Reed Hastings © Belga

Netflix, l’addiction par la simplicité

Guy Verstraeten
Guy Verstraeten Journaliste télé

Le géant américain de la vidéo à la demande, à peine débarqué ici, a rappelé pourquoi il avait tant de succès : un service bon marché, efficace et hyper facile d’accès. Revue des bons et mauvais points.

Il était temps. L’arrivée de Netflix en Belgique était annoncée fiévreusement depuis plusieurs mois. Pour pas un euro, ou presque, le géant mondial de la vidéo à la demande s’est offert une campagne de marketing ahurissante, s’imposant dans l’agenda médiatique belge comme l’un des enjeux majeurs de cette année 2014. A raison ? En partie, oui. Parce que l’ancien livreur de DVD à domicile reconverti en roi mondial de la VOD en streaming, a quand même de sacrés arguments dans le panier. Ce n’est pas pour rien qu’il a convaincu 50 millions d’utilisateurs de par le monde.

On a beaucoup parlé de sa position dominante, de ses velléités d’expansion internationale, des déclarations tapageuses de son CEO Reed Hastings, qui prédisait récemment la fin de la télévision linéaire dans vingt ans. On a beaucoup écouté les télés belges, privées et publiques, ou les opérateurs Internet raconter à quel point leurs offres et services étaient tellement différents que la menace Netflix n’en était pas une. Et c’est vrai qu’en l’état, la plate-forme ne propose ni sport, ni infos, ni magazines, ni toutes ces choses qui font de la télévision un média social, dont on discute avec les collègues chaque matin devant une machine à café. Il est tout aussi vrai, pour reprendre les arguments massues de BeTV ou de Belgacom, que le catalogue de films proposés par l’américain manque cruellement de nouveautés. Et qu’il n’est pas spectaculairement fourni en Belgique, quelques centaines de titres, dont pas mal de navets calamiteux.

« Vos premiers jours seront les pires »

Quand on les lance sur la profondeur de leur catalogue, les pontes de Netflix y vont d’ailleurs d’un argument- pirouette qui, à y regarder de plus près, n’est peut-être pas aussi naïf qu’il n’y paraît : « Netflix n’a pas pour vocation d’avoir tout. La vraie question que vous devez vous posez en utilisant notre site est : pouvez-vous y trouver quelque chose que vous aimez ? C’est mieux d’avoir un titre que vous aimez qu’un million que vous n’aimez pas », lance Ted Sarandos, responsable des acquisitions.

Et de fait, pour l’avoir essayé, on peut vous dire que Netlifx a bien compris qu’un vieux machin bien vendu vaut parfois mieux qu’une nouveauté mal classée, mal mise en valeur et très chère. Pour parler concrètement, lancer un film ou une série dans la version de son choix est d’une simplicité désarmante sur la plate-forme américaine, l’aspect illimité de l’abonnement et la multiplication des supports disponibles (tout ce qui peut se connecter à Internet, en gros), finissant d’asseoir le côté addictif de la bête. En fait, Netflix, c’est un vidéoclub. Un vidéoclub à domicile, où un abonnement mensuel bon marché nous permettrait d’essayer ou de voir tous les films qu’il propose. Dans ce vidéoclub, il y aurait aussi de très bonnes séries maison (Orange is the new black en tête, en l’absence paradoxale de la tête de gondole House of Cards, dont les droits avaient été vendus à BeTV et à la RTBF avant que Netflix ne décide de débarquer en Belgique), d’autres que vous pourrez regarder en exclusivité (l’excellente Fargo, par exemple), d’autres encore dont vous vous souvenez avec plaisir et le reste, dont vous vous moquez éperdument. Ce vidéoclub, par ailleurs, aurait un patron qui connaît si bien vos goûts qu’il anticipe ce que vous pourriez avoir envie de regarder. C’est l’une des grandes fiertés de la plate-forme : des systèmes d’algorithme puissants et complexes qui permettent à l’opérateur, sur la base de ce que vous regardez habituellement et des cotations que vous donnez aux titres déjà vus, de vous proposer vos prochaines séances. Sur votre profil personnalisé (quatre profils peuvent être activés sur un même abonnement), les suggestions s’affinent au fur et à mesure de l’utilisation. « Quand vous utilisez Netflix pour la première fois, les recommandations sont génériques. Vos premiers jours seront les pires ! » sourit Jenny McCabe, l’une des responsables de la communication du groupe. Par exemple, après avoir regardé le week-end dernier The Social Network, de David Fincher, le site nous a proposé Truman Capote, Will Hunting, Le discours d’un roi, Slumdog Millionaire, mais également les séries Sons of Anarchy, Californication, Breaking Bad ou Prison Break. Histoire de faciliter les choix. Tout en collectant des tonnes d’informations qui permettent notamment à Netflix de cibler les goûts de son public, de muscler son catalogue en fonction (une soixantaine de films francophones ont été lancés dans la bataille, pour voir si ça prend) ou même de produire des séries qui répondent aux attentes manifestes de son public. Un peu discutable comme procédé de création, mais très efficace.

Un catalogue doublé en un an

Ce système de suggestions tapisse donc l’interface du site, où il est également possible de trouver un film en tapant son acteur préféré dans un moteur de recherche. Un clic, et le titre se lance en quelques secondes, dans la version de son choix. Un peu comme sur certains sites de streaming illégaux, que Netflix concurrence un peu partout dans le monde : la conscience soulagée, l’aficionado du téléchargement illégal pourra retrouver ses repères sur la plate-forme. Aux côtés d’autres avantages non négligeables. Par exemple, on peut arrêter un film en plein milieu, pour le reprendre sur un autre support, une tablette par exemple. Forcément, l’accès au streaming sur un, deux ou quatre écrans simultanés (en fonction de l’abonnement, lire l’encadré), enfonce encore le clou de l’individualisation des soirées. Mais la télévision linéaire doit composer depuis plusieurs années avec les écrans supplémentaires.

Netflix n’a pas bâti son succès sur du vent. La HD fonctionne, ça va vite, c’est précis, facile d’accès, exempt de toute publicité et, forcément, de toute contrainte d’horaire. Netflix va-t-il révolutionner le marché ? « La plupart des gens qui s’abonnent à Netflix gardent encore la télé, s’abonnent même à des chaînes payantes et utilisent d’autres services, comme Amazon. C’est un complément aux services traditionnels », répond Jenny McCabe. La seule crainte que l’on puisse émettre, c’est qu’à force de se manger les films de ce catalogue restreint, on finisse par l’épuiser en quelques semaines, ou quelques mois. L’opérateur assure que le nombre de titres aura doublé d’ici à un an. Et qu’il enrichira encore son catalogue si Netflix s’avère un succès en Belgique. Les paris sont ouverts.

En pratique

Trois formules d’abonnement : 7,99 euros pour un écran sans HD, 8,99 euros pour deux écrans simultanés avec HD et 11,99 euros pour quatre écrans simultanés en HD ou ultra HD. L’abonnement est résiliable à tout moment. Un mois gratuit est offert, sans engagement, aux nouveaux utilisateurs. Quatre profils différents peuvent être activés sur un seul abonnement, avec une personnalisation des recommandations pour chacun de ces profils.

Netflix peut s’activer sur tous les supports connectés à Internet. Toutes les SmartTV de moins de deux ans ont été automatiquement pourvues de l’application.

Netflix a démarré en 1997, avec un service de location de DVD en ligne. Présent aujourd’hui dans 47 pays, l’opérateur compte environ 50 millions d’abonnés, et siphonne, aux Etats-Unis, plus de 30 % de la bande passante Internet chaque soir.

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