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Noir comme la nuit… Et si je vous emmenais en vacances… dans un verre de vin?

Sandrine GOEYVAERTS
Sandrine GOEYVAERTS Sommelière, caviste, blogueuse et auteure de Jamais en carafe (à paraître)

Et si je vous emmenais en vacances… dans un verre de vin. Par la grâce d’une bouteille, fermer les yeux, faire appel à ses sens et visiter un coin de France, d’ailleurs… En somme, voyager dans le temps et l’espace, juste le nez dans le verre, la langue pétrie de souvenirs.

Le papier brun qui l’entoure bruisse légèrement. Apparaissent alors, sur le fond crème, les lettres rouges sang d’une langue étrangère et exigeante. Pas moyen de plaisanter ici, la rigueur est de mise. On revient de loin : la collectivisation par l’Etat a tout bousillé. Il en a fallu du courage et du cran pour remonter le niveau, revenir aux temps anciens où les rouges profonds, denses, mine d’encre séduisaient en diable. A l’opposé, les cousins Tokaji, eux aussi, ont souffert : on a depuis retrouvé le goût du blanc suave, et l’aszù essencia. Les vignes bien entretenues jouent à saute-mouton sur les vallons, se frottent à quelques éperons rocheux. Nous sommes en Hongrie, la région de Villány. Sous nos pieds, du calcaire, du loess, de l’argile rouge : il fait chaud, pas un souffle de vent ne se fait sentir, les raisins presque noirs de kadarka et de kekfrankos sont gonflés de jus, il suffirait de tendre la main, d’en faire rouler un grain sous les doigts, puis de le presser pour goûter à cette pulpe sucrée. Mais laissons-les tranquilles. Allons plutôt rafraîchir nos épaules dans la cave : c’est sa modernité qui frappe.

Attila gere, Villány, Kopar 2006 (Hongrie).
Attila gere, Villány, Kopar 2006 (Hongrie).

Après les paysages immuables, nous voici dans un lieu sobre et technologique : cuves rutilantes et barriques hongroises pour la plupart, même si on aime les origines françaises. La bouteille est maintenant sur la table, attendant le tranché de capsule, puis le déshabillage. Le bouchon glisse sans se faire remarquer. Kopar, un chant qui vient d’ailleurs, avec pourtant des partenaires bien connus : cabernet sauvignon, merlot et cabernet franc. Il se laisse couler, bas de soie, noir comme la nuit. Le cristal s’ourle de ce vin sombre aux notes de cacao amer. De l’épice, peut-être de la cannelle, voire du macis. Quelque chose de chaud et de voluptueux. Il faut lui laisser de la place : donner à ce prince qui s’ignore un lieu à investir. Ce sera une carafe. Libéré, il devient fougueux, impétueux. La différence est nette avec le premier verre : sur la langue éclate une cerise noire qui dure, encore et encore. C’est l’histoire d’un vin de longue haleine, de patience, de gens passionnés, de rides dues au vent et au soleil qui tape trop. C’est un vin de reconquête.

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