Même pour des raisons de santé publique, l'ingérence de l'Etat dans la sphère privée n'est pas toujours appréciée. © belga image

Morosité, anxiété, dépression: l’Etat est-il responsable?

Ludivine Ponciau
Ludivine Ponciau Journaliste au Vif

Qui est responsable du bien-être mental d’un individu: l’Etat, le patient lui-même ou la société tout entière?

Pour David Aubin, politologue à l’UCLouvain, plusieurs conditions doivent être réunies pour qu’un problème de société devienne un problème de santé publique. «On peut établir un parallèle avec la lutte contre l’obésité, qui nécessite un équilibre entre donner la possibilité à un individu de prendre soin de lui et la responsabilité d’un gouvernement face à l’évolution de la population. Pour que cela devienne un problème de santé publique, il faut qu’il y ait une mobilisation collective, autrement dit de la part des citoyens, des associations et des académiques, qui alerteraient sur la gravité de la situation. A partir de là, on doit observer une thématisation et, surtout, une mise à l’agenda politique afin de déterminer quelle sera la réponse de l’Etat.»

Le financement du secteur inclut aujourd’hui un volet préventif et des objectifs plus globaux.

Les rapports alarmistes, les mises en garde des psychologues et des psychiatres, les inquiétudes des services de prévention et de prise en charge… Tous les signaux sont au rouge. Petit à petit, les choses commencent à bouger. Mais comme la santé est à la fois l’affaire du fédéral et des Régions, chacun y va de sa stratégie. Le fédéral a revu sa méthodologie en matière de financement des soins de santé. Autrefois envisagé uniquement par le biais des différents secteurs de soins, il inclut aujourd’hui un volet préventif et des objectifs plus globaux.

En Flandre, l’accent est mis sur le risque de suicide et sur le soutien scolaire, avec une attention particulière aux populations plus vulnérables. A Bruxelles, un nouveau Plan social santé intégré doit permettre aux personnes présentant des troubles de santé mentale d’accéder à des lieux de liens. Il prévoit également un renforcement du soutien aux initiatives d’accueil. En Wallonie, on mise sur un bien-être global au moyen d’un plan de prévention 2023-2027. Comment? En favorisant le passage d’une culture de soins à une culture de bien-être, en misant sur le développement de compétences personnelles et collectives et en déstigmatisant les problèmes de santé mentale.

Au-delà du financement, la question est aussi de savoir s’il revient aux institutions de prendre en charge tout le volet préventif. L’ expérience du Covid a montré que l’ingérence de l’Etat dans la sphère privée, même pour des raisons de santé publique, n’a pas toujours été bien acceptée. «Le monde associatif peut aider les personnes à mieux comprendre ce qui se passe en temps de crise. Pour qu’elles se sentent moins comme des marionnettes entre les mains des décideurs. Mais cela nécessite un soutien de la part des pouvoirs publics, jauge Chantal Vandoorne (ULiège). On ne peut pas faire porter la responsabilité de la santé mentale uniquement sur la personne, sur sa cellule familiale ou les associations de quartier. D’ailleurs, il ne faut pas considérer la situation actuelle comme une crise dont on devrait sortir mais comme une transition vers d’autres modes de fonctionnement économiques et sociaux. Soutenir la société dans son ensemble pour l’aider à opérer cette transition, c’est là que se situe la responsabilité des politiques.»

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