Une gare de bus sur le toit de la gare des trains? Un investissement peu raisonnable, jugent les opposants. © EUROGARE

Namur: La zone nord, à requalifier d’urgence

Philippe Berkenbaum
Philippe Berkenbaum Journaliste

Dans la guerre ouverte entre le projet communal de résurrection de la zone Léopold/Nord et ses détracteurs, on ne se fait pas de quartiers. Alors qu’un profond changement s’impose. Grâce à plus de logements, de commerces et de bureaux?

A la sortie de la gare de Namur, chacun aboutit au même constat: un environnement inhospitalier saturé de voitures, mal fréquenté, sale, à l’offre commerciale en berne sur fond d’un décor urbain, au mieux vieillot, au pire en ruines ou à l’abandon telle la vieille poste ou l’ex-gare des bus devenue un coupe-gorge. Quant au square Léopold, plus grand monde n’est tenté de se risquer dans ce parc urbain en plein déclin et, comme le reste de la zone nord, foyer d’insécurité.

Une insécurité telle que le bourgmestre a recruté, sur les deniers communaux, des policiers supplémentaires formant une nouvelle brigade urbaine chargée de renforcer la sécurité et la surveillance de ce quartier nord inhospitalier. Tant le collège communal que ses opposants s’accordent en tout cas sur un point: « Il est temps que cela change radicalement! » En revanche, c’est sur la solution que se déchirent les deux parties depuis plus de douze ans.

Horizon 2024

En résumé, le projet de la Ville tient en une nouvelle gare de bus sur la dalle au-dessus de la gare des trains, l’implantation d’un mégacentre commercial de 18 000 m2 de magasins avec son parking souterrain de 900 places, le nouveau centre régional de la banque Belfius, la place de la gare et les espaces publics réaménagés, tout comme la galerie Wérenne en cours de rénovation, tandis que le nouveau profil de la rue Godefroid est à l’étude. L’entièreté de la zone s’enrichirait à terme de 20 000 m2 de commerces, de 12 000 m2 de bureaux et de 12 000 m2 de logements supplémentaires.

Le volet logements modifiant l’affectation du quartier, l’autorité communale a dû lancer, en janvier 2021, une procédure de remembrement urbain (PRU). Elle devrait aboutir et être confirmée par la Région début 2022. Alors seulement pourront être déposées les demandes de permis de construire des nouvelles pièces du puzzle nord. « La plupart des projets devraient être parachevés d’ici 2024. Sauf ceux du square Léopold et du pôle commercial dont les chantiers débuteront avant 2024 mais prendront plus de temps », évalue Maxime Prévot.

C’est sur la solution que se déchirent les deux parties depuis plus de douze ans.

D’autant que les détracteurs de la volonté maïorale ne montrent aucune intention de ménager la nouvelle stratégie urbanistique qui condamne le square Léopold jugé « incompatible avec les besoins de surface et de grand parking souterrain du futur mall commercial ». Une consultation publique menée en juin-juillet a enregistré trois mille courriers, en majorité hostiles au projet de la Ville. Certains opposants suggèrent même que la dégradation et la négligence de la zone nord, en particulier du square Léopold, relèveraient d’une stratégie délibérée de la Ville de la laisser se paupériser, se déliter, pour en faire un argument de changement radical.

Une dalle pour que dalle?

Même la nouvelle gare des bus prévue sur la dalle supérieure de la gare des trains et dont le chantier débutera au printemps 2022 est dans le viseur. « Cette nouvelle gare de bus de 11 000 m2 en toiture de la gare SNCB offrira certainement une meilleure sécurité et un meilleur confort aux usagers ainsi qu’au personnel du TEC. Mais quelle est sa réelle utilité puisqu’elle sera uniquement dédiée aux lignes de bus périurbains? , grince Franz Bodart, pilier de l’association Namur 2080. De plus, les usagers (combien?) de ces lignes, par facilité, n’attendront pas pour en descendre d’être sur le toit et de devoir redégringoler trois étages, soit pour attraper une correspondance ferroviaire soit pour sortir de la gare. Cela vaut-il les quatre-vingts millions d’euros engagés? »

Rien ne serait-il donc digne d’encouragements aux yeux des opposants au projet? Après un temps de réflexion, l’experte urbanisme d’Inter-Environnement Wallonie Hélène Ancion consent: « La rénovation de la galerie Wérenne, petit trait d’union entre le quartier gare du Nord et le centre-ville, est peut-être un premier pas dans la toute bonne direction. Car il s’agit d’améliorer, sans le dénaturer, un lieu existant emprunté depuis longtemps, inscrit dans les habitudes de tout qui vit et vient à Namur. La priorité doit être d’améliorer et préserver ce qui existe, d’abord dans l’intérêt des usagers de la ville. »

De l’Enjambée au téléphérique

Il y a bien sûr l’Enjambée, qui relie le Grognon à Jambes par-dessus la Meuse, une des premières réalisations achevées du masterplan. « Cette passerelle est une réussite magnifique, s’extasie Denis, un de ses fidèles usagers. Un réel atout de mobilité. Dès que je descends à Namur, je me gare à Jambes et, hop, je traverse. Facile, rapide, agréable. Je remarque aussi une belle évolution d’ensemble en matière de mobilité piétonne. Par contre, à vélo, cela reste compliqué. Du côté de l’offre touristique, ça aura de la gueule une fois l’ensemble terminé. Déjà la Confluence s’annonce superbe. Tout comme le Grand Manège et sa future salle de spectacle. Par contre, je suis moins transporté par le téléphérique, je le vois comme un gadget amusant qui fait tache sur la Citadelle, et réservé aux seuls touristes vu ses horaires réduits (NDLR: 10 h-17 h). »

Denis va être heureux: depuis le 1er septembre, « plus question de réserver le téléphérique aux seuls touristes, indique le maïeur. Les horaires ont été étendus – de 7 h à 18 h 30 en semaine – pour en faire un réel outil de mobilité urbaine pour tous. En particulier les parents habitant les plateaux de la Citadelle, voire Wépion, Malonne, Profondeville. Ils peuvent l’emprunter pour aller déposer leurs enfants en téléphérique plutôt qu’en voiture au pôle scolaire du centre de Namur. »

La relance d’un téléphérique a aussi été l’opportunité de repenser l’aménagement de la place Maurice Servais, son point de départ. « Délaissée, commercialement moribonde, elle sera un espace piéton, sans parking, sans voitures, avec jeux d’eau, kiosques, apéros sympas, etc. Cette logique sera appliquée partout où ce sera possible à Namur. » Elle est pas belle la vie dans l’entre-Sambre-et-Meuse?

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© S.A. TCN

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