Carte blanche

On ne s’habitue pas aux menaces de morts (carte blanche)

Fadila Maaroufi, une des fondatrices et directrice de l’Observatoire des fondamentalismes, raconte les mencaces dont elle a fait l’objet et dénonce: « Les islamistes veulent instaurer une théocratie et ils n’acceptent le jeu démocratique que dans la mesure où ils peuvent l’instrumentaliser en vue de la faire tomber. »

Ce lundi matin 5 juillet 2021, je me suis réveillée comme d’habitude, positive et avec le sourire.

J’ai allumé mon gsm. Il y avait des notifications Twitter. Plusieurs messages sont apparus, dont un provenant d’un destinataire inconnu.

J’ai cliqué sur la petite enveloppe bleue et j’ai lu le message. Au texte était joint une vidéo.

Ces quelques secondes de visionnage m’ont parues interminables tant l’horreur véhiculée par les images était insoutenable.

Il s’agissait d’exécutions par décapitation filmées au ralenti. Probablement des soldats de Daech.

J’ai tout de suite envoyé les liens à mon avocat pour un suivi. Ce n’est pas la première menace de mort que je reçois, mais celle-ci a quelque chose de particulier.

L’auteur a choisi ses mots avec soin, c’est très bien écrit et la vidéo provient d’un site ou moteur de recherche probablement difficile à trouver, à moins d’avoir des intentions malsaines.

J’avais déjà porté plainte à deux reprises par le passé. Mais le peu de suites et le manque de suivi m’avait tellement sidérée que j’avais abandonné l’idée-même d’aller porter plainte. Devoir me déplacer, endurer de longues heures d’attentes pour finalement me retrouver devant des policiers compatissants et désolés sachant les suites réservées à ce genre de dossier, me décourageait.

La plupart se sentent impuissants à cause du peu de moyens dont bénéficie leur service mais aussi à cause de leur difficulté à analyser et appréhender ce genre de menace.

Pourtant, malgré mon expérience, aujourd’hui je ne veux pas lâcher.

Il faut une réponse implacable à ce type de violence.

Lundi matin, mon avocat envoie donc un courrier au procureur.

Mardi, je me rends au commissariat pour porter plainte sur ses conseils.

Lorsque je me présente, un agent me demande la raison de ma présence. J’explique que j’ai reçue une menace de mort et que je veux porter plainte.

L’agent me répond qu’il faut prendre rendez-vous parce qu’il n’y a plus de place disponible aujourd’hui.

J’insiste en montrant la menace que j’ai reçue et la lettre de mon avocat adressée au procureur, expliquant que je risque une attaque potentielle.

Le policier en chef m’informe qu’en attendant, il va prendre mon numéro de téléphone afin que je sois prioritaire en cas d’appel d’urgence, auquel cas, une patrouille se dirigera à mon domicile.

Le rendez-vous est pris pour jeudi matin.

Du lundi 5 au jeudi 8 juillet, je vis avec cette menace de mort qui plane.

On a beau avoir l’habitude, on ne s’habitue pas.

Nous sommes seuls face à nos questions et à notre sécurité.

A ce désarroi s’ajoute d’autres questions: pourquoi n’y a-t-il pas une procédure claire et rapide pour ce genre de menace?

Il y a là un trou béant.

On affirme vouloir lutter contre l’islamisme et le djihadisme mais les réponses apportées sont loins d’être efficaces.

Je vois quels projets il faudrait mettre en place pour lutter efficacement mais cela n’intéresse pas la plupart de nos politiques trop occupés à faire du racolage électoral pour conserver leurs sièges.

Pourquoi les citoyens n’agissent pas ? Pourquoi les citoyens musulmans opposés à l’islamisme et au djihadisme ne se manifestent pas davantage ?

Je vous réponds ceci: ils constituent une majorité silencieuse et ils se taisent parce qu’ils savent qu’ils ne seront pas protégés.

Ils savent qu’il y aura des idiots utiles ou des cyniques qui prendront la défense de ces criminels.

Ils savent qu’aujourd’hui, si nous parlons, nous risquons de perdre tout : travail, amis, sécurité, sommeil, santé, soutiens…

Alors pourquoi continuer?

Pourquoi avoir commencé?

Parce que je sais que c’est ce qu’il faut faire.

Et je sais pertinemment que ne rien faire mène au même résultat: tout perdre, mais un peu plus tard.

Les islamistes ne nous lâcheront pas, ils veulent notre aliénation, notre soumission à leur projet totalitaire et ultra violent.

Je refuse la soumission.

Les idiots utiles sont en réalité des lâches qui pensent pouvoir négocier la paix avec les islamistes ainsi que leur petite place au soleil en échange de leur complaisance. Ils se mettent le doigt dans l’oeil.

Les islamistes veulent instaurer une théocratie et ils n’acceptent le jeu démocratique que dans la mesure où ils peuvent l’instrumentaliser en vue de la faire tomber, et leurs alliés d’aujourd’hui tomberont avec quand ils n’en auront plus besoin, comme ça a été le cas en Iran après l’arrivée au pouvoir de Khomeini.

Fadila Maaroufi est l’une des fondatrices et directrice de l’Observatoire des fondamentalismes

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