Pascal De Sutter

Monarchie ou méritocratie ?

Pascal De Sutter Psychologue politique à l'UCL

Il semblerait que deux tiers des francophones font confiance au prince Philippe pour devenir un excellent Roi. Seul 13 % doutent vraiment des bienfaits de la monarchie. La pensée correcte veut que le Roi soit le garant de l’unité et de la stabilité du pays. Osons penser différemment.

Tournons notre regard vers la Suisse. Voilà un pays multi-lingue qui se montre pourtant bien plus uni que la Belgique. Un exemple de démocratie stable qui n’est jamais restée 541 jours sans pouvoir former un gouvernement.

Comment fait donc la Suisse pour se porter si bien et se passer d’un Roi ? Elle possède un président élu par l’assemblée fédérale qui exerce des fonctions représentatives comparables à celles de notre souverain (réception des chefs d’Etat, allocutions officielles, inauguration diverses). Le président de la confédération helvétique n’obtient pas son poste parce que son père et son grand-père occupaient aussi la fonction. D’ailleurs, le président actuel est fils de paysans très modestes. Il a obtenu cette fonction prestigieuse exclusivement par son travail acharné. Autrement dit : uniquement au mérite.

La méritocratie n’est-elle pas un principe de base en démocratie ? Devient-on médecin uniquement parce que son propre père était médecin ? Devient-on directrice d’école juste parce que sa mère était directrice d’école ? Faut-il appartenir à la noblesse pour devenir bourgmestre ou juge de paix ? N’est-il pas aussi étrange qu’en démocratie certains Belges n’aient pas les mêmes droits et devoirs que les autres ? On critique, de temps à autre, les surprenants privilèges de la famille royale. Aussi, pour rester à contrecourant de la pensée moutonnière, je tiens plutôt à signaler quelques injustices qu’ils subissent.

Plusieurs membres de la famille royale ont nettement moins de droit d’expression que les autres citoyens belges. Si on les critique ou colporte des ragots sur eux, ils n’ont pas la possibilité de librement répliquer. Ils doivent même, dans certains cas, demander la permission au gouvernement pour parler aux médias ou voyager à l’étranger.

On oblige les princes et princesses à poursuivre leurs études dans des écoles élitistes même s’ils n’en ont ni l’envie, ni les capacités. Leur carrière leur est imposée. Un choix en fonction de leurs souhaits, talents et mérites n’est même pas envisagé. La monarchie est un système intrinsèquement injuste. Aussi, on peut s’étonner que le parti socialiste, qui devrait – semble-t-il – se soucier de justice sociale, défende bec et ongles le statu quo d’une institution aussi inégalitaire. Et refuse qu’une commission en examine le rôle exact. Les francophones voudraient-ils conserver la monarchie telle quelle, juste pour contrarier les Flamands ? Ce serait bien mesquin.

Pourrait-on imaginer un système ou le roi des Belges serait élu par le gouvernement (comme ce fut d’ailleurs le cas de Léopold Ier) ? Le futur Roi pourrait être choisi parmi la haute noblesse de sang mais aussi (serait-ce si scandaleux ?) parmi des roturiers méritants à la carrière exemplaire et au trilinguisme parfait. Il ou elle serait nommé(e) pour une durée indéterminée. Une commission indépendante évaluerait son action et émettrait un avis favorable ou défavorable à son maintien à la tête du pays.
Cela me semblerait plus juste pour tout le monde. Y compris pour l’actuelle famille royale dont les enfants n’ont peut-être pas toujours envie d’être traités différemment des autres citoyens belges. Eux aussi pourraient jouir de la liberté d’expression de la démocratie et de l’égalité des chances de la méritocratie. Mais rien ne vous oblige à penser comme moi…

Pascale De Sutter, psychologue politique

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