L'obligation photovoltaïque concerne quelque 2.500 entreprises au nord du pays. © PERPETUM

Obligation photovoltaïque pour les gros consommateurs: « Pas le meilleur choix pour toutes les entreprises »

Christophe Leroy
Christophe Leroy Journaliste au Vif

Faut-il obliger les gros consommateurs d’électricité à se doter de panneaux photovoltaïques, comme la Flandre l’a récemment décrété? Pour Peter Claes, directeur de Febeliec, la fédération représentant les industries consommatrices d’électricité et de gaz naturel en Belgique, la souplesse est primordiale afin d’atteindre les objectifs énergétiques et climatiques.

Le 23 novembre dernier, le parlement flamand a adopté un décret visant à obliger, d’ici à juillet 2025, les acteurs consommant au moins 1 000 MWh d’électricité par an à équiper leurs toits de panneaux photovoltaïques. Cette mesure, qui concernerait quelque 2 500 entreprises au nord du pays, vaut pour les propriétaires, bénéficiaires d’une emphytéose ou d’un droit de superficie des bâtiments concernés. Pour les organismes publics, cette obligation s’applique dès que la consommation annuelle dépasse 500 MWh – soit environ sept cents sites. Une valeur seuil dégressive pour ces derniers, puisqu’elle diminuera à 100 MWh d’ici à 2026. Comme le prévoit le décret, dont les modalités pratiques doivent encore être définies, le gouvernement flamand tiendra compte des autres formes d’énergie renouvelable pour évaluer le respect de cette obligation photovoltaïque.

Peter Claes, directeur de Febeliec, la fédération représentant les industries consommatrices d’électricité et de gaz naturel. © belga image

Comment Febeliec a-t-elle accueilli le décret flamand relatif à l’obligation d’installer des panneaux photovoltaïques pour les gros consommateurs?

Notre sentiment est mitigé. Les trois objectifs d’une politique énergétique consistent à réduire les émissions de CO2, à augmenter la sécurité d’approvisionnement et à rester compétitifs en ayant accès à des prix abordables. Cette mesure-ci réduit certainement les émissions de CO2. En revanche, son apport en matière d’indépendance énergétique n’est pas clair, compte tenu du caractère intermittent de la production photovoltaïque et de la provenance des panneaux. Sur le plan de la compétitivité, cela devient beaucoup plus complexe: il faut évaluer si la production solaire correspond aux moments où l’entreprise consomme. D’autant que la moyenne du prix de l’électricité qui lui sera facturée en dehors de ces heures de production tendra à augmenter.

Le mérite de la mesure est d’éviter l’inaction.

Le photovoltaïque n’est qu’une source renouvelable parmi d’autres parfois plus pertinentes pour un industriel, compte tenu de ses besoins énergétiques…

Au stade actuel, la mesure prend la forme d’un décret-cadre, permettant tout de même une certaine souplesse par rapport à d’autres moyens pour arriver à une efficacité énergétique accrue. Le photovoltaïque n’est pas le meilleur choix pour toutes les entreprises. Dans bon nombre de cas, la réduction des émissions de CO2 et de la consommation passe avant tout par l’amélioration de l’efficacité énergétique des processus. Il faut aussi tenir compte des questions techniques: certaines entreprises disposent de très peu de toits et préféreront peut-être placer des éoliennes ou une installation biomasse.

Ce décret risque-t-il de muer en obligation de façade, compte tenu des besoins et des configurations très différentes des sites des consommateurs ciblés?

C’est en quelque sorte un moyen de pression, visant à dire à ces consommateurs: si vous ne faites rien, alors vous devrez vous soumettre à cette obligation. Le mérite de la mesure est donc d’éviter l’inaction. Certaines sociétés se diront que c’est peut-être le moment d’investir dans une alternative renouvelable. D’autres se limiteront peut-être à couvrir 10% de leur consommation électrique via des panneaux solaires, tout en sachant que les 90% restants seront plus chers.

Quels sont les freins décourageant jusqu’ici certaines entreprises d’installer des panneaux photovoltaïques, alors qu’elles pourraient techniquement le faire?

Il faut faire un compromis entre l’objectif sociétal que nous partageons tous et la réalité dans laquelle les entreprises évoluent. Il y a d’abord une limite à leur potentiel d’investissement: plusieurs d’entre elles voudront en priorité élargir leur capacité ou investir dans la sécurité, avant d’envisager une production renouvelable. Il y a aussi leur engagement individuel: des sociétés font le choix d’aller plus loin que d’autres en se fixant un objectif 100% renouvelable bien avant 2050.

Comment évalueriez-vous les efforts consentis dans ce domaine par les entreprises concernées ces dernières années?

Avant la crise énergétique que l’on traverse, l’évolution me semblait déjà favorable depuis ces cinq dernières années, avec l’émergence des objectifs pour 2025, Fit for 55 (NDLR: un paquet de propositions pour le climat adopté par la Commission européenne fin 2021) et le Green deal européen. De plus en plus de sociétés s’engagent positivement dans ce sens, bien que l’argument économique reste présent. Cependant, avec les prix que l’on a connus et l’augmentation du coût de la tonne de CO2, soyez sûr que chaque entreprise en Belgique ou en Europe est désormais consciente de l’impact des prix de l’énergie sur ses activités. Les solutions passent par la production renouvelable, mais aussi par l’efficacité énergétique et un ciblage plus fin des heures pendant lesquelles on consomme davantage d’électricité.

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