Assita Kanko

« Nous sommes tous des primates, c’est Darwin qui le dit »

Assita Kanko Élue au conseil communal d'Ixelles (MR) et membre du thinktank Liberales. Née au Burkina Faso.

Nous avons tous « des yeux, des mains, des organes, des dimensions, des sens, de l’affection, de la passion ; nous sommes nourris avec la même nourriture, blessés par les mêmes armes, exposés aux mêmes maladies, soignés de la même façon, dans la chaleur et le froid du même hiver. Si vous nous piquez, ne saignons-nous pas ? Si vous nous chatouillez, ne rions-nous pas ? Si vous nous empoisonnez, ne mourrons-nous pas ? » Ainsi écrivait Shakespeare dans « Le Marchand de Venise ». Cela est toujours vrai.

Madame Taubira appartient elle aussi à cette « espèce humaine ». Je suis solidaire d’elle parce qu’avant d’être ministre, avant d’être politique, elle est un être humain, une femme, une Européenne, la soeur, la mère ou l’amie de quelqu’un. Si elle avait un chagrin d’amour, elle serait aussi triste que vous et moi. Si on la chatouillait, elle rirait. Non ? Qui a déjà essayé ?

Peu importe que Madame Taubira soit de gauche. Peu importe qu’elle soit noire. Qu’elle soit riche ou pauvre, qu’elle ait tort ou raison quand elle exprime ses idées politiques. Le débat n’est évidemment pas là. Je prends ma plume aujourd’hui pour condamner les basses attaques dont Madame Taubira fait l’objet parce qu’un libéral n’accepte aucune forme de racisme. Parce que le silence est une complicité. Parce que l’Europe est la terre des Lumières et que la Déclaration universelle des droits de l’Homme est plus essentielle que jamais…

Qu’on critique donc Madame Taubira sur son bilan, sur son travail (sous une présidence qui, malheureusement pour elle, n’est pas des plus brillantes) mais pas sur un aspect de son identité. De son humanité. Qu’ajouter à cette évidence sinon que la banalisation des propos racistes en Europe témoigne d’une évolution humainement dangereuse. Le prix Nobel d’économie Amartya Sen n’avait-il pas prévenu dans son livre « Identité et Violence » des dérives que l’illusion de l’identité peut causer ? En effet, tout cloisonnement identitaire est réducteur et empêche de voir la personne humaine dans sa totalité. Il faut éviter ce type d’enfermement qui a conduit aux atrocités de l’Histoire récente. Est-ce si difficile de concevoir l’humanité de chacun ?

Voilà pour les principes. Nobles et universels. Mais on aurait tort de s’y borner. Pour les avoir souvent affrontées, il est des attitudes prétendument vertueuses qui contribuent à nourrir le racisme et à permettre sa banalisation.??Prenons par exemple les Calimeros. On les rencontre parfois sous la forme d’associations financées avec des deniers publics. C’est-à-dire de l’argent qui sort de nos poches. Calimeros paranos jusqu’à la sottise puisqu’ils s’attaquent par exemple au père fouettard plutôt qu’ au vrai racisme. Ceux-là me font penser à la fable d’Esope « Le garçon qui criait au loup ». C’est l’histoire d’un petit garçon qui jurait avoir vu un loup, en réalité imaginaire, ce qui finit par le discréditer auprès des habitants de son village. Le jour où le loup vint vraiment le dévorer, tous crurent qu’il mentait à nouveau. Résultat : il fut mangé tout cru. Triste, non?

Et puis, il y a les autruches. Elles sont les premières à penser que le racisme ne les concerne pas. Un jour, lors d’un forum de Jump pour l’égalité des genres, une phrase d’un des orateurs m’a frappée : « Quand on parle de genre, certains pensent que cela concerne quelqu’un d’autre. » Comprenez que les hommes pensent que cela concerne les femmes et vice versa. De même, certains se rassurent en pensant que lorsque l’on parle du racisme on parle de quelqu’un d’autre. Imbus de leur couleur de peau noire, jaune ou blanche, ils sont alors capables de croire qu’elle les exempte de tout préjugé raciste. Eux racistes ? Non. Jamais.

Il y a enfin les hypocrites qui, par opportunisme, dénoncent en public tout racisme réel ou imaginaire et rentrent ensuite en leur foyer approuver ce qu’ils dénoncent. Quand ils ne vous flattent pas en vous glissant tout bas « Vous savez, je viens de dire ça mais ne vous inquiétez pas ; vous, vous êtes différent (e). » … Parfois cela s’accompagne d’un clin d’oeil supposé être complice. Complice comme Judas.

En aucun cas, le racisme ne peut être toléré, relativisé. Il doit être condamné sans faillir. Les auteurs d’actes ou de propos racistes se trompent de siècle et d’objectif. Leurs propos en disent plus sur eux-mêmes que sur leurs cibles, en l’occurrence Madame Taubira.
Assita Kanko

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