne d’argent. Au total en 2013, les dépenses publiques belges ont atteint 208,5 milliards d’euros. Elles représentent 54,7% du Produit intérieur brut (PIB), soit plus de moitié de la richesse créée par le pays en un an. Ce qui fait de la Belgique un des pays les plus dépensiers en Europe, derrière la Grèce, la Finlande, le Danemark et la France (la moyenne de la zone euro étant de 49,7%). Où vont ces moyens publics ? En plongeant dans les chiffres, des blocs apparaissent nettement. Il y a les grosses dépenses, et puis les autres.

Le tout gros morceau : les prestations sociales

Sur les 208,5 milliards d’euros décaissés en 2013, près de la moitié (101 milliards) est allée en prestations sociales. C’est 50% de plus qu’il y a dix ans. Deux postes concentrent la majorité des dépenses : les pensions engloutissent 39,9 milliards d’euros quand les soins de santé pèsent 27,7 milliards d’euros. Là est le double coût du vieillissement et du progrès technologique : de plus en plus de retraités vivent de plus en plus longtemps et sont de mieux en mieux soignés par une médecine de plus en plus pointue. Rien que des bonnes nouvelles en somme, sauf pour les finances publiques. Chaque année, la facture s’alourdit. Les pensions et les soins de santé pèsent ainsi respectivement 15 et 10 milliards d’euros de plus qu’il y a dix ans. Le Comité d’étude sur le vieillissement a calculé qu’en 2060, la Belgique comptera 3,3 millions de seniors (65 ans et plus), soit 1,3 million de plus qu’aujourd’hui. Un Belge sur quatre aura alors plus de 65 ans et un sur dix, plus de 80 ans. Le Comité évalue la hausse des coûts liés au vieillissement à un bon 5% du PIB d’ici à 2060, passant de 26 à 31%.

A noter aussi, les 40 milliards d’euros versés en pensions l’an dernier sont la somme de deux sous-groupes : aux 25 milliards que pèsent les pensions du secteur privé s’ajoutent les 14,7 milliards versés aux retraités du secteur public. Les premières ont gonflé de 52% en dix ans, les seconds de 81%. Les pensions publiques enflent plus vite que les retraites privées, et la tendance n’est pas près de s’inverser car une masse importante de fonctionnaires, engagés dans les années 1970, arrivent à présent à l’âge de la retraite. Or, une pension de retraite dans le secteur public vaut deux fois celle du privé : 2 330 euros en moyenne pour une carrière dans le public, contre 1 123 euros dans le privé (chiffres à fin 2012 pour le secteur privé et au 1er juillet 2013 pour le secteur public).

Pour le reste, 7,2 milliards d’euros servent aux allocations de chômage, 6,7 milliards aux indemnités maladie-invalidité (incapacité de travail, écartement du travail pour cause de grossesse, congé de naissance, etc.) et 6,4 milliards aux allocations familiales.

Au total, la Belgique est un des pays où les dépenses sociales publiques sont les plus élevées au monde : 30,7% du PIB. Parmi les pays développés, il n’y a que la France (33%) et le Danemark (30,8%) pour en faire plus, selon les chiffres 2013 de l’Organisation de coopération et de développement économiques (OCDE).

L’autre gros morceau : les salaires du secteur public

Cinquante milliards d’euros en 2013, c’est ce que pèsent les rémunérations des salariés (fonctionnaires et contractuels) de l’ensemble des administrations (fédérales, régionales et communautaires, locales). Soit un quart du total des dépenses publiques. Le poste ne cesse d’augmenter, de l’ordre de 1,5 à 2 milliards d’euros par an. Cela s’explique par l’effet de l’indexation et des progressions barémiques mais aussi, et surtout, par une très nette augmentation de l’emploi public. Depuis 2000, le pouvoir fédéral emploie certes 20 000 personnes de moins mais, dans le même temps, 60 000 postes ont été créés par les Régions et Communautés et 60 000 autres par les administrations locales. Au final, ce sont donc 100 000 emplois publics qui ont été créés depuis 2000, portant le total à 842 000 postes à fin 2013. L’emploi public a augmenté de 14% sur la période, une progression plus rapide que celle observée sur le marché belge global (+10,5%).
A noter en particulier, la hausse spectaculaire dans l’enseignement, logé au niveau des Communautés et des pouvoir locaux : 54 000 salariés de plus par rapport à 2000 (pour un total de 361 000 à fin 2012), soit une hausse de 18%. Tout ceci se traduit pour une hausse vertigineuse de l’enveloppe budgétaire consacrée à l’emploi public : elle pèse actuellement 20 milliards d’euros de plus qu’en 2000.

Rien que des gros chiffres. Et encore, ceux-ci n’intègrent-ils pas les très nombreux emplois subsidiés qui ont été créés dans des domaines comme l’action sociale, la santé ou les services à domicile : 229 000 emplois y ont été créés entre 2000 et 2010 (+69%), dont plus de 100 000 jobs créés ou plutôt « officialisés » avec l’introduction du système des titres-services, selon une étude publiée en 2012 par des experts de la Banque nationale. Or, qui dit emplois subsidiés, dit intervention des moyens publics.

Les restes : la dette

Depuis dix ans, les charges d’intérêt tournent autour de 12 à 13 milliards d’euros par an. L’an dernier, 12,1 milliards d’euros ont été décaissés, soit 5% de moins qu’en 2012. Cela s’explique par les taux d’intérêt très bas en vigueur sur les marchés. Cela permet à la Belgique de se financer à moindre coût : elle émet aujourd’hui des obligations à 10 ans assorties d’un taux d’intérêt de l’ordre de 2%, soit la moitié de ce qu’elle devait proposer lors de la crise pour trouver preneur. Le problème, c’est que, dans le même temps, la dette publique s’est creusée. Avec la crise et le sauvetage des grandes banques belges, l’ardoise est même remontée au-dessus de la barre des 100% du PIB. Fin 2013, la dette nationale pointait ainsi à 387 milliards d’euros, en hausse de 18% sur cinq ans. Bref, la Belgique paie moins d’intérêts mais sur une dette plus importante ; au final, elle n’y gagne rien.

Les miettes : l’investissement

Avec 6,3 milliards d’euros en 2013, les investissements publics sont le parent pauvre de nos finances publiques. Ils ne valent pas plus que 3% du total des dépenses publiques. Le mal est chronique : depuis dix ans, la Belgique est en queue de peloton dans les statistiques européennes, invariablement, ses investissements publics plafonnent à 1,6 ou 1,7% du PIB, soit deux fois moins que des pays comme la France ou les Pays-Bas.

Par Paul Gérard

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